«Je donne l’assurance ici que je vais participer activement à la vie politique nationale… avec tous ceux qui ont l’ambition à ce que la gouvernance actuelle change. Je serai au premier plan et parmi les premiers acteurs de ce processus… Je suis peut-être aujourd’hui un des porte-paroles ou porte-flambeau de la contestation… Nous comptons sur la mobilisation de tous et de chacun… Il y a un manque de volonté manifeste de l’Etat à faire face aux difficultés … L’ambition de l’équipe actuelle est centrée autour des personnes physiques, des ambitions personnelles… Le mécontentement à l’intérieur est aujourd’hui tellement grand que s’il faut ajouter à cela une fraude électorale, une explosion sociale est à craindre… Tous les Maliens son mécontents et nous ferons en sorte de rassembler cette majorité de mécontents… ». Dixit Général Moussa Sinko – Interview !
Mon Général, vous avez, par voie hiérarchique et depuis le jeudi dernier, déposé votre lettre de démission et ce n’est pas pour prendre votre retraite. Vous devrez avoir des ambitions nationales. Alors question : seriez-vous candidat aux prochaines élections présidentielles en 2018 ?
Depuis 2012, comme vous l’aviez constaté, les événements nous ont poussés et donné l’opportunité d’assumer des fonctions au niveau national en particulier, au niveau du ministère de l’administration territoriale. Pendant cette période de transition, nous avons fait ce que nous avions pu en vue de remettre les institutions en place et participer positivement au processus de réconciliation nationale et de paix, en particulier avec la signature des accords de Ouagadougou… Depuis cette période, j’ai envie de dire que mon engagement au niveau national a été constant et j’ai toujours l’intention de continuer avec cet engagement.
J’ai été militaire et on le sait, ce statut impose des réserves et des contraintes. Mais puisque je n’ai plus envie de m’occuper que des questions d’ordre militaire, je souhaite désormais mettre mon expérience et mes compétences au service d’autres causes, en particulier, la vie politique nationale. Raisons pour lesquelles, j’ai décidé de démissionner de l’Armée, de continuer cependant à mettre mes services et compétences à disposition des forces de sécurité. J’ai bien envie, sur le plan politique au niveau national, d’apporter une contribution. Donc, je donne l’assurance ici que je vais participer activement à la vie politique nationale. Toute chose qui explique aujourd’hui ma démission.
Nous savons tous qu’il y aura un rendez-vous important l’année prochaine et j’ai envie de participer pleinement à ce rendez-vous électoral présidentiel.
Le rôle particulier que je vais jouer ? Nous allons le peaufiner avec tous ceux qui ont l’ambition à ce que la gouvernance actuelle change et je serai au premier plan et parmi les premiers acteurs de ce processus de changement.
Une décision certainement bien réfléchie. Mais depuis combien de temps vous pensez à Koulouba en vous rasant le matin ?
Disons que le constat a été vite fait autant par de nombreux compatriotes. Depuis 2013, avec l’élection de l’actuel président, nous avions vite compris que les espoirs en lui placés et à son équipe, n’ont pas été honorés, j’ai envie de dire trahis ! A partir de cet instant, il était de mon devoir, de celui de tous les Maliens qui pensent qu’on ne peut plus continuer sur cette voie, de rêver tous les matins à un changement- profond dans ce pays. Donc je fais partie de ces gens qui rêvent tous les matins à un changement profond dans ce pays.
Qu’avez-vous à apporter au Mali et aux Maliens au-delà de la gouvernance actuelle qui laisse effectivement à désirer ? Que reprochez-vous à cette gouvernance ?
Comme vous le saviez, à la fin de la Transition, nous pouvions estimer que l’insécurité était localisée au nord du pays. Le constat est qu’aujourd’hui, le phénomène est généralisé ; le Nord n’est plus sécurisé, le Centre a été contaminé, c’est maintenant tout le Sud où résident les difficultés et déficits sécuritaires.
