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IBK face aux trois caïmans: un Président sans pouvoir ?

L’euphorie des élections de 2013 est bien loin derrière. Ayant vécu d’espoirs à voir la crise se résoudre rapidement, les Maliens ont très vite déchanté par la suite. Depuis lors, bien des scandales ont éclaté et éclaboussé l’Etat à son plus haut sommet. Les errements politiques et gestionnels ont fini par renforcer le doute sur la direction prise par le pays.  En effet, le Mali actuel donne l’impression de ne pas  être dirigé, ou qu’il l’est dans le sens contraire aux attentes du peuple. Il y a trop de capitaines dans le bateau, semble-t-il. Une analyse superficielle montre à suffisance que le régime actuel agit sur procurations  délivrées de l’extérieur d’une part, et de l’autre, sous les bottes des commerçants religieux, autoproclamés « leaders », ainsi que sous celles des groupuscules  d’imams  ignorants qui dictent leurs lois de jungle ou  moyenâgeuses à l’Etat.

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Ce sont les procurations extérieures, l’ignorance religieuse,  surtout le manque de courage de faire face au moins à la dernière ; c’est tout cela qui est à l’origine des  tâtonnements des gouvernements maliens que nous avons vus, de l’impuissance de l’Etat à résoudre la crise, à mettre en sécurité les Maliens, et de se soucier de leurs préoccupations quotidiennes.

On estime que les leaders religieux sont pour le bien du peuple. Loin de là. Quand il s’agit de religion, les Maliens ont les oreilles dures, cependant les faits sont intraitables, évidents et en défaveur de la société: tous les actes que ces « leaders »  posent vont dans le sens de leurs  intérêts personnels. Vous ne les verrez jamais refuser le luxe, ou les véhicules de luxe que l’Etat leur offre sur argent du contribuable, au profit des couches défavories de la société. Ils déclarent toujours avoir des millions de fidèles  prêts à suivre leurs consignes. Mais pour lancer un simple appel à une journée de salubrité, ils ne peuvent pas le faire. Leurs consignes sont uniquement pour les votes, leurs prêches centrées essentiellement sur la politique du pays.

Si la vie est devenue dure au Mali, comme beaucoup s’en plaignent, c’est parce qu’à la forte pression extérieure sous laquelle nous vivons à cause de la soumission totale du sommet du pays, au poids de la gabégie organisée par la classe politique de conivence avec la bourgeoisie compradore, vient de s’ajouter un troisième fléau qu’est le joug religieux mis au cou des citoyens.

L’Etat malien, de nos jours, ne fonctionne que pour ces trois éléments à bord du bateau, pendant que le panier de la ménagère devient maigre de plus en plus et que les enfants se noient dans la Méditerranée ou meurent de soif dans le désert. Pendant que nos soldats servent dans une armée qui rappelle une véritable boucherie humaine. Pendant que le nombre d’orphélins et de veuves augmentent, que les attaques jihadistes et le banditisme gagnent du terrain, plongeant le pays dans la désolation, tout en semant l’incertitude en des lendemains meilleurs.

La puissance de la domination occidentale est alimentée par le manque de courage de nos dirigeants à faire face à leurs responsabilités politiques de veiller, de protéger et de défendre les intérêts  et aspirations du peuple; celle des leaders religieux autoproclamés  est basée sur les millions de fanatiques aveugles qui les suivent, des fanatiques spirituellement appauvris jusqu’à l’état animal et financièrement sucés jusqu’à la moelle des os.  Nombreux sont ces imams qui sont des recalés sociaux, sans même le D.E.F, et qui n’ont jamais fréquenté une Médersa ou école coranique. Que peuvent-ils donc enseigner ou expliquer aux Maliens ? Rien. Ils sortent de leurs têtes des fantaisies qu’ils disent puiser des Paroles divines. Les Maliens y croient mordicus!

Pour avoir été déçus des hommes politiques, les citoyens leur ont tourné le dos pour choisir ainsi donc le chemin de…l’ignorance religieuse, du dogme et de l’abrutissement.  Ils ont fui le lion pour tenter de trouver le salut chez la lionne plus affamée. Lors des élections presidentielles de 2013, alors que le peuple était largement pour lui, IBK s’est laissé berner par ces prétendus leaders religieux en se mettant à leurs ordres. Ils en ont profité, après son élection, pour faire de lui un Président décoratif, ne manquant jamais l’occasion de l’intimider publiquement. Ce n’est plus le IBK dont la belle image a été vendue avant les élections, présenté comme l’homme au poing d’acier dans un gant de velours. C’est maintenant un Président menacé de l’extérieur, défié par la CMA, trimbalé par les jihadistes et copieusement malmenés par les leaders religieux à leur gré. Les exemples sont là.

