Lorsque la justice remet en cause les compétences des services du ministère de la Culture, de l’Artisanat et du Tourisme, en abrogeant purement et simplement un décret dudit département, validé par le Conseil des ministres, cela devrait ouvrir la réflexion sur les capacités véritables de la fille de Lalla Sy. Mais, puisque nous sommes au Mali, l’affaire sera certainement étouffée, à moins qu’un Sphinx du Sahel ne vienne mettre les pieds dans le plat. De quoi est-il en fait question ?
Dès sa première prise de fonction en tant que ministre de la République du Mali, Mme N’Diaye Ramatoulaye Diallo, en stratège et communicante, a planté le décor de ce qui allait être sa principale technique de gestion des affaires publiques : l’artifice. Peu importe l’activité qu’elle aura à mener, il faut que cela soit habillé afin que l’opinion oublie le contenu et son utilité publique. Est-il nécessaire de rappeler ici que le beau éblouit ?
La première semaine de sa prise de fonction lui donnera l’opportunité de déployer cette stratégie de gouvernance. En effet, suite à sa prise de contact avec le Bureau malien des droits d’auteur, qui sera suivie de sa rencontre avec les professionnels des arts et de la culture, elle aura de la matière pour faire son entrée fracassante dans le gouvernement. Le temps nous dira que cette entrée fracassante dans le gouvernement n’était en réalité qu’une entrée théâtrale. Et pour cause, sur le site du Café des arts situé dans l’enceinte du Palais de la culture Amadou Hampaté Ba, la «femme peulh» avait fait la promesse de faire adopter par le Conseil des ministres le texte de projet de loi qui avait plusieurs fois été rejeté.
Pour arriver à ses fins, Mme N’Diaye Ramatoulaye fera atterrir sur la table du Conseil des ministres le draft du projet de décret sur les droits d’auteur, sans que le texte soit passé préalablement par le circuit habituel de préparation des dossiers. Les ministres du gouvernement Moussa Mara signent, mettant ainsi tout le gouvernement dans une erreur qui n’aurait jamais été, sans les ambitions de prestige de notre bien-aimée ministre de la Culture.
Ce texte adopté, qui a été rejeté sous d’autres cieux, avait pour but de collecter plusieurs milliards de Fcfa sur l’utilisation des oeuvres musicales, au bénéfice d’une minorité, avec pour répercussion : rendre la vie plus chère qu’elle ne l’est déjà. Par exemple, les puces téléphoniques seraient taxées à cinq (500) Fcfa de plus, alors qu’elles sont déjà vendues à 500 Fcfa sur le marché. Elle reviendrait donc à 1.000 Fcfa. Lorsqu’on sait le nombre de puces téléphoniques qui sont en circulation actuellement, on peut se faire une idée de ce que cela serait.
Le texte prévoyait également une imposition des sonneries de téléphone, des téléchargements de sons, des transferts de fichiers via Bluetooth, des clés USB, des disques durs, des cybercafés et toutes les utilisations de musiques dans la société. Mais, quand on sait que ces secteurs ne sont pas maîtrisés, encore moins réglementés, on peut comprendre clairement la volonté manifeste de profiter d’un vide juridique pour s’engraisser. Parce que le Mali est un pays béni de Dieu, il lui reste de nombreux fils qui sont soucieux de la postérité et du bien-être de leurs concitoyens.
Le décret, à l’initiative de N’Diaye Ramatoulaye Diallo, adopté par le gouvernement Moussa Mara, sous la présidence d’Ibrahim Boubacar Kéïta, a été purement et simplement abrogé par voie de justice, eu égard à son caractère absurde. Cela nous oblige à dire qu’au Mali, la justice est indépendante, nonobstant tout ce qui se fait et se dit. Cependant, au-delà du caractère arbitraire de l’imposition prévue par ce décret et de la présomption d’enrichissement illicite qu’il laisse entrevoir, est-ce que nous sommes en droit de nous interroger sur les capacités de notre bien-aimée ministre ?
En effet, ce dossier révèle que le ministre de la Culture et son cabinet au grand complet n’ont pas saisi la dimension de la problématique des droits d’auteur : constat d’incompétence. Ce premier constat nous impose une autre interrogation : combien de dossiers sont passés hors circuit et ont été validés, comme celui des droits d’auteur ? Un audit s’impose de droit.
À supposer que le décret incriminé ait été mis en application, après qu’il fut passé à l’Assemblée nationale, comment et par qui serait géré l’argent collecté ? Comment la redistribution aux créateurs et autres artistes serait faite ? Quelle mesure de contrôle et d’évaluation avons-nous aujourd’hui au Bureau malien des droits d’auteur ?
Il est certainement temps d’ouvrir les yeux sur le Bureau malien des droits d’auteur, parce que le flou artistique de cet établissement arrange de nombreuses personnes. Des investigations devraient nous permettre de savoir si tout ce qui est beau est vraiment bien.
Sinaly KEÏTA
Source : Le Reporter