Sur le plan économique, faites plutôt un tour dans les différents marchés de la capitale et écoutez les commerçants et opérateurs économiques. Ils vous diront toutes les difficultés qu’ils rencontrent en ce moment. Il y a aussi tous ces scandales de corruption au grand jour… Nous sommes tous au courant ! Je pense qu’il y a beaucoup de choses à reprocher à la gouvernance actuelle et il s’agit de trouver des hommes et des femmes qui vont mettre le Mali au cœur des préoccupations, pour nous permettre, l’année prochaine au mois de Septembre, après le scrutin, d’écrire un nouveau chapitre de l’histoire de notre pays.
Dans une élection, l’argent est le nerf de la guerre et au regard de la corruption qui a gangréné nos processus électoraux, aviez-vous les moyens de vos ambitions ?
J’aimerai préciser que ce n’est pas une ambition centrée sur une personne… Je suis peut-être aujourd’hui un des porte-paroles ou porte-flambeau de la contestation actuelle qui veut qu’on ait une autre gouvernance, une autre façon de gérer les affaires publiques… Lorsque vous descendez dans la rue et interrogez dix (10) Maliens, ils vous diront tous qu’ils veulent autre chose. C’est donc un mouvement populaire, quelque chose de très grand, de populaire dans lequel tous les Maliens qui souhaitent le changement peuvent apporter quelque chose. Donc nous comptons sur la mobilisation de tous et de chacun.
Que pensez-vous de ce décompte macabre de plus 700 morts dont des officiers depuis le début de cette année (2017) et surtout, qu’est-ce qui explique ce douloureux phénomène ? L’on avait pourtant espéré avec la loi de programmation militaire, que le prétexte ou l’argument (c’est selon) relatif aux moyens serait définitivement résolu. Bref, qu’est- ce qui ne va pas ?
Laissez-moi d’abord m’incliner devant la mémoire de toutes les victimes, civiles et militaires… Ceci dit, je pense qu’il y a un manque de volonté manifeste de l’Etat de faire face aux difficultés au niveau national… Il est évident que toute l’ambition de l’équipe actuelle est centrée autour des personnes physiques, des ambitions personnelles… Toutes choses qui expliquent les difficultés du moment.
Il s’agira, dans le cadre du programme et du projet que nous voulons mettre en place, de mettre le Mali au cœur de nos préoccupations aussi bien les Institutions nationales… Les ambitions personnelles trouveront leur espace d’épanouissement au sein de ces projets au niveau national. Il est évident qu’un gouvernement qui est préoccupé uniquement par des intérêts personnels ne puisse produire de bilan au niveau sécuritaire, socioéconomique et politique… Ce sont tous les secteurs qui sont affectés : presque plus d’école, l’Etat s’arrête à Ségou… Nous, dans notre projet, nous allons tendre la main à tous les Maliens, nous allons faire la paix entre les Maliens et l’Etat reprendra tout son rôle sur l’ensemble du territoire national. Telle est notre ambition !
Vous aviez été ministre de l’administration territoriale. Au-delà des élections, les Maliens ont des doutes. Ils craignent à raison des conflits post-électoraux qui naîtront éventuellement de la fraude. De par votre expérience, quelle assurance leur donnez-vous ?
Je pense que ceux qui nous gouvernent ont encore assez de bon sens… Je pense que la dernière chose à tenter est d’organiser une fraude électorale… Le mécontentement à l’intérieur est aujourd’hui tellement grand que s’il faut ajouter à cela une fraude électorale, il faudra craindre une explosion sociale… A ce stade, c’est un constat et un avis que je souhaite donner aux équipes qui seront chargées d’organiser le scrutin : être sages et nous amener vers un processus apaisé… Nous tous, société civile, partis politiques et parties prenantes de l’organisation…, nous allons contribuer à ce qu’il ait des élections apaisées. S’il y a de bonnes volontés de part et d’autre, l’on parviendra à ce résultat et éviter ainsi toutes formes de crises avant, pendant et après le processus.
Il nous revient qu’après votre démission, vous aviez été reçu par le Président de la République et à votre demande. Vrai ? Si oui, qu’est-ce que vous vous êtes dit lors de cette rencontre ?
