Très attendu, c’est le premier jugement français dans l’affaire des « biens mal acquis ». Le vice-président de la Guinée équatoriale, Teodorin Obiang, a été condamné à Paris, vendredi 27 octobre, à trois ans de prison avec sursis et à 30 millions d’euros d’amende avec sursis pour s’être frauduleusement bâti en France un patrimoine considérable.
Fils du président Teodoro Obiang Nguema, Teodorin Obiang, 48 ans, qui ne s’était pas présenté lors de son procès, a été reconnu coupable de blanchiment d’abus de biens sociaux, de détournement de fonds publics, d’abus de confiance et de corruption. Le tribunal a également ordonné la confiscation de l’ensemble des biens saisis, dont un somptueux hôtel particulier sis avenue Foch à Paris.
La peine prononcée par la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris est inférieure à celle requise par le parquet national financier, qui avait demandé trois ans de prison ferme et une amende ferme de 30 millions d’euros, ainsi que la confiscation de ses biens. Le procès s’était déroulé du 19 juin au 6 juillet.
La confiscation décidée vendredi devra cependant attendre l’issue d’une procédure en cours devant la Cour internationale de justice. Saisie par le gouvernement de Guinée équatoriale, qui conteste les poursuites françaises contre Teodorin Obiang, la CIJ a rendu en décembre 2016 une ordonnance selon laquelle la France doit assurer, jusqu’à l’issue de cette procédure à La Haye (Pays-Bas), l’inviolabilité de l’immeuble.
Une « ingérence dans les affaires d’un Etat souverain »
Le tribunal a rappelé qu’il était compétent pour juger Teodorin Obiang, car il ne s’intéressait qu’à « l’infraction de blanchiment commise en France » par le dignitaire pour son usage « personnel », et non à « des faits commis en Guinée équatoriale » par Teodorin Obiang « dans l’exercice de ses fonctions ».
La défense de Teodorin Obiang avait dénoncé une « ingérence dans les affaires d’un Etat souverain », et estimait que la justice française s’arrogeait dans ce dossier « une compétence universelle ». De son côté, Teodorin Obiang n’a eu de cesse, comme le pouvoir équato-guinéen, de contester la tenue de ce procès en France et la légitimité de la justice française.
Corruption et détournement de fonds publics
L’instruction a établi que M. Obiang avait acquis en France, entre le début de 2000 et 2011, directement ou par le biais de prête-noms ou de sociétés écrans, un important patrimoine mobilier et immobilier, dont la pièce maîtresse est un immeuble luxueux de 2 835 m² avenue Foch à Paris, acquis pour 25 millions d’euros, et dans lequel l’accusé a fait pour 12 millions d’euros de travaux. La présidente a aussi cité dix-huit voitures de luxe, achetées au total 7,5 millions d’euros, des œuvres d’art, des bijoux et des vêtements de marque.
Teodorin Obiang était soupçonné d’avoir financé ces dépenses grâce au produit de la corruption, de détournements de fonds publics et d’autres délits commis en Guinée équatoriale.
Il avait notamment recours à des virements d’un compte ouvert à la Société générale en Guinée équatoriale par la société d’exploitation forestière Somagui Forestal, qu’il contrôlait en tant que ministre de l’agriculture et des forêts. Il contraignait alors les compagnies forestières opérant dans son pays à lui payer, directement ou par l’intermédiaire de la Somagui, une sorte de dîme en échange de l’autorisation d’exporter du bois, a précisé la présidente.
Plusieurs enquêtes encore en cours
Teodorin Obiang est le premier dignitaire à être jugé dans le cadre des procédures dites de « biens mal acquis », ouvertes en 2010 en France.
La justice française, qui cherche à savoir si les fortunes des familles de plusieurs dirigeants africains ont pu être bâties en France grâce à des fonds publics détournés de leurs pays, enquête également sur les patrimoines de proches de Denis Sassou Nguesso (Congo), de feu Omar Bongo (Gabon) ou encore du président centrafricain déchu François Bozizé.
La justice suisse s’intéresse également de près à Teodorin Obiang. Onze véhicules de luxe lui appartenant ont été saisis à Genève en novembre 2016.