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C’est mon histoire : “Et dire qu’il était stérile…”

Après trois années de galère, Claire et son compagnon François avaient renoncé à avoir un deuxième enfant. Quand… surprise ! 

« Donnez-moi trois tests de grossesse ! Non, d’une autre marque que celui que je viens de faire, c’est mieux. » Le sourire entendu de la pharmacienne fait monter ma colère d’un cran – celle qui m’avait prise au ventre au moment de jeter ce satané tube en plastique dans la poubelle, une heure plus tôt. Sur l’écran, était écrit : « Prégnant ». Je ne suis pas bilingue, mais pas idiote non plus : ça voulait dire enceinte et ça, non, ce n’était pas possible. Ce test se foutait de moi, de nous ; de nos trente mois de tentatives infructueuses et de toute l’équipe médicale qui avait fini par nous décréter stériles, François et moi. J’avais du retard, certes, mais c’était forcément autre chose.

Quand j’ai croisé François, à 24 ans, j’ai tout de suite su. Qu’on ferait un bon bout de chemin ensemble. Qu’on serait bien tous les deux. Et même qu’on aurait des enfants. J’ai toujours voulu en avoir deux : un garçon puis une fille. Trois ans d’écart, ce serait parfait. Et les prénoms… François riait, mais me calmait : « Oui, tu seras la mère de mes enfants, mais on commence par profiter un peu l’un de l’autre, d’accord ? » Complètement d’accord, parce que le quotidien avec François, c’était du rire, de l’amour, de la fête… Et pas mal de sexe aussi. Le cap des 30 ans passé, on a senti qu’on était prêt. Gabriel est arrivé dans notre vie de la façon la plus sereine qui soit. Tout se déroulait comme dans mes rêves d’ado – inconsciente de ma chance, je me suis même payé le luxe de pleurer sur mes kilos de grossesse !

DE L’OBSESSION…

Trois ans plus tard, j’avais à nouveau un corps de jeunette. Et en famille, nous avions trouvé notre rythme. L’envie du second enfant s’est donc imposée. Tous les prétextes redevenaient bons pour faire l’amour. Mais douze mois ont passé et… rien. J’ai tenté de me rassurer en me souvenant que nous avions mis une petite année pour concevoir Gabriel. Les premiers temps, j’ai ignoré les remarques de l’entourage. Ma belle-mère : « François et son frère ont trois ans d’écart, c’est la différence d’âge parfaite. » Merci, je n’étais pas au courant. Ma sœur : « Surtout, ce qu’il faut, c’est ne pas y penser. » Comment ne pas être obsédée par cette grossesse qui ne vient pas ? J’en parle alors à ma gynéco, qui m’envoie faire une prise de sang pour évaluer ma « réserve ovarienne ». Le terme fait moyennement rêver, le diagnostic encore moins : mes ovaires sont « paresseux ». Ma gynéco tempère : « Vous aviez vraisemblablement les mêmes au moment où vous avez conçu Gabriel et vous avez réussi. Essayez juste de faire l’amour au bon moment ! » C’est comme ça qu’on a mis le pied dans l’engrenage… Mes règles ont toujours été irrégulières et j’ai un problème avec les chiffres. Je télécharge donc une application pour Smartphone qui calcule mes cycles à ma place. À la période d’ovulation standard, j’ajoute la possibilité que les spermatozoïdes continuent à se balader quatre jours et que les ovaires puissent mettre quarante-huit heures à libérer tous leurs ovules. Résultat : sept jours par mois, on fait l’amour de façon tellement stakhanoviste que ça nous en fait passer l’envie le reste du temps. Pour réveiller mes ovaires « paresseux », j’adopte tous les remèdes de grand-mère que je trouve sur Internet. Garder les jambes en l’air après l’amour, ne pas prendre de douche, ouvrir les volets les soirs de pleine lune pendant le rapport (si, si) et même avaler une infâme décoction de lavande pendant mes règles… Notre sexualité n’a plus rien de sexy, mais je m’en moque. Je serre les dents, et deviens une machine à (ne pas) faire des bébés. Je connais les statistiques par cœur : au bout de deux ans, 80 % des couples finissent par concevoir un enfant. Pas nous. Tous les mois, ce maudit test me le dit clairement. Chaque fois, mes larmes sont plus difficiles à ravaler. Je prends mon corps en grippe. François commence à m’insupporter. Lui se retranche derrière son ordinateur et nous sommes malheureux.

