La Constitution se définit comme la loi fondamentale d’un pays. Tous les auteurs du monde s’entendent là-dessus, qu’ils s’expriment en grec, en latin ou au mode subjonctif.
Cette loi fondamentale constitue le contrat de base qui lie les enfants du pays. Pour la changer, il faut, en toute logique, l’accord ou, à tout le moins, l’avis de tous les enfants. Mais voilà: notre pays, où tout marche allègrement sur la tête depuis 2012, veut changer de Constitution sans consulter ses enfants du nord qui, pour la petite histoire, occupent deux tiers du territoire national. Pis: le gouvernement et les 111 députés qui ont adopté le projet de révision constitutionnelle se sont fermé les narines, les oreilles, et les yeux pour ne pas voir l’article 118 de la Constitution en vigueur qui dispose: « Aucune procédure de révision constitutionnelle ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire national ». Ironie du sort, cet article dont on est en train de s’essuyer les pieds est reconduit dans le nouveau projet ! J’en déduis que le référendum constitutionnel est une mauvaise pilule que le gouvernement a avalée de force et qu’à son tour, il veut faire avaler au brave peuple. Mais passons…
Pour organiser le scrutin référendaire, l’Etat doit au moins disposer de relais administratifs dans les localités où se tiendra le vote. Malheureusement, les gouverneurs nommés par le Mali dans les cinq régions du nord sont sans domicile fixe. Celui de Kidal a ses bureaux à Gao. Celui de Tombouctou réside à Bamako. Quant au gouverneur de Taoudeni, il vit entre ciel et terre, tel un fantôme. Enfin, celui de Ménaka est gardé, non par l’armée malienne, mais plutôt par des groupes rebelles dissidents de la CMA. Ladji Bourama, qui a récemment obtenu de ses amis arabes des véhicules 4X4 blindés, a songé, par charité musulmane, à en affecter quelques-uns aux gouverneurs de Gao et de Ménaka. Ceux de Kidal, de Taoudenni et de Tombouctou sont sortis brédouilles du partage car Ladji sait que ce sont trois gros chômeurs dotés de titres ronflants.
Pour ce qui est des préfets et sous-préfets du nord, leur effectif a sensiblement chuté depuis l’égorgement, par les rebelles, de ceux qui ont eu la malchance d’accueillir le Premier ministre Moussa Mara en 2014, à Kidal. Je n’ai nul besoin d’astrologie pour imaginer que leurs remplaçants sont des athlètes accomplis, beaucoup plus prompts à prendre la clé des champs qu’à transporter des urnes ou des isoloirs. D’ailleurs, comment voter librement en ces hauts lieux azawadiens où règnent en maîtres les milices, narcotrafiquants et groupes terroristes ? Comment les partis politiques iraient-ils battre campagne au milieu des bombes ? C’est assurément parce qu’il n’a aucune réponse à ces questions que le gouvernement a initié son projet presqu’en catimini. Pour se procurer la moindre copie du projet de Constitution, il faut avoir des talents de détective.
Moi, je crois qu’il faut renoncer à ce référendum. Le Mali économiserait ainsi de l’encre, du papier et des fonds. Avec ces maigres économies, nous pourrions creuser des forages à Sabalibougou, cultiver des patates à Sikasso et repeindre à neuf le Boeing national, en attendant que les bandits armés du nord daignent s’asseoir sincèrement à la table de la paix. Et je m’en vais vous dire une bonne chose: nous aurons beau changer mille fois de Constitution et de lois, la CMA trouvera toujours un moyen de ne pas déposer son gagne-pain: la kalachnikov.
Tiékorobani
Source: proces-verbal