Située dans le Mandé profond, à quelques kilomètres de Kangaba (Kaba), Kéla est une localité connue de tous comme étant un village de griots, majoritairement des Diabaté. De Kita à Kirina en passant par Kéla, Dianéla, la région de Kayes est considérée comme abritant majoritairement de griots.
Les griots où les Nyamakalas sont les détenteurs de l’histoire, ils sont la mémoire de la nation. De ca fait, ils se doivent de dire la vérité aux chefs, être leurs conseillers et défendre par le verbe les règles établies et l’ordre sur l’ensemble du royaume, comme l’édicte l’article 2 de la Charte de Kouroukan Fouga. En fait, les Kouyaté sont les premiers par ordre des familles de griots. Au Mandé, il y a 5 familles de griots, dont les Diabaté. Et à Kéla, comme à l’accoutumée, au lendemain de chaque fête de Ramadan, les griots rendent une visite de courtoisie au chef des griots. Pour cette année, nous nous sommes déplacés pour être témoins de cette visite appelée : Sambé Sambé foli au chef des griots.
Une grande cérémonie a été organisée chez le chef, en présence de tous les griots et aussi des villages environnants. C’est samedi dernier, très tôt le matin, qu’a eu lieu cette cérémonie de salutation de la part des griots.
Vêtu d’un grand boubou blanc, voici le pilier, le grand gardien, la bibliothèque de l’histoire de Kéla, homme à la barbe blanche et presque sans dents : il se nomme El Hadj Djéténin Mamady Diabaté, fils de Koman Diabaté et de NBadiala Diabaté, descendant de Mary Moussa Diabaté.
Ce beau jour, le lendemain de Ramadan, déjà à 8h, tous étaient au rendez-vous chez le chef des griots pour leur traditionnelle salutation. La famille Diabaté vibrait au son des tam-tams, des balafons, des guitares, des chants et danses. 4 heures durant, les griots et griottes n’ont cessé d’émerveiller le lieu d’éloges de remerciement, de reconnaissances et de bénédictions à l’endroit du chef, de ses fils, et amis.
Aux dires du chef, Djéténin Mamady Diabaté, «depuis des décennies, cette tradition existe à Kéla. C’est au lendemain de chaque fête de Ramadan, mais jamais à la Tabaski». Ce n’est pas seulement le lieu de paroles en l’air, mais de dépenses, car à chaque éloge, l’intéressé donne de quoi ramener le sourire aux lèvres des prestataires, tout en se pliant aux règles de sa caste.
Au terme de la cérémonie, El Hadj Djéténin Mamady a fait des bénédictions, tout en demandant à la jeune génération de toujours suivre les pas de leurs aïeux, qu’ils restent souder, dans l’entente et dans la convivialité. Comme on dit, chacun meurt enceinte, le Mandé est profond ; le Mandé est difficile à déchiffrer, et le Mandé restera profond !
EL-KATTE
Source: L’Oeil du Mali