L’opinion et l’armée communient, depuis une semaine, autour de la célébration de quatre hélicoptères de combat en provenance de la Fédération de Russie, que les hautes autorités ont réceptionnés au lendemain des bisbilles consécutives à la sortie tonitruante du Premier ministre aux Nations-Unies.
La commande a été exhibée en grande pompe et dans un élan jubilatoire par le ministre des Forces armées et des anciens combattants, le colonel Sadio Camara, lequel en a profité pour saluer la diligence dans sa livraison avant d’en déduire une meilleure qualité de coopération militaire avec les partenaires russes.
Sans doute un clin d’œil voire un palier de plus que les autorités de Transition ont franchi dans la rupture avec le dispositif multilatéral charrié par la France dans la lutte contre l’hydre terroriste au Mali et dans le Sahel. C’est dire que les récents ballets diplomatiques et offensifs de charme en faveur des forces étrangères déjà en place n’auront pas suffi pour dissuader la junte malienne de scruter d’autres horizons défensifs.
Comme l’annonçait du reste Choguel MaÏga sur la tribune des Nations-Unies. La ferveur souverainiste déclenchée par cette intervention s’est ainsi davantage cristallisée dans l’acquisition des nouveaux moyens aériens sur lesquels reposent désormais tous les espoirs d’inversion du rapport des forces sur les théâtres. Toutes choses tributaires à la fois d’une ardeur combattive ayant longtemps fait défaut et d’une efficacité qui puisse distinguer les nouvelles acquisitions de celles n’ayant jadis alimenté qu’une montée en puissance illusoire des FAMa.
Or, en dehors de la quantité des hélicoptères nouvellement acquis et de leur origine russe, aucune indication n’a été donnée quant à leurs caractéristiques, ni leur adaptabilité aux besoins réels de l’armée malienne et à la nature du terrain auxquel ils sont destinés. On aurait pu en savoir plus si le processus de leur acquisition était passé par le Conseil supérieur de défense comme d’habitude. Mais il semble que ça n’est pas le cas, à en juger par les références temporelles de la commande ainsi que par les recoupements selon lesquels les transactions avec la Russie étaient au cœur de la discorde entre la compagnie d’Assimi Goïta et l’ancien président de la Transition.
On sait, en revanche, que l’achat est imputé au budget national, mais l’opacité demeure entière pour l’heure quant au coût réel de la fourniture ainsi que des conditions d’attribution du marché. Serait-ce, en définitive, le propre des régimes exceptionnels de passer outre les procédures en vigueur en s’épargnant les gênantes curiosités ayant naguère contrarié le régime précédent ? En tout cas, les regards les plus tatillons semblent opter pour l’aveuglement sur des aspects d’autant plus intrigants que des acquisitions antérieures de matériels de même type avaient en son temps présenté des défaillances dans leurs équipements connexes, tandis que d’autres ont pu être facturées à l’Etat en étant gracieusement cédés par leurs fournisseurs.
Quoi qu’il en soit, la transparence en la matière s’impose dans toute sa rigueur, au regard des dimensions données à la lutte contre l’impunité, au point d’en déroger si allègrement aux lois les plus intangibles de la République. C’est au nom d’une telle vertu, en effet, qu’un mandat de dépôt a été infligé sans ménagement à plusieurs hauts responsables de l’administration militaire auxquels le privilège de juridiction a été souverainement méconnu au mépris de leurs qualités de justiciables extraordinaires. Ils sont inculpés et poursuivis pour favoritisme, corruption, faux, abus de confiance, entre autres, sur la base de présomptions d’opacité qui ne paraissent guère moins incriminables que le chemin emprunté dans l’acquisition de nouveaux hélicoptères.
A KEÏTA
Source : Le Témoin