Aboubacar dit Bakary Coulibaly a révolutionné le marketing dans le domaine de la pharmacopée. Les ballets de motos CG 125, communément appelées Dragons et équipées de haut-parleurs vendant les vertus de plantes médicinales séchées à 100 francs CFA le sachet, ont fait son succès. Aujourd’hui, à 68 ans, les affaires semblent ne plus marcher pour le célèbre et inconnu tradithérapeute, devenu imam.
Investir 100 francs CFA dans un sachet de plantes médicinales de Bakary Coulibaly est un pari dont les risques sont connus. « Si ma plante médicinale séchée te soigne, Dieu soit loué. Dans le cas contraire, tant pis. Bakary part avec tes 100 francs CFA », prévient-il en litanie. C’est ce franc-parler qui a forgé depuis 1981 la renommée de Bakary Coulibaly. Une véritable marque de fabrique qui s’est détériorée au fil du temps. Âgé de 68 ans aujourd’hui, Bakary Coulibaly se porte bien. Il est désormais imam et vit à Sénou Sibiribabougou, en périphérie de Bamako. Son petit empire de pharmacopée traditionnelle a perdu son éclat d’antan à cause de la contrefaçon de ses produits et du départ massif de ses commerciaux, ambitieux d’être autonomes, mais tout de même sous le sceau de sa marque. « Une fois qu’un commercial pénètre le secret de la plante qui compose mes sachets de remèdes, il m’abandonne pour ensuite monter sa propre affaire, sans pour autant se soucier de me mettre dans mes droits. Heureusement, Dieu n’a pas fait de moi un cupide. Je ne suis pas de ces tradithérapeutes qui gagnent beaucoup d’argent. Et, à un moment donné, la police malienne m’a vraiment aidé. Elle a arrêté beaucoup de personnes qui vendaient des plantes médicinales sous mon nom alors que je n’en savais rien », explique-t-il.
Pis, plusieurs commerciaux se sont enfuis avec les motos que Bakary Coulibaly mettait à leur disposition pour la vente de ses produits. « Plus on fait confiance à une personne, plus la trahison est grande. Je m’endette pour donner ces motos à mes commerciaux. À chaque fois qu’on gagne un peu d’argent, on en verse pour éponger notre dette, petit à petit. C’est ainsi que j’ai pu avoir plus d’une trentaine de motos. Cependant, plusieurs commerciaux se sont enfuis avec certaines. Je ne vois aucune issue aujourd’hui. Comment est-ce que je peux me développer dans ces conditions ? C’est vraiment dur. Actuellement il y a des jours où je m’endette pour nourrir ma famille », soupire-t-il.
Vendeurs menteurs Bakary Coulibaly est venu dans le monde de la pharmacopée traditionnelle grâce à sa mère, Mah Traoré. Il était un passionné de la Côte d’Ivoire, où il se rendait chaque année pour de petits travaux, jusqu’au jour où sa mère l’a prié d’arrêter. « Je lui ai rétorqué que c’était la seule chose qui me permettait de faire vivre ma famille. Elle m’a demandé de ne pas m’en faire, qu’elle me donnerait une pharmacopée qui me permettrait de m’acquitter des charges familiales. Un jour, elle m’a accompagné en brousse et montré les feuilles d’un arbre sur lesquelles elle a fait des bénédictions. Depuis 1981, je vendais des remèdes à base de ces feuilles à 100 francs CFA et cela me permettait de tenir », se souvient-il.
Le remède de Bakary Coulibaly est composé de feuilles de l’une des trois espèces de Tiangara (Balanites aegyptiaca). Initialement, selon sa mère, il est indiqué dans le traitement de cinq maladies : le paludisme, l’insomnie, l’hépatite, l’onchocercose et les hémorroïdes. Cependant, il est usuellement réputé pour soigner plus d’une dizaine de maladies.
« Et ce sont ceux qui achètent mes plantes médicinales séchées pour se soigner qui corroborent tout ce que je dis. Ils disent qu’elles soignent le paludisme, l’ulcère, la toux, l’hypertension, le diabète, les maux de tête, les étourdissements. Ce sont eux qui le disent, pas moi. Si c’est une vérité, elle nous est commune à tous. Si c’est un mensonge, je n’y suis associé ni de près ni de loin. Je dis tout le temps que les vendeurs de médicaments sont des menteurs. C’est pourquoi je rappelle toujours que si les plantes médicinales séchées de Bakary Coulibaly te guérissent, tant mieux. Dans le cas contraire, Bakary part avec tes 100 francs CFA », déclare-t-il en riant.
Aujourd’hui le remède est vendu 200 francs CFA au regard du climat des affaires. Bakary Coulibaly assure la postérité de sa pharmacopée en formant des membres de sa famille. Quant à ses propres enfants, ils évoluent dans d’autres secteurs.
Boubacar Diallo
Source : Journal du Mali