Jugé pour homicide involontaire au tribunal de la commune 2, un chauffeur de gros porteur se défend d’avoir causé la mort d’un motocycliste. Il risque jusqu’à 5 ans de prison, en plus des 20 millions de FCFA de dommages et intérêts que réclament les héritiers de la victime.
« Je reconnais qu’il y a eu un accident et K. B. est mort », admet A. T. Il comparait pour homicide involontaire, lundi, 7 novembre, au tribunal de la commune 2 du District de Bamako.. Les faits, justement, il sera le seul à les raconter. D’après lui, l’accident s’est déroulé sur son trajet devant de Missabougou, derrière le fleuve. « K. B., en voulant dépasser une voiture sur sa gauche a débordé sur la voie contraire, sur laquelle je roulais. J’ai alors tenté de l’éviter en virant à droite mais malgré tout il a heurté l’avant de mon véhicule avec sa moto. Son pied s’est cassé sur le coup », explique-t-il.
« L’accident a lieu à 9 heures et K. B. a rendu l’âme à 13 heures. Cela dénote de la violence de l’accident », charge la procureure.
A la barre, tout de bleu vêtu, A. T, 27 ans. Il est en liberté provisoire. Le véhicule qu’il conduisait, un gros porteur de 10 tonnes, en cause dans la mort de K. B. Un procès dont l’entame augure une issue aussi incertaine que les circonstances de l’accident de la route au cours duquel K. B, un bijoutier de 30 ans, a perdu la vie. Il laisse derrière lui une veuve et quatre orphelins.
Le président du tribunal rappelle la peine qu’encourt inculpé : « L’homicide involontaire commis ou causé par maladresse, négligence, inattention ou inobservation des règlements, sera puni d’un emprisonnement de six mois à cinq ans et d’une amende de 50 000 à 500 000 francs ou de l’une de ces deux peines seulement ».
« Comment était le système de freinage ? », demande-t-il à l’inculpé. « Le frein ? « Il était bon », répond-il.
En l’absence de K. B., les avocats désignés par ses héritiers requièrent « la peine de prison qu’il plaira au tribunal » et une somme de 20 millions de FCFA de dommages et intérêts, à mettre au compte de CNAR-SA, son assurance.
Ils assaillent l’inculpé de questions. « A quelle vitesse rouliez-vous ? », lance l’un d’entre eux. « J’étais en 4e vitesse ». Son camion avait 8 niveaux de vitesse. « On peut être en 4e vitesse sans rouler à vive allure », se défend l’inculpé. L’autre avocat reformule la question : « votre véhicule comporte-t-il un tableau de bord ? Quel kilométrage affