Le président des Etats-Unis donnait son dernier discours mardi soir à Chicago, afin de remercier les Américains pour ses huit ans à la tête du pays.
Barack Obama, qui s’apprête à céder la place à l’homme d’affaires républicain Donald Trump, avait choisi la ville de Chicago, terre de sa fulgurante ascension politique, pour prononcer son dernier discours en tant que président des Etats-Unis, mardi 10 janvier. Accompagné de sa femme Michelle et du vice-président Joe Biden, il s’exprimait depuis le « McCormick Place », au cœur de la grande ville de l’Illinois (nord).
Après une entrée sur la chanson City of Blinding Lights de U2, Barack Obama s’est écrié « Salut Chicago ! Ça fait plaisir d’être à la maison ». « Nous sommes les instruments de notre démocratie. Quelle idée radicale ! Quel cadeau nos pères fondateurs nous ont donné ! » « Il y a huit ans je vous avais dit que nous inverserions la récession, que l’on améliorerait notre système de santé… Mais c’est ce que nous avons fait. C’est ce quevous avez fait. Et grâce à ces mesures l’Amérique est un endroit meilleur et plus fort que lorsque nous avons commencé ».
Il s’est ensuite attelé à évoquer son successeur, et a appelé les Américains à rester vigilants. « Cela dépend de nous que notre gouvernement fasse les bons changements. Nous sommes toujours la plus respectée et riche nation du monde. Ce potentiel ne se réalisera que si notre démocratie fonctionne. Si nos politiques respectent la décence de nos populations. C’est sur cela que je veux me concentrer ce soir. L’état de notre démocratie. La démocratie requiert un sens de la solidarité. Nous réussissons ou tombons ensemble. »
Sortir de sa bulle
Barack Obama a ensuite appelé à intensifier les efforts en matière de progrès sociétaux. « Racisme, santé, malgré tous les progrès que nous avons fait, ce n’est pas suffisant. On peut discuter de la façon d’atteindre ces buts, mais on ne peut pas discuter de ces buts en eux-mêmes. J’ai vécu suffisamment longtemps pour savoir que les relations entre races sont meilleures. Pas seulement dans les statistiques, mais dans les rues. Mais elles ne sont pas là où elles devraient être ». « Nous avons besoin de lois contre les discriminations dans le logement, dans le travail, dans notre système judiciaire. Mais les lois ne seront pas suffisantes, les cœurs doivent changer. Ça ne se passera pas en une nuit. »
Le président des Etats-Unis s’inquiète notamment que les groupes se renferment sur eux-mêmes, cédant ainsi « à la facilité ». « Nous devons tous essayer plus fort. Partir du principe que notre voisin aime autant ce pays que nous. Je sais que ce n’est pas quelque chose de facile. Pour beaucoup d’entre nous il est plus facile de rester dans notre propre bulle. Avec une chaîne de télévision adaptée à chaque goût. Nous sommes tellement en sécurité dans notre propre bulle que nous commençons à rejeter les évidences et les faits. C’est un danger pour notre démocratie. La politique est une bataille d’idées. Mais sans volonté d’admettre les faits et la science, nous allons continuer de parler les uns contre les autres sans jamais trouver de terrain d’entente. » Le président a pris le dossier du réchauffement climatique pour exemple : « C’est trahir les générations futures. Sans une prise de conscience, nos enfants n’auront pas l’occasion d’avoir cette discussion ».
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Barack Obama n’a pas oublié ses militaires, la lutte contre le terrorisme, et la lutte contre la violence en général, rappelant les fusillades meurtrières qui ont eu lieu aux Etats-Unis ces dernières années. « Pour tous ceux qui ont servi ce pays, ça a été un honneur d’être votre commandant en chef. Nous tous, en tant que citoyens, devons rester vigilants contre les agressions. C’est pourquoi durant les huit dernières années nous avons travaillé contre le terrorisme, vers la fermeture de Guantanamo, et que je suis contre la stigmatisation des musulmans américains. C’est pourquoi nous ne pouvons pas nous priver de tous ces combats. Pour les minorités, pour les femmes, pour la communauté LGBT. Cela fait partie d’être Américains. Contre l’agression nationaliste. Soyons vigilants, mais pas effrayés. » « Ne soyons pas un autre pays qui harcèle les plus faibles. Ne considérons jamais notre démocratie comme acquise ».
