Au moins 12 assaillants ont été tués lors d’une attaque coordonnée vendredi à l’aube contre deux camps militaires de Bujumbura et un en province qui a été repoussée après plusieurs heures d’affrontements, les plus intenses au Burundi depuis la tentative de coup militaire déjouée en mai.
Ces affrontements seront évoqués vendredi au Conseil de sécurité de l’ONU, à la demande de la France qui a « condamné » les attaques. « Nous appelons une nouvelle fois l’ensemble des acteurs burundais à s’abstenir de recourir à la violence et à choisir la voie du dialogue », a indiqué le ministère français des Affaires étrangères.
« C’est une escalade très inquiétante car il s’agit de véritables opérations militaires ou paramilitaires qui se déroulent dans la capitale » du Burundi, a déclaré à l’AFP un diplomate européen.
Le porte-parole de l’armée burundaise, le colonel Gaspard Baratuza a fait état d’un « bilan provisoire » de « 12 tués (et) 21 capturés » chez les assaillants et « cinq blessés » dans les rangs de l’armée. Mais un haut gradé de l’armée a affirmé à l’AFP que les combats avaient occasionné « des pertes des deux côtés ».
Des assaillants ont simultanément attaqué vers 02H00 GMT le camp Ngagara, à moins d’un kilomètre de l’Assemblée nationale dans le nord de Bujumbura, et l’Iscam (Institut supérieur des cadres militaires, l’école des officiers burundais), situé dans le quartier de Musaga au sud, dans un périmètre regroupant aussi le « camp Base » et le camp Muha.
Parallèlement le camp de la 120e Brigade à Mujejuru, à une quarantaine de kilomètres à l’est de la capitale, a également été attaqué, selon le colonel Baratuza. Les assaillants avaient « l’intention de pénétrer dans les camps pour se procurer des armes et des munitions », a-t-il indiqué.
Les assaillants « lourdement armés » ont été repoussés après plus de deux heures de combats, a expliqué le haut gradé. De nombreux riverains des camps ont fait état de combats particulièrement violents, marqués par des explosions et des tirs nourris d’armes automatiques.
Des échanges de tirs sporadiques ont été signalés en milieu d’après-midi dans divers quartiers de Bujumbura, quadrillé par l’armée et où des opérations de « ratissage » ont eu lieu.
Les ponts séparant la capitale en trois grandes zones sont « contrôlés par l’armée, qui y a disposé des blindés, et aucun mouvement d’un quartier à un autre n’est autorisé », a expliqué le haut-gradé de l’armée. Selon des témoins, la police a procédé depuis vendredi matin à de nombreuses arrestations dans les quartiers contestataires de Bujumbura.
Escalade très inquiétante
L’envoyé spécial américain pour les Grands lacs, Thomas Perriello, s’est dit « alarmé par la violence à Bujumbura aujourd’hui » appelant à un « cessez-le-feu urgent », alors que les ambassades des États-Unis, de Belgique, de France et des Pays-Bas ainsi que l’ONU ont appelé vendredi leurs ressortissants et employés à ne pas quitter leur domicile.
Plusieurs compagnies aériennes, dont Kenya Airways, Ethiopian Airlines et RwandAir ont annulé leurs vols de vendredi vers Bujumbura.
A Musaga, « des insurgés se sont introduits dans le camp Base (…) Ils ont eu des renforts et ont pris des armes dans le magasin, avant de se rendre à l’Iscam », a expliqué un haut responsable des services de sécurité. Les soldats du camp Muha ont alors délogé les assaillants de l’Iscam, a-t-il ajouté.
La proximité immédiate des collines surplombant la capitale laisse penser que de nombreux assaillants ont pu fuir avec les armes dérobées, selon des sources sécuritaires.
Le Burundi est secoué par des violences depuis l’annonce fin avril de la candidature du président Nkurunziza à un troisième mandat, que l’opposition, la société civile et une partie de son camp estiment contraire à la Constitution et à l’Accord d’Arusha ayant permis la fin de la guerre civile (1993-2006).
L’échec d’un coup d’État militaire à la mi-mai puis la brutale mise au pas des quartiers contestataires à la mi-juin, après six semaines de manifestations quasi-quotidiennes à Bujumbura, et la réélection à la mi-juillet du président Nkurunziza lors d’un scrutin controversé, n’ont pas empêché les violences de s’intensifier.
Des armes ont été massivement introduites dans les quartiers, où les tirs ou jets de grenade contre la police sont désormais quotidien. Les forces de l’ordre sont régulièrement harcelées en province, et des mutins ont assuré avoir mis sur pied une rébellion pour chasser M. Nkurunziza du pouvoir.
La communauté internationale s’inquiète de possibles violences à grande échelle, dans un pays à l’histoire post-coloniale marquée par des massacres entre majorité hutu et minorité tutsi.
Source: Jeune Afrique