Il y a beaucoup de rumeurs qui circulent. Personnellement je ne sais pas si le président a sollicité ou sollicite encore me voir, mais je suis formel : on ne s’est pas rencontré ! Donc, on n’a pas encore échangé ! Mais s’il souhaite me rencontrer, ce sera avec plaisir que j’irai le voir.
Dès l’annonce de votre démission, l’on vous soupçonne d’être le potentiel candidat de l’ex-junte militaire. Qu’en-dites-vous ?
J’ai envie de dire que le Mali est un ensemble. Notre projet s’adresse à tous les Maliens et non pour ou contre quelqu’un. Pour nous, le Mali est un Tout… Avec ce qu’on aime ou qu’on n’aime pas, nous voulons construire une société cohérente et harmonieuse à l’intérieur de laquelle tout le monde trouvera son espace. Ce n’est donc pas un projet uniquement pour une personne, une association, une communauté. C’est un projet qui s’adresse à l’ensemble des Maliens. Nous voulons gérer et trouver des solutions à tous les problèmes du Mali.
L’alternance politique suppose avant tout la coalition des tendances au sein de l’opposition. Ce qui n’est pas évident au Mali. Toute chose qui réconforte le président en exercice disposant de moyens certes personnels mais aussi de l’Etat en vue de se maintenir. Avez-vous une suggestion à faire en vue de rassembler dans ce sens ?
Je voudrais rassurer les Maliens sur un aspect : aujourd’hui, nous discutons avec tout le monde. L’administration publique malienne est la première à vouloir un changement au niveau de la Gouvernance. Parce qu’elle constitue la toute première institution qui souffre le plus de la mauvaise gouvernance. Alors je ne crois pas un seul instant que cette administration décidera malgré tout de suivre le président IBK et son Gouvernement dans la mauvaise gestion qui continue depuis maintenant quatre (04) ans et qui va continuer jusqu’à la fin de son mandat.
Aussi, pourquoi sommes-nous déterminés à nous engager dans ce projet et qui, nous sommes sûrs, nous amènera au changement : aujourd’hui, il y a plus de gens mécontents, si non, tous les Maliens son mécontents de la manière dont ils sont gérés. Nous ferons en sorte de rassembler cette majorité de mécontents et en faire une force politique capable d’apporter ce changement. L’opposition a son électorat… Nous allons discuter avec tout le monde parce que la clé de la réussite passe par le regroupement, par la convergence. Nous sommes donc disposés à travailler avec tous les partis politiques, toutes les associations qui, aujourd’hui, veulent œuvrer pour le vrai changement. La porte est donc ouverte à tout le monde. Je profite de l’occasion pour lancer un appel à tous ceux qui œuvrent pour le changement à venir avec nous pour travailler ensemble.
Et pour conclure ?
J’aimerai surtout dire aux Maliens que ce pays est un beau pays ! Qu’il regorge de beaucoup de potentialités et qu’il est possible d’en faire le meilleur de la planète. Le début de cette belle aventure sera à partir du 04 Septembre prochain. Je donne rendez-vous à tous les Maliens à se mobiliser et à nous rejoindre dans cette grande coalition, ce grand mouvement populaire qu’on veut mettre en place en vue d’écrire une belle page de l’histoire du Mali à partir du 04 Septembre.
A propos, ayant occupé la fonction de ministre de l’administration territoriale et organisateur des précédents scrutins, quelles sont les dates exactes de la tenue du premier et second tour du scrutin présidentiel ?
La Constitution en vigueur prévoit le premier tour de la présidentielle au plus tôt, 40 jours avant la fin du mandat et au plus tard, 21 jours avant la fin du mandat. C’est ce créneau qui est donné au gouvernement pour organiser. A l’intérieur, il (le Gouvernement) peut choisir la date convenable. Le mandat du président en exercice prenant fin le 04 septembre, le scrutin doit donc être organisé 40 jours au plutôt et 21 jours au plus tard par rapport à cette date (04 Septembre). En tout état de cause, la fin du mandat est le 04 Septembre 2018. Il (le mandat) ne peut aller au-delà !
Réalisée par A. Dramé
Source: figaromali