Les Concertations nationales ont accouché d’une charte contenante l’architecture de la transition. Autant celle-ci divise l’opinion nationale, autant certains points de cette charte sont sujets à interrogation. Quelles sont les zones d’incompréhension et de doute du document en question ? Parmi les points polémiques, la vice-présidence de la transition et ses prérogatives n’ont pas été discutées selon le porte-parole du M5-RFP dans les différents groupes.
En effet, selon le chapitre 1 concernant le Président de la transition en son Article 4, la charte mentionne que
« le Président de Transition remplit les fonctions de Chef de l’Etat. Il veille au respect de la Constitution et de la Charte de la transition. Ses pouvoirs et prérogatives sont définis dans la présente Charte et la Constitution du 25 février 1992. Le Président de Transition est choisi par un collège de désignation mis en place par le Comité National pour le Salut du Peuple ».
Cette disposition donne au CNSP toutes les prérogatives du choix du Président de transition. Ce faisant, on remet en cause la volonté des forces vives de la Nation au détriment de celle de la junte. En clair, les Concertations nationales ont permis aux militaires de s’imposer au peuple dans la gestion de la transition. Ce que beaucoup d’observateurs dénoncent dans la forme et la pratique démocratique. Même si les décisions de ces concertations peuvent d’une manière ou d’une autre léser certains Maliens, l’on constate avec étonnement que la junte s’est offert la part du lion.
Toutefois l’article 6, met en lumière cette volonté de main- mise des militaires. « Article 6 : le Président de Transition est secondé par un Vice-président. Il est désigné suivant les mêmes conditions que ce dernier. Le Vice-président est chargé des questions de défense, de sécurité et de la refondation de l’Etat », peut-on lire dans cette charte que d’aucuns qualifient d’être “taillée sur mesure’’.
Ce qui est scandaleux, plusieurs participants dénoncent ce poste. Pour eux, le Vice-Président, non seulement n’a pas fait l’objet de débat dans les groupes lors des concertions mais surtout occupe une place importante dans la transition au point de se demander si celui-ci ne prendra pas la place de son président avec les prérogatives à lui confiées sans garde-fous.
Et Moussa Mara l’a si bien dit : « Il peut avoir un vice-président du conseil de transition mais il ne faut pas lui donner le statut de vice-président de la République. Et il ne faut pas donner le statut de président de la République au chef de la transition ; c’est un chef de l’Etat et non un président de la République. La constitution de 1992 fait de notre président un monarque républicain. »
« Les hommes non avisés vont croire que nous n’avons pas fait de bon travail. C’était une question d’approche et de préférence. Nous avons été invités par une entité. Nous nous sommes soumis à ses prérogatives, à ses injonctions », a indiqué M. Mohamed Konaté, un chercheur malien. Il codirigeait l’un des groupes de travail.
« La mouture finale de deux documents ne reflètent pas les fortes recommandations faites par les participants. Je regrette vraiment », a-t-il affirmé. Parmi ces observations, il a rappelé pèle – mêle la suspension de la constitution, le changement de l’ordre des priorités dans la Feuille de route, l’abandon du vote d’une loi d’amnistie. « Du moment où il n’y a pas eu de coup d’Etat, l’adoption de cette loi est sans importance. En la maintenant dans la charte, le CNSP se contredit », a commenté M. Konaté.
« Article 7 : Le Vice-président remplace le Président en cas d’empêchement temporaire ou définitif », stipule la charte qui insiste une fois encore en son Article 11 : « Lorsque le Président de Transition est empêché de façon temporaire de remplir ses fonctions, ses pouvoirs sont provisoirement exercés par le Vice-président. En cas de vacance de la Présidence de Transition pour quelque cause que ce soit, ou d’empêchement définitif constaté par la Cour constitutionnelle saisie par le Gouvernement de Transition, le Vice-président assure l’intérim. » L’insistance sur cet aspect n’est pas fortuite. C’est dire que la junte, à défaut de la présidence, veut prendre la vice-présidence. Ainsi, le Président aura en ce moment un titre honorifique voilé.
« Article 20 : Les membres du Comité National pour le Salut du Peuple et tous les acteurs ayant participé aux évènements allant du 18 août 2020 à l’investiture du Président de Transition, bénéficient de l’immunité juridictionnelle. A ce titre, ils ne peuvent être poursuivis ou arrêtés pour des actes posés lors desdits événements. Une loi d’amnistie sera adoptée à cet effet », indique la Charte. Est-ce une manière de se dédouaner des poursuites futures ? Si l’on s’accorde que ce n’est pas un coup d’Etat, mais plutôt une démission du Président IBK, pourquoi chercher des subterfuges ?
Cependant l’Article 22 selon lequel, « en cas de contrariété entre la Charte de la transition et la Constitution du 25 février 1992, les dispositions de la présente Charte s’appliquent » semble une aberration. Comment une charte pour la transition peut-elle avoir plus de considération sur la constitution du pays ? Quand on sait que le document en question est au centre des polémiques au sujet de l’authenticité des conclusions que certains leaders rejettent immédiatement parlant d’« un document qui a été complètement charcuté ». Ce rôle confié à la Charte risque d’être une jurisprudence dans le futur et même créer des antécédents pour notre pays.
Au lendemain de la chute du Président IBK, une grande partie du peuple malien avait salué la bravoure des militaires. Presqu’un mois les regrets sont sur les lèvres. Car la Charte de la transition issue des Concertations nationales est contestée. De l’espoir, l’on n’est dans un désespoir.
KADOASSO I.
NOUVEL HORIZON