Le cinéma au Mali, à ce jour, c’est comme un homme en souffrance de motricité qui marche à cloche-pied au milieu des écueils. C’est dire que des deux jambes du septième art, une seule est en état de fonctionnement, ou supposée tel.
La production et l’exploitation, qui incarnent ses deux jambes, se trouvent dans un état diversement apprécié. Si la production tente de survivre avec les moyens qui sont les siens, l’exploitation est à l’article de la mort depuis des décennies. Pour être plus concret, disons que la production, tenue essentiellement à bout de bras par le Centre national du cinéma du Mali (CNCM) et certaines structures privées, fait des miracles pour subsister.
À l’opposé, l’exploitation a rendu les armes avec la faillite de l’Office cinématographique national du Mali (OCINAM) et de la quasi-totalité des exploitations privées. Nous rendons ici un hommage mérité au regretté Falaba Issa Traoré, ce grand réalisateur et exploitant, qui s’est battu pour tenir en vie ses salles de cinéma, en même temps qu’il poursuivait la réalisation de films.
Seule subsiste encore, sur toute l’étendue du territoire, une ou deux salles de cinéma opérationnelles.
Quel cataclysme a bien pu mettre à terre les entreprises d’exploitation et de distribution de films au Mali ?
La réponse vient, en premier lieu, du côté de l’OCINAM. Cette structure d’Etat, qui représentait le socle sur lequel reposait tout l’édifice, a été gangrénée par la mauvaise gestion de certains cadres qui l’ont gérée. L’Etat, dans ses efforts pour maintenir en vie l’entreprise, a mis en branle plusieurs plans de sauvetage.
Mais, rien n’y fit. Le mal persistait d’autant plus que les remèdes de cheval qui s’imposaient pour le détruire par la racine n’ont pas été envisagés. Ce qu’ont interprété, d’une certaine façon, les futurs gestionnaires de ce bien public à ne pas trop s’inquiéter.
Aucune sanction disciplinaire n’a été portée à leur encontre, à notre connaissance. Tout au plus, les fautifs décelés ont été relevés de leurs fonctions. Les suivants arrivaient pour se constituer un capital financier et mobilier conséquent au plus vite. Selon les confidences faites à nous par un directeur adjoint de l’OCINAM, son supérieur lui aurait conseillé de se sécuriser financièrement en sachant qu’il ne va pas s’éterniser à ce poste. Ainsi mis à genou par les cadres chargés de sa gestion, l’Office reçut le coup de grâce par la voie des cassettes vidéo et autres CD et DVD d’abord, puis des providers, ces distributeurs de chaînes de télévision satellitaires. Les spectateurs se voyaient offrir à un prix défiant toute concurrence des films de tous genres à domicile sur leurs petits écrans. Ils désertèrent les salles de cinéma qui tombèrent en faillite les unes après les autres. Les locaux furent orientés vers d’autres secteurs d’activité, essentiellement commerciales.
Le Mali n’est pas le seul pays à subir le contrecoup de cette évolution de l’audiovisuel. La grande majorité des pays africains a assisté impuissante à la chute de ses structures d’exploitation et de distribution du cinéma. L’exemple le plus frappant est le Cameroun qui, bien qu’abritant le festival de cinéma Ecrans Noirs, ne compte pas plus de salles que le Mali. Le Burkina Faso a pu bénéficier du dynamisme du FESPACO (Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou) qu’il héberge pour arriver à retenir les spectateurs dans ses salles de cinéma.
Le phénomène de dépérissement du cinéma dans sa composante exploitation en Afrique est loin de prendre fin, d’autant plus que le recours à la production télévisuelle semble prendre beaucoup d’ampleur, comme le montrent les bons résultats obtenus par le Nigéria avec Nollywood. À ce niveau, les films ne sont pas destinés aux salles de cinéma, mais au petit écran, à la maison. Nous entrons là dans le domaine de la production que nous aborderons prochainement.
Kabiné Bemba Diakité
Source : L’ Essor