C’est un ami que notre pays a perdu le 20 juin dernier avec la mort d’Edgard Pisani, décédé à l’âge de 97 ans. Cet homme politique, ancien haut fonctionnaire et ancien ministre français était l’un des négociateurs, en compagnie du Mauritanien Ahmed Baba Miské, du Pacte national signé en 1992 entre le Mali et la rébellion d’alors.
Dans une interview accordée à des confrères français en 2004, il expliquait comment il fut désigné et sa méthode pour arriver au succès. « J’ai été médiateur dans la guerre civile qui déchirait le Mali, et je me suis trouvé en face de populations sédentaires noires, les Bambaras et les Songhaï, et d’une population nomade de Touaregs».
Pourtant, il était venu au Mali pour conseiller le gouvernement dans sa politique agricole. C’est le Premier ministre qui a conseillé au président de la Transition de confier à Pisani le dossier de la médiation avec les rebelles Touaregs.
Il a commencé par écouter et apprendre tout. Il leur a demandé de lui dire les problèmes qui se posaient à eux. L’Amenokal a parlé pendant trois heures d’horloge, et a dû prononcer cinq mille mots. Puis, le lendemain, il a accepté de négocier avec Pisani parce que son interlocuteur français avait su écouter.
Sa philosophie de la médiation consistait à donner aux adversaires des raisons de travailler ensemble. Et, au fond, il estime avoir donné aux protagonistes de la crise malienne les raisons de travailler ensemble.
Edgard Pisani, né le 9 octobre 1918 à Tunis, est un ancien haut fonctionnaire et homme politique français. Depuis mardi dernier, les hommages ont afflué de toutes parts, à l’annonce du décès de cet ancien résistant, commissaire européen, ministre de De Gaulle et de Mitterrand.
Il fut tour à tour ministre de l’Agriculture dans les cabinets de Michel Debré de 1961 à 1962 et de Georges Pompidou de 1962 à 1966. Il a joué un grand rôle dans la définition de la Politique agricole commune de la Communauté économique européenne (CEE).
Il a également été ministre de l’Équipement dans le troisième cabinet Pompidou en 1966 et 1967 (il prépara notamment la Loi d’orientation foncière — la LOF — adoptée en 1967) et fut ministre chargé de la Nouvelle-Calédonie du 21 mai 1985 au 15 novembre 1985,http://bamada.net dans le gouvernement Laurent Fabius.
Sur le plan politique, il est le fondateur du Mouvement pour la réforme (MPR, gaulliste de gauche). Il siégea à l’Assemblée nationale en 1967 comme député UD-Ve République de la première circonscription de Maine-et-Loire, puis au Sénat de 1974 à 1981, comme sénateur socialiste de la Haute-Marne. Il est nommé à la Commission européenne, après mai 1981. Il y resta deux années.
Avec la disparition de Pisani, c’est une page d’histoire de la France qui se tourne avec celui qui a passé un demi-siècle au cœur de l’appareil d’Etat et des institutions de son pays. C’est aussi une haute silhouette, un légendaire collier de barbe, une voix puissante, un regard passionné pour l’Europe, l’agriculture, l’Afrique et son développement, un homme à la parole libre et un brin utopiste qui disparaissent. Mais, comme nul n’est parfait, son caractère qualifié de « hautain » par certains, ses manières tranchées, ses jugements catégoriques et une carrière dans les marges lui ont attiré de nombreuses inimitiés.
Y. DOUMBIA
Source : L’ Essor