Il en appelle à tous pour la préserver : « Nous devrions tous être impliqués dans sa préservation. Nous, les gens, avons le pouvoir. Avec notre participation, avec notre vote et les choix que nous faisons. Avec notre respect des règles et des lois. L’Amérique n’est pas fragile mais notre chemin vers la liberté peut faiblir. (…) Nous ne pouvons pas nous contenter d’observer ces gens que nous avons élus. La composante la plus importante de notre démocratie, c’est ses citoyens. Pas seulement cette élection. Si vous êtes fatigués de parler avec des étrangers sur internet, essayez de parler à des gens dans la vraie vie. Si quelque chose doit être réparé, faites quelque chose. Allez à la chasse aux signatures et présentez-vous en politique. Parfois vous allez gagner, parfois vous allez perdre. C’est un risque, parfois vous serez déçus. Mais pour ceux qui ont eu la chance de faire partie de ce monde, c’est inspirant et énergisant. »
Famille étendue
Il s’est ensuite adressé à sa femme Michelle, sous les hurlements et les applaudissements de la foule, qui s’est levée d’un seul homme : « Michelle, pour les 25 dernières années tu n’as pas seulement été ma femme et la mère de mes enfants, tu as été ma meilleure amie. Tu as hérité d’un rôle que tu n’as jamais demandé, et tu l’as incarné avec humour et grâce. Tu as fait de la Maison Blanche un endroit pour tout le monde, et tu es devenu un modèle. Tu m’as rendu fier, et tu as rendu le pays tout entier fier. Malia et Sasha, vous êtes devenues des femmes merveilleuses. De tout ce que j’ai fait dans ma vie, être votre père est ce qui m’a rendu le plus fier. A Joe Biden, tu as été la première décision que j’ai prise en tant que nominé, mais aussi la meilleure. Non seulement parce que tu as fait un travail fantastique, mais parce que j’ai gagné un frère. Notre amitié est l’une des choses les plus précieuses. »
Il s’est ensuite adressé à ses supporters : « A tous ceux présents ce soir, je serai reconnaissant à vie, car vous avez changé le monde. Je sais que notre travail n’a pas seulement aidé beaucoup d’Américains, je sais qu’il en a inspiré beaucoup. Des jeunes ont maintenant espoir. Je pense que le futur est entre de bonnes mains. A tous les Américains : ça a été un honneur de vous servir. Ça ne va pas changer. Je serai toujours à vos côtés. »
Avant de conclure : « J’ai une dernière chose à vous demander, la même chose que vous m’avez demandé il y a huit ans : votre croyance que vous pouvez changer les choses. Yes we did, Yes we can, God bless you ». Sa femme, ses filles et Joe Biden l’ont ensuite rejoint sur la scène, au son de la chanson Land of Hope and Dreams de Bruce Springsteen.
La ville où tout vait commencé
Les billets – gratuits – pour assister à ce dernier discours s’étaient arrachés samedi à l’aube devant ce centre de conférences où des centaines de personnes avaient fait la queue dans un froid polaire en espérant obtenirle précieux sésame. Certains se retrouvaient même en vente en ligne.
Barack Obama avait pris la parole au soir de sa première victoire, le 5 novembre 2008, quelques rues plus haut, à Grant Park, immense jardin public coincé entre le lac Michigan et des gratte-ciel. « Si jamais quelqu’un doute encore que l’Amérique est un endroit où tout est possible (…) la réponse lui est donnée ce soir », avait-il lancé devant des dizaines de milliers de personnes rassemblées dans le froid et brandissant des pancartes frappées du slogan « Yes we can ».
Source : lemonde