Le 19 décembre dernier, le campus universitaire de Badalabougou a été le théâtre de fusillades entre des clans d’étudiants se disputant le contrôle des comités locaux de l’Association des Elèves et Etudiants du Mali (AEEM), ce machin devenu le serpent que « les démocrates convaincus et les patriotes sincères » ne peuvent pas tuer par manque de courage politique. De divers témoignages concordants, nous apprenons que les échanges de coups de feu ont duré un certain temps entre les groupes rivaux, contraignant les étudiants et les enseignants à se mettre à l’abri dans les bureaux et les amphithéâtres. Bilan : un mort et plusieurs blessés.
La vidéo du jeune étudiant agonisant, qui a circulé sur les réseaux sociaux, n’a pas manqué de susciter l’émoi. Les perquisitions effectuées par les forces de sécurité (300 policiers et 100 gardes) ont permis de mettre la main sur 20 pistolets artisanaux, 63 machettes, 208 couteaux, 6 bâtons de défense, 7 marteaux, 1 ceinturon, 12 gourdins et barres de fer, 8 paires de ciseaux, 5 tournevis, 6 lance-pierres, des chaînes de moto et des tissus non cousus des Famas, notamment de la Garde nationale. Scandaleux ! Et dire que ce n’est pas la première fois que des fusillades éclatent dans l’enceinte d’une faculté malienne. Les armes à feu dégainent de façon permanente avec blessés graves et mort d’hommes.
La gravité des faits était telle que le secrétaire général du Bureau de coordination de l’AEEM est monté au créneau pour dégager toute responsabilité de son association dans ces violences qui sont presque devenues des pratiques courantes dans l’espace scolaire et universitaire. « On est dans une enceinte qui est censée donner le savoir, mais ce qu’on observe, c’est de la violence, une violence de tous les jours… Il y a eu beaucoup de tirs et les balles perdues pouvaient à tout moment faucher un innocent, qui pouvait être un étudiant ou un enseignant. On a eu un mort. Vous imaginez, un mort dans une enceinte universitaire ? », a confié Ousmane Wane, professeur de géologie à la Faculté des Sciences et Techniques (Fast) sur une radio étrangère.
La chienlit s’est installée dans l’espace scolaire et universitaire au vu et au su des responsables de la République depuis plusieurs années. Ce n’est ni plus ni moins que de la forfaiture. Il est inadmissible, dans une République, que les autorités soient incapables de mettre de l’ordre dans un espace scolaire et universitaire. Au nom de quoi peut-on laisser les enfants, surtout ceux de l’université, basculer dans la violence au point de se tirer dessus ? Pourquoi tant de violence pour le contrôle des comités d’une association dont l’utilité reste encore à démontrer ?
Ces comportements odieux des enfants, au-delà des autorités gouvernementales, interpellent les parents. Car les auteurs de cette barbarie ne sont pas tombés du ciel. Il est temps que nous nous posions de vraies questions, sans démagogie. Comment nos enfants, jadis des biens communs à toute la communauté, ont pu nous échapper jusqu’à devenir des dangers pour eux-mêmes ? Qu’avons-nous fait pour transmettre l’éducation reçue de nos propres parents et aînés ?
Avec de tels comportements, il y a de quoi désespérer de la jeunesse malienne. Dans une tribune intitulée « Le Mali doit redécouvrir la décision démocratique », un collectif de chercheurs et d’acteurs du développement pointait du doigt cette jeunesse malienne « sans formation ni perspective politique ». Les auteurs et autres instigateurs des actes ignobles ne sont pas dignes de Feu Cabral. Ces jeunes-là portent la honte de la République. Ils ne sont pas dignes de faire partie de cette jeunesse africaine consciente, que l’on rencontre au Burkina Faso ou au Sénégal.
Par Chiaka Doumbia
Le challenger