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Attentat de Gao : Enquête sur une série de défaillances militaires

Le 18 janvier 2017, vers 8 h 30 minutes, un véhicule tout terrain se dirige dirige vers une grande enceinte sommairement clôturée au quartier « Château » de Gao.

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Là sont regroupés six centaines d’hommes destinés à participer aux patrouilles militaires mixtes prévues par l’accord de paix issu du processus d’Alger. Le véhicule, conduit par deux hommes (un Blanc et un Noir), avance lentement; il porte les couleurs du MOC (Mécanisme opérationnel de coordination), la structure qui encadre les patrouilles. Il franchit le portail de la garnison puis, parvenu devant la foule de combattants qui prépare un rassemblement, il accélère soudain. Sur sa route, il écrase une bonne quinzaine de combattants; ensuite, au beau milieu de la foule de combattants, les terroristes kamikazes font exploser la charge qu’ils transportent. Il s’agit, selon nos sources, de 700 kilos d’explosifs. Tout le camp est balayé par le feu. A un kilomètre à la ronde, les vitres des résidences privées sont brisées.

Le bilan de l’attentat-suicide est tout simplement effroyable. Dans un premier temps, le gouvernement malien fait état de 47 morts. Un chiffre officiel qui grimpe vite à 77 morts. Des sources locales parlent de 120 morts, sans qu’on puisse les vérifier. Une certitude : cet attentat revendiqué par « Al-Mourabitoune », filiale d’Al-Qaida dirigée par l’Algérien Mokhtar Belmokhtar, est le plus sanglant que le Mali ait connu. Comment a-t-il pu se produire plein Gao, la plus grande ville du Nord-Mali qui sert à la fois de quartier général à l’armée malienne, à la MINUSMA et à la force française Barkhane ? Notre enquête nous fait constater une série de défaillances imputables à l’armée malienne.

Défaillances à la chaîne

* Depuis novembre 2016, les services de renseignements maliens et alliés ont signalé à l’armée malienne que 5 véhicules piégés, bourrés d’explosifs, avaient réussi à pénétrer dans la ville de Gao. De ce jour jusqu’au jour de l’attentat, aucun de ces véhicules suspects n’a été retrouvé. Comment cela se peut-il ? Pourquoi n’avoir pas fait du porte-à-porte dans une localité qui n’a rien d’immense ?

* Le contrôle des accès à la ville de Gao est confié à l’armée malienne. Se sachant en guerre et en territoire dangereux, comment a-t-elle pu laisser entrer dans la ville 5 véhicules chargés d’explosifs ?

* Quelques officiels, sans dédouaner ouvertement l’armée, tentent de lui trouver une excuse en insistant sur le fait que le véhicule piégé était peint aux couleurs du MOC. Or, les personnes bien informées savent que de 2015 à nos jours, une centaine de véhicules de l’armée malienne, y compris ceux portant les couleurs du MOC, ont été enlevés par des assaillants non identifiés. Dès lors, qu’il porte les couleurs du MOC ou non, aucun véhicule ne devait pouvoir s’approcher, ni a fortiori prénétrer dans un camp militaire. D’ailleurs, les terroristes sont connus pour opérer avec des véhicules portant des couleurs militaires ou des immatriculations diplomatiques.

* Au moment où l’on décidait de caserner les hommes destinés aux patrouilles mixtes, chacun des trois groupes concernés devait présenter 200 combattants. L’armée malienne a ainsi fourni ses 200 soldats, imitée par  la Plateforme (coalition des milices pro-gouvernementales). Quant à la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), elle n’a présenté que…130 combattants. Pourquoi ? Comment une rébellion qui parvient à chasser l’armée de Kidal et à faire la loi dans tout le nord a-t-elle pu manquer de 200 combattants? Faut-il y lire la crainte d’attentats contre lesdits combattants ?

* L’enceinte qui abrite les combattants destinés aux patrouilles n’a pas reçu les normales minimales de sécurité et de protection. Un expert nous explique: « Le système Z est conseillé et appliqué à toute garnison: il consiste à créer un chemin en zigzag qui oblige tout véhicule à avancer lentement. En cas de suspicion, le véhicule  est plus facilement immobilisé. C’est ce système qui a permis à la MINUSMA de circonscrire, le 29 septembre 2015, une attaque : le véhicule piégé a été immobilisé  et le conducteur abattu ». Notre interlocuteur ajoute qu’à défaut d’ouvrages en dur, on aurait pu mettre en place le « système Z » dans le camp à l’aide de bacs de sable. C’est l’absence de ce système élémentaire de sécurité qui a permis, le 18 janvier, au véhicule piégé de foncer en ligne droite sur la foule.

* Pour conduire le complexe processus de désarmement, de cantonnement et de patrouilles mixtes, on se serait attendu à ce que le Mali dépêche sur le terrain plusieurs des 300 généraux et colonels-majors qui peuplent son armée. Mieux formés et plus expérimentés (ne serait-ce qu’en théorie), ces hauts gradés sont censés donner à la troupe les consignes tactiques et stratégiques nécessaires. Mais voilà: aucun colonel-major ni aucun général n’est durablement installé au nord du pays. Le plus haut gradé en ces hauts lieus de guerre et de terrorisme n’est autre que le chef de la zone de défense de Gao : le colonel Félix Diallo.

En attendant une enquête qui établisse véritablement les responsabilités, il y a lieu de craindre de nouveaux attentats au nord et ailleurs. En effet, le Mali ne semble tirer aucune leçon de ses déconvenues militaires quotidiennes. Elle ne prend aucune sanction contre les responsables défaillants.

Tiékorobani

 

Source: proces-verbal

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