Depuis quelques années, un phénomène gagne de plus en plus en ampleur dans notre quotidien, surtout dans les milieux des jeunes Bamakois qui en raffolent. Communément connus sous le nom de chicha et aussi appelé narguilé ou arguileh, il s’agit d’un outil qui sert a fumer du tabac. La chicha fait fureur en ce moment dans la ville, au mépris de ses conséquences néfastes sur la santé.
Largement utilisée à travers le monde de nos jours, elle est devenue un effet de mode quelques années et attire de plus en plus de jeunes maliens accros de pipe à eau munie de tuyau flexible d’origine arabe. Elle permet de fumer un mélange à base de tabac, aromatisée aux fruits.
On y retrouve deux formes de tabac a chicha (narguilé) en premier ou tabamel qui est un cocktail de tabac, de sucre sous forme de miel, d’arômes et d’autres produits destinés à le rendre plus consommable. Le second, appelé également «tumbâk» ou «tuntun», est le tabac pur (plus fort en nicotine). Il est considéré par beaucoup comme “le vrai” tabac à narguilé très prisé par les orientaux. En général, les tabacs sont classés selon deux catégories : classique et premium. Les prémiums sont plus sucrés et ont plus de goût. C’est le tabamel que l’on trouve principalement dans le commerce. Il est par ailleurs très facile de se procurer le narguilé ou une chicha car il existe une panoplie de points de vente à travers la capitale. Quant au prix, il varie en fonction du model et peut aller de 10 000Fcfa à 50 000Fcfa voire plus. Quant au tabac le plus prisé, il coûte 1 000 francs CFA le paquet.
De nombreux fumeurs basculent dans la chicha espérant réduire leur dépendance au tabagisme car elle considérée comme une excellente alternative pour arrêter progressivement la cigarette. En effet, le tabac consommé est composé de 70% de sucre, de fruits et de mélasse. Mais une session de chicha, c’est surtout un moment de pure détente. Les fumeurs de narguilé affirment que leur stress disparaît pendant et après une prise de narguilé.
En effet, pour des jeunes consommateurs, la fumée de la chicha est beaucoup plus légère que la cigarette et selon eux, elle n’a pas de grave conséquence sur la santé. ‘’Quand on fume de la chicha, la fumée est non seulement fraiche, mais elle est aussi légère. Elle a bonne odeur et ça fait se sentir vivant’’, selon Habib Touré, un jeune étudiant. Il affirme aussi qu’il ne voit en aucun cas comment est-ce qu’elle peut être nuisible pour la santé, d’autant que la chicha est douce et fragile. Abondant dans le même sens, Mohamed Diarra un jeune entrepreneur de la place n’a lui aussi rien retenu des effets de la chicha. «Quand je fume, j’oublie mes problèmes. En plus, le temps passe vite à mes yeux. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui disent qu’elle est plus dangereuse que la cigarette. Ça sent bon, c’est doux à fumer et en plus, elle me permet de me retrouver avec les amis», témoigne-t-il.
D’autres consommateurs sont quant à eux attirés par le biais de leurs fréquentations. C’est le cas d’Aliou S, un jeune commerçant qui affirme ne prendre ni du thé ni de la cigarette mais la chicha qu’il a découverte à travers un ami étudiant en vacance. «L’odeur fruitée que dégageait la fumée m’a attirée. J’ai goûté. C’est ainsi que mon addiction a débuté, a-t-il confié.
Qu’il en soit conscient ou pas, la chicha apporte au consommateur plus de mal que de bien. Plusieurs consommateurs se disent que la présence d’eau dans la chicha élimine toute sa nocivité alors qu’il n‘en est rien selon Moh Cisse, médecin au centre de santé de Doumanzana. «L’eau ne dilue pas la toxicité de la chicha. Elle libère plusieurs substances chimiques et cause des pathologies comme l’hypertension artérielle, le cancer du poumon, des lèvres aussi le cancer du sang », explique -t-il.
En conséquence, une cinquantaine de bouffées de chicha sur une durée moyenne d’une heure équivalent à deux paquets de cigarettes. Le monoxyde de carbone présent dans la fumée de la chicha est en quantité 7 fois supérieur à celui d’une cigarette, soutient le spécialiste, ajoutant que la fumée d’une chicha contient autant de pollution au monoxyde de carbone (CO) qu’environ 15 à 52 cigarettes et autant de goudron que 27 à 102 cigarettes et que sa teneur en chrome, cobalt, plomb et nickel est plus élevée que celle de la cigarette.
De plus, un millilitre de fumée de narguilé contient plus d’un million de microparticules, selon l’organisation mondial de la santé (OMS). Une seule séance de chicha ou de narguilé a le même impact sur la santé que le fait de fumer 20 ou 30 cigarettes.
En somme, les effets nocifs sur la santé sont semblables à ceux observés chez un fumeur régulier. L’Institut national du cancer de France évoque par ailleurs certains risques dont les cancers du poumon, des lèvres, de la vessie et des voies aéro-digestives supérieures. Le système respiratoire et le système cardiovasculaire peuvent également être impactés. En outre, le danger d’une contamination par des bactéries ou des virus est plus important en raison de l’utilisation collective du tuyau du narguilé. Comme pour la cigarette, il existe un risque réel de dépendance et des effets secondaires liés au tabagisme passif pour les personnes exposées à la fumée.
Aly Poudiougou
Source: Le Témoin