Le 21 Décembre 2015, à quelques jours de la célébration de la fête du Maouloud, un état d’urgence est décrété en Conseil des Ministres pour éviter les attroupements qui attirent les terroristes. Ayant estimé que c’était pour empêcher les activités cérémoniales, les religieux sont entrés dans toute leur colère. Le gouvertement s’est empressé alors, à travers un communiqué, d’exclure  de l’état d’urgence le Maouloud qui a été célébré. Pour se racheter aux yeux du Chérif Haïdara dont la réaction était des plus vives, IBK lui fait parvenir dare-dare des bœufs et des boissons fraîches en quantité considérable. Apparamment satisfait moralement et conscient plus que jamais de sa suprématie sur le Président, le Chérif avait déclaré lors d’une conférence de presse : « Partout où IBK passe ne dit-il pas qu’il doit son élection aux musulmans ? Comment alors pourrait-il ignorer ceux qui l’ont élu ? Si les autorités ne font pas attention, les musulmans prendront le pouvoir. Nous ferons en sorte que nul ne devienne président de la République s’il n’est pas issu de nos rangs c’est-à-dire de l’imamat ! Je jure au nom d’Allah que nous le ferons si les autorités ne font pas attention ! Pour qu’on n’en arrive pas là, respectons-nous mutuellement». IBK a très vite fait de recevoir Haïdara qui ne parvenait pas à obtenir une audience, de lui formuler ses excuses et de le combler encore de cadeaux.

Pendant la célébration du Maouloud, le même Chérif se  lâche de nouveau sur IBK. Pour cause, une coupure d’électricité de deux jours dans son quartier de Banconi où une grande partie de ses hôtes étrangers était logée. Curieusement et comme par coup de bâton magique, l’électricité  est revenue très vite sur les lieux.

Lors de la Zaria dans son village natal de Tamani, le Guide des Ançar Eddine récidive en exprimant son mécontentement de l’état de la route qui y mène. En mai dernier, le coup d’envoi de la renovation d’un tronçon de 31 km a été lancé par IBK pour plus de 7 milliards de francs. Le Président n’oublie pas l’installation d’une adduction d’eau et  l’électricité pour satisfaire les caprices de Haïdara. De victoire en victoire sur le Mandé Mansa, que demandera donc  de nouveau le Chérif pour lui apporter son soutien définitif dans le cadre des élections de 2018 ? On est tenté de croire à une vraie saignée financière de l’Etat malien! Pour rajouter à l’intimidation, Haïdara avance le chiffre d’un million de ses fidèles detenant la carte NINA.

Il y a un autre aspect. Ce sont les autres Guides spirituels dont le Mali foisonne et qui auront aussi un appétit profond à cause des succès du Chérif. Ils pourront tous, à travers des prêches politiques, s’abattre avec fureur sur le Président en vue d’obtenir ce qu’il juge leur appartenir par la volonté divine.  Ils tenteront aussi de mettre dans la balance le nombre de leurs fidèles. Tant pis donc pour le budget malien et pour ceux  qui leur croient! Cependant, grâce aux magouilles, aux laudateurs qui reçoivent de piètres cadeaux, des promesses de promotion ou de bourses d’études à l’extérieur,  et aux fanatiques  religieux, IBK pourra se faire reélire dans les  mêmes conditions en 2018 et continuer  à être traité en chef symbolique de la Nation, sans aucune autorité devant ces leaders religieux.

Or, il ne sera capable de sortir son poing d’acier, à supposer qu’il en ait, que s’il a le courage de se défaire et de se distancer de cette classe religieuse sulfureuse. Dans ce cas, il aura supprimé le foyer de pression intérieure, ce qui lui donnera une marge de manoeuvres pour diriger et gérer les relations extérieures.

Si 2013 se répète en 2018, c’est-à-dire dans la même situation de couverture religieuse sur fond de fanatisme démesuré, rien ne changera face à la boulimie de ces Guides et à celle d’une classe politique plutôt préoccupée par la soupe. Pis encore, le Mali risque de se retrouver en l’an 1900. Avec une grande chance de connaître la partition définitive.

Du reste, chaque peuple mérite les dirigeants qu’il a élus. Que peut un Président sans pouvoir, à part voyager ?

Une contribution de Sekou Kyassou Diallo (Alma Ata, Kazakhstan).

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