Une foule en colère a saccagé dimanche des édifices publics à Beni, dans l’Est de la République démocratique du Congo, au lendemain d’une attaque de rebelles ADF qui s’est soldée par au moins 11 morts et 15 personnes enlevées, dont dix enfants.
« Nous venons de ramasser 11 corps de civils tués à Matete », au nord de Beni après l’attaque des rebelles, « 15 personnes sont portées disparues parmi lesquelles 10 enfants dont l’âge varie entre cinq et dix ans », a déclaré à l’AFP le colonel Safari Kazingufu, chef de la police de la ville de Beni.
Le bilan pourrait être plus élevé car un habitant a dit à l’AFP avoir « vu les corps de deux hommes en tenue militaire » dans le quartier où l’attaque a eu lieu.
Cette « attaque menée par des présumés ADF a visé la ville de Beni. Nous avons repoussé l’attaque mais malheureusement, il y a eu des morts parmi les civils et les militaires », a déclaré à l’AFP le porte-parole de l’armée dans la région, le capitaine Mak Hazukay.
« Suite à cela, la population a manifesté, brandissant trois corps de civils tombés à Boikene », un quartier du nord de Beni dans la province du Nord-Kivu, a déclaré à l’AFP le bourgmestre de la commune de Ruwezori, Aloys Bwarara.
« D’autres gens en colère sont partis brûler le bâtiment de la poste ainsi qu’un bâtiment de la mairie. Ce que je déplore car nous faisons tout pour que la population soit sécurisée », a ajouté M. Bwarara.
Les habitants étaient nombreux dans les rues de Beni, criant leur colère, des femmes se frappant la poitrine et d’autres posant leurs mains sur la tête en signe d’impuissance et de désolation, selon les témoignages recueillis par l’AFP.
« Nous sommes descendus avec trois corps jusqu’à la mairie, la police est venu nous disperser parce qu’un autre groupe de jeunes avait brûlé la poste et deux bâtiments annexes de la mairie », a expliqué un conducteur de moto-taxi, Paluku Thaiswika.
« L’artère principale de la ville est barricadée, les gens agitent des herbes pour manifester leur colère », a indiqué Guillaume Saliboko, étudiant en Droit.
– « Tueries à répétition » –
La manifestation a été spontanée. « Personne n’a appelé à une marche », mais il s’agit d’une « protestation aux tueries à répétition à Beni », a estimé le président de la société civile de Beni Kizito Din-Hangi.
« Ce déchaînement de violence et de destruction n’est pas forcément la solution, mais il est compréhensible pour une population tant meurtrie et méprisée », a réagi le mouvement citoyen Lutte pour le Changement (Lucha) sur son compte twitter.
Un peu plus tôt, la Mission des Nations unies en RDC (Monusco) avait indiqué à l’AFP que les Casques bleus ont échangé des tirs dans la nuit de samedi à dimanche avec de présumés rebelles à Beni.
« Il n’y a pas eu de perte de notre côté, ni de blessé » au terme de ces échanges de tirs qui ont duré près de quatre heures, a indiqué la porte-parole, Florence Marchal.
Depuis octobre 2014, la ville et le territoire de Beni sont la cible d’une série d’attaques attribuées au rebelles ougandais musulmans des Forces démocratiques alliées (ADF). Des centaines des civils ont été tués.
Opposés au président ougandais Yoweri Museveni, les ADF sont présents dans le Nord-Kivu depuis 1995. Ce mystérieux groupe armé vit dans la jungle et la savane, visiblement avec femmes et enfants, et n’affichent aucun leader, aucune revendication. Il n’a jamais lancé d’attaque d’envergure contre Kampala.
Les ADF sont aussi tenus responsables de la mort de 15 Casques bleus tanzaniens au cours d’une attaque d’une base en décembre 2017 à Semuliki, plus à l’est, vers la frontière avec l’Ouganda.
Présente en RDC depuis 1999, la Monusco, comptant quelque 17.000 Casques bleus pour un budget annuel d’1,153 milliard de dollars, est l’une des plus importantes mission de paix menées par l’ONU dans le monde.
Les États-Unis ont ajouté les ADF à leur liste d’organisations terroristes en 2001, et l’Ouganda les accuse d’avoir des liens avec les insurgés islamistes somaliens shebab et Al-Qaïda. Ces liens n’ont pas été clairement établis jusque là.
Mardi, la cheffe de la Monusco Leïla Zerrougui a envisagé devant la presse « des négociations » avec les ADF sans en préciser la teneur dans la mesure où ce groupe ne présente aucune revendication précise.
AFP