Au cours d’un énième rendez-vous chez ma gynéco, je la supplie de me faire une stimulation ovarienne. Le jour où j’en ai entendu parler, j’ai juste retenu « stimulation » et n’ai pas la moindre idée du reste. Le problème, m’explique-t-elle, c’est qu’on n’en fait qu’en cas de FIV (fécondation in vitro): « Vous seriez partante ? » Certainement pas ! François et moi en avons déjà discuté, c’est niet. Son frère est passé par là : entre la lourdeur des traitements, le coût financier, l’obsession douloureuse dans laquelle on tombe, nous étions absolument contre. Ma gynéco n’insiste pas : « De toute façon, ça me semble encore un peu tôt pour vous. Mais votre compagnon devrait peut-être faire un spermogramme. »

Sur le chemin du retour, l’idée trotte dans ma tête. Évidemment, je voudrais en parler à François. Évidemment, j’ai peur de le blesser. Forcément, je lâche tout au pire moment, juste après un énième rapport pas très convaincant. Sa réaction était prévisible : il ne dit pas un mot et s’endort en me tournant le dos. Les jours suivants, il reste mutique. Je marche sur des œufs, j’attends. Un soir, pour finir, il me lâche : « O.K., je vais les subir, ces examens. » Le verdict tombe assez vite : François a le canal spermatique bouché. Il faut donc dégager la route qui mènerait les spermatozoïdes jusqu’à moi. L’opération est délicate, et sans aucune garantie de succès. François me propose un deal : « On tente. Mais si ça ne marche pas, on laisse tomber. Et on s’occupe de nous à nouveau. » Je l’embrasse, comme je ne l’avais pas fait depuis longtemps : je suis tellement d’accord… Il se fait opérer et les six mois qui nous séparent des résultats sont étrangement lumineux. Nous avons fait ce qu’il y avait à faire : nous sommes comme déchargés d’un poids. Plus légers, on goûte le fait d’être à deux, d’être à trois. De refaire l’amour aussi. On le fait moins souvent, mais… nettement mieux.

… AU MIRACLE

Et puis, un samedi matin, le bilan de l’opération arrive – un courrier auquel je ne comprends rien. J’appelle illico une amie médecin, à qui je lis ce que j’ai sous les yeux. Au bout du fil, silence. Elle hésite et puis… « Je suis désolée, Claire, mais ce n’est pas bon. Vraisemblablement, François ne peut plus avoir d’enfants. » Cette phrase, sans appel, me colle le dos au mur de la cuisine. Mes jambes flageolent. Non, je n’aurai pas mon deuxième enfant. Non, ce ne sera pas comme dans mes films. Non, ce n’est pas possible… De ressentir, là, maintenant, ce drôle de soulagement qui est le mien. Car, après le choc, je suis paradoxalement sereine. Je sais notre couple solide. Je sais notre famille joyeuse. Elle est comme elle est, et elle me plaît. Ces six derniers mois m’ont prouvé qu’on pouvait être très heureux comme ça. Cette prise de conscience m’a aidée à le dire le plus tranquillement du monde à François, qui est passé par les mêmes couleurs que moi : blême, d’abord. Et puis visiblement rasséréné. En fait, ces trois années nous avaient non seulement exténués, mais préparés à faire le deuil de ce deuxième enfant.

Quelques jours plus tard, je n’ai pas mes règles. N’étant pas à une irrégularité près, je ne m’inquiète pas. Mais, au quinzième jour de retard, je me décide. Je vais acheter un test à la pharmacie et donc… me voilà enceinte. Les trois tests suivants le confirment. C’est fou, c’est miraculeux, mais je suis enceinte ! Ma colère passe aussi vite que les larmes arrivent. Je craque. L’effet « montagnes russes », sans doute… Ce soir-là, François et moi n’avons pas fait l’amour. Nous nous sommes endormis serrés l’un contre l’autre. Je souriais, lui aussi.

Vous avez envie de raconter votre histoire ? Nos journalistes peuvent recueillir votre témoignage. Écrivez-nous à journalleconfident@yahoo.fr

Par Le Confident

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