Chaque année, dans la Commune rurale de Sy, les mariages sont célébrés globalement, un jour impair du calendrier musulman. Cette année, plus de 92 couples ont répondu oui devant le maire du village. Les cérémonies civiles se sont déroulées le 21 juin 2021.
A 7 heures, toutes les ruelles du village étaient bondées de jeunes filles nouvellement mariées, chacune bien maquillée et vêtue de robe blanche. Certaines sont transportées en moto, d’autres en voiture de luxe pour les salutations familiales et les photos de souvenir. Elles sont accompagnées par leurs futurs époux, parents, amis et demoiselles d’honneur.
Chaque famille du village vit l’engouement de la cérémonie car les couples viennent de toutes les familles de Sy. Tous les moyens sont mobilisés pour bien orner la journée. Les maquilleuses professionnelles ont été amenées de Bamako pour l’évènement.
Célébrer ces unions ensemble est non seulement symbolique mais aussi un moyen pour renforcer la paix, les liens sociaux et culturels.
‘’Chacune de nos nouvelles mariées est traitée sur le même pied d’égalité. Elles sont maquillées et habillées ensemble et personne d’entre elles n’est autorisée d’avoir au-delà de 15 complets dans son trousseau de mariage. Au-delà de 15 habits neufs, l’amande est obligatoirement payée au niveau de l’association des jeunes. C’est pourquoi il est interdit qu’elles portent une robe de mariée moderne pour éviter la supériorité dans le groupe car tout le monde n’a pas les moyens pour s’en approprier. Toutes les robes sont cousues ensemble de préférence en bazin blanc’’, informe Bintou Boïté, marraine d’une mariée.
Elle ajoute que ces mariages se déroulent en groupe une fois par an, généralement le 27e, 17e ou 7e jour d’un mois du calendrier musulman. Selon les informations de la marraine, cette année, la célébration s’est passée au 13e jour du calendrier grégorien.
Dadi Boïté, la sœur d’une nouvelle mariée déclare que 92 mariages collectifs ont été célébrés dans la commune en ce jour du lundi 21 juin.
‘’C’est le jour du mariage qu’on apprend le nombre fixe de couples et les mariés eux-mêmes. L’année dernière, nous avons eu 30 mariages. Les filles se marient à partir de l’âge de 16 ans. Mais c’est rare de voir celles qui se marient au-delà de 16 ans. La fille qui se marie à 18 ans ou au-delà, est généralement indexée dans le village. Les garçons sont autorisés à se marier à partir de 20 et 21 ans. A cet âge, les garçons ne connaissent même pas la valeur d’une femme’’, critique Mme Boïté Bintou Boïté.
Les constats des mères démontrent que leur lune de miel était meilleure qu’à celle de leurs enfants. Elle durait pendant 3 jours et prenait fin par la lessive commune à la rivière symbolique du village, « Missimi Kô ».
‘’A notre époque, nous étions beaucoup chouchoutées lors de la lune de miel par rapport aux nouvelles mariées d’aujourd’hui. Nous avons eu des privilèges comme les bouillons de viande, de poulets, des cadeaux de grande valeur et beaucoup de repos pendant les trois journées. Nos maris étaient plus âgés et matures que ces garçons de 21 ans qui se marient maintenant. Contrairement à nos jeunes, deux jours sont autorisés pour la lune de miel et leurs maris sont trop jeunes pour connaitre leurs valeurs’’, compare Assetou Boïté.
Certes elles ne bénéficient plus des mêmes privilèges, mais elles sont épargnées des lourdes exigences qui s’imposaient avant dans la société tels que la conservation de son innocence.
‘’Aujourd’hui moins de filles se marient encore vierges. Cette coutume est devenue caduque et les aînés ne l’exigent plus aux filles. D’ailleurs l’islam condamne cette tradition qui avait tendance à étaler la vie conjugale des nouveaux couples’’, explique Boïté Bintou.
Pendant les quinzaines du mariage, les épouses sont interdites de s’approcher de leurs maris dans la journée. Elles sont confiées à une vieille dame pour apprendre les principes et obligations d’une bonne épouse. Ce n’est que durant la nuit qu’elles sont permises de rester avec leurs époux.
La cérémonie est clôturée par un jeu traditionnel qui consiste à cacher les mariées dans la forêt protectrice appelée « Tou djoukouni ». Les membres de la famille des nouveaux époux sont défiés de retrouver leur femme dont la recherche peut prendre des heures.
Fatoumata Kané
(envoyée spéciale à Sy)