Le Centre Carter, qui tient le rôle d’Observateur indépendant de l’Accord de Paix de 2015 au Mali, a rend public, ce jeudi 30 juin 2022, un nouveau rapport faisant état du blocage sans précédent dans la mise en œuvre de l’Accord. C’était à la faveur d’une conférence de presse animée par Jean Ntole KAZADI, conseiller spécial adjoint de l’Observateur indépendant, dans les locaux du Centre Carter à Badalabougou.
Ce dernier rapport souligne que depuis octobre 2021, le dialogue est de plus en plus difficile entre les Signataires de l’Accord, à savoir le Gouvernement du Mali, la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), et la Plateforme ; et qu’aucun progrès significatif n’a été réalisé dans la mise en œuvre de l’Accord pendant cette période.
Cette situation de blocage intervient dans un contexte de remobilisation militaire alors que le Mali fait face à d’immenses défis comme les sanctions imposées par la CEDEAO, le retrait des partenaires extérieurs qui soutenaient les efforts de stabilisation, l’accélération des dynamiques conflictuelles, et l’augmentation de la violence à l’encontre des civils dans le Centre et dans le nord du Mali.
Si de nombreux facteurs ont contribué à cette situation, le rapport de l’Observateur indépendant se concentre sur la controverse autour de la relecture de l’Accord et son impact sur la situation actuelle.
Selon le conférencier, l’idée de « relecture ›› de l’Accord a contribué à accroître l’incertitude autour du processus de paix et à l’absence de redynamisation du processus.
Aussi, a-t-il fait savoir, cette question a également nourri le scepticisme autour de l’Accord qui s’est développé chez beaucoup de Maliens au moment où les résultats concrets de la mise en œuvre de l’Accord se faisaient attendre.
Le rapport souligne surtout que l’idée de « relecture ›› de l’Accord génère des débats et des tensions qui semblent être, à bien des égards, ni utiles ni productifs pour avancer dans la mise en œuvre.
Devant les incertitudes et les ambiguïtés qui ont entouré « la relecture » ou la « mise en œuvre intelligente ›› de l’Accord de 2019 à aujourd’hui, l’Observateur indépendant a déploré le fait que ni le Comité de suivi de l’Accord (CSA) ni la Médiation internationale n’ont pourtant abordé officiellement la question.
Il en est de même pour les Nations Unies qui se sont cependant, par occasion, exprimées sur le sujet.
Dans son rapport de mars 2021, le Secrétaire général prenait note des appels répétés en faveur d’une réouverture de l’Accord et encourageait vivement les Parties signataires à aborder cette question dans le cadre convenu et dans un esprit de confiance mutuelle.
Le groupe d’experts sur le Mali mandaté par le Conseil de sécurité considérait déjà dans son rapport d’août 2021 que « les gouvernements maliens successifs n’ont jusqu’ici pas réussi à clarifier auprès du public le sens de la « relecture de l’Accord ››, ouvrant ainsi la voie à des spéculations et interprétations erronées, notamment de la part des personnes hostiles à l’Accord.
Ils ont ainsi mis en exergue ses conséquences néfastes sur la confiance entre les Parties et l’appropriation par les Maliens de l’Accord.
Malgré ces développements, le rapport note que les Parties maliennes continuent de réaffirmer leur engagement envers l’Accord.
En réalité, rappelle le conférencier, au cours des sept années de mise en œuvre, les Parties ont régulièrement procédé à des adaptations consensuelles de l’Accord chaque fois que nécessaire, compte tenu de divergences ou des évolutions du contexte.
«Pour avancer ensemble, les signataires ont besoin de concentrer leurs efforts sur le dialogue entre eux et la concrétisation d’étapes, de façon pragmatique, tout en s’engageant davantage publiquement pour restaurer la confiance et l’adhésion à l’Accord à travers le pays», a-t-il déclaré.
Entre septembre 2021 et juin 2022, l’Observateur indépendant a pris plusieurs initiatives pour encourager le dialogue entre les Parties et des avancées sur la mise en œuvre. À l’image du séminaire organisé en février 2022 qui a permis à tous les responsables de la mise en œuvre et du suivi de l’Accord de se retrouver autour de l’examen des rapports et recommandations de l’Observateur indépendant. Les participants ont formulé des propositions consensuelles pour relancer le processus de mise en œuvre.
Seul bémol, Jean Ntole KAZADI a déploré que peu de ces recommandations aient été mises en œuvre.
Par Abdoulaye OUATTARA
Source : Info-Matin