Très pratiques et économiques, ces accessoires de coiffures s’arrachent comme des petits pains
La chevelure est un élément clé qui aide la petite fille, la jeune fille, la femme adulte à sublimer son image. La belle coiffure atténue les traits proéminents, accentue les meilleurs détails et met en valeur la silhouette féminine. Les femmes sollicitaient toutes, dans un passé récent, les services des coiffeuses traditionnelles ou modernes pour modeler leur chevelure. Elles enduraient toutes les souffrances durant le tressage ou la mise en forme dans les salons.
Le principe sacré des affaires, «time is money» (le temps c’est de l’argent) a bouleversé les vieilles habitudes. Aujourd’hui beaucoup d’élégantes se rabattent sur les mèches artificielles tressées ou les perruques. Du coup, le commerce des perruques devient très florissant en ce moment à Bamako. Le créneau est occupé par des hommes et des femmes. Le grand marché de Bamako est envahi de jeunes vendeuses de perruques. Elles s’arrachent les clientes à longueur de journée. Le gagne pain n’est plus facile dans ce pays. Mais les Maliennes actives sont inventives à souhait. Depuis quelque temps, les commerçantes de perruques ne s’approvisionnent plus dans les marchés asiatiques, européens ou américains. Elles fabriquent elles-mêmes des perruques.
Il est 13 heures, ce lundi. Au Grand marché de Bamako sous de larges parasols, les jeunes filles étalent des mèches et des perruques multicolores. Ecouteur vissé dans une oreille, le portable branché sur une radio de proximité, elles tissent ou tressent les mèches en musique. Les trois filles Awa, Maïmouna, Djeneba sont regroupées sous un même parasol. Assises à côté d’elles, plusieurs clientes attentent leurs perruques que les expertes sont en train de monter. D’autres sont occupées dans la boutique de mèches d’à côté à choisir des modèles qu’elles désirent avoir comme perruque. «Cela fait un peu longtemps que je suis installée au marché. Les élégantes sont «accroc» des perruques ? La vendeuse Awa commente le phénomène en ces termes : «avant je tressais les jeunes filles et les femmes qui venaient de tous les horizons de Bamako. Maintenant j’ai abandonné les tresses, car elles ne sont plus sollicitées.» Depuis cinq ans la commerçante Awa fabrique des perruques au «Marché rose». Les clientes viennent passer des commandes pour elles-mêmes ou pour les envoyer à leurs parentes de la diaspora malienne à Paris ou ailleurs. Les prix des perruques varient entre 6000, 7500, 12500 et 17500 Fcfa selon le modèle. Ce boulot est son gagne pain. Elle mange bien et économise une partie de ses revenus.
La bien surnommée «Jolie» est également devenue une spécialiste de la fabrique et de la vente des perruques. Elle est dans le métier depuis quelque mois. Elle approvisionne les revendeurs de perruques des nombreux kiosques «luxe beauté» éparpillés dans la capitale. Ses modèles de «chapeaux» sont destinés aux jeunes filles fonctionnaires, qui n’ont pas le temps d’aller se faire tresser les cheveux ou qui n’endurent pas les céphalées de l’après tressage. « Jolie » ne craint pas la concurrence et elle sait comment s’y prendre avec ses clientes. Notre coiffeuse écoule ses produits à crédit et accorde de longues échéances. «J’achète des sacs de mèches tous modèles confondus que je transforme en perruques. Les filles prennent à crédit deux, trois ou quatre à la fois», a t-elle confié . «Jolie» se réjouit de pouvoir enfin faire des économies. Le prix de ses perruques se situe entre 6000, 8000 et 15000 Fcfa.
DEUX CHOIX. Nous sommes devant une grande boutique de vente de mèches. L’habile Kadiatou Sidibé est installée juste en face. Elle est entourée de clientes dont certaines sont enceintes. Kadiatou Sidibé monte des perruques «Rasta», «Moromoro» (les torsases), «Petites têtes», «des montées simples». Elle a précisé que ses clientes ont deux choix. Les belles arrivent chez elle avec un lot de mèches en main que «l’abeille ouvrière» transforme en perruque. Dans ce cas, elle tisse un paquet de mèche à 2000 Fcfa. Beaucoup d’autres passent leur commande et la fabricante se charge de tout le nécessaire. Les modèles «Rasta» et «Moromoro sont un peu compliqués.
L’artiste Kadiatou tresse à 2500 Fcfa le paquet de mèches. La perruque pour «les Petites têtes», demande un paquet et demi de mèches ou deux paquets. Dans le second cas, le coût des perruques varie entre 4500 et 15000 Fcfa.
Le marché des perruques est très florissant, car les femmes ont tendance à délaisser les tresses au profit des perruques. Ces coiffures sont très simples à utiliser et elles sont économiques. La cadence de Kadiatou peut atteindre 5 à 6 perruques par jour. Ses bénéfices se situent entre 10000 et 24000 Fcfa. «Je m’habille, paie mes tontines et achète de temps en temps de petites choses pour mes enfants», nous a-t-elle déclaré avec un grand sourire. Malgré ces avantages, ce métier fait face à quelques difficultés selon Kadiatou. A force de rester assise toute la journée, elle ressent des douleurs à la poitrine et au dos.
La fidèle Adja Touré s’approvisionne toujours en perruques chez Kadiatou. Cette cliente actuellement en état de grossesse dépose ses commandes chez Kadiatou. Son témoignage est éloquent sur la commodité des perruques : «elles sont très confortables, très pratiques. Je les porte et les enlève quand je veux». La fonctionnaire Aminata, préfère les perruques pour leur commodité et pour des raisons de timing. Son boulot et la gestion de son foyer ne lui permettent pas d’aller se faire tresser à tout moment. En plus, elle a horreur de rester assise pendant des heures. Elle a opté pour les perruques.
La timide Fifi est une fanatique du modèle «Rastas». La réalisation de cette coiffure prend du temps. Une, deux ou trois journées selon la rapidité de la coiffeuse. A la fin, la cliente souffre de maux de tête. Ce genre de coiffure provoque des chutes de cheveux. Tous ces désagréments, conduiront cette jeune fille à chosir les perruques. Autre raison : avant elle se coiffait à 8000 ou 10000 Fcfa, mais la coiffure ne tenait pas longtemps. L’inutilité de cette énorme dépense étant avérée, Fifi se tournera vers les perruques. Sa coiffeuse tisse toutes sortes de modèles. Elle ne perd plus des heures pour se coiffer. Les perruques ont l’avantage de durer des mois. Elles ne puent pas et ne dérangent pas. La belle Fifi les enlève quand elle veut pour prier.
Certaines professionnelles des salons ont confirmé qu’elles reçoivent depuis une certaine période très peu de clientes pour se faire tresser les cheveux. La perruque séduit et débauche tous les jours les clientes des salons.
A. D. SISSOKO
Source : L’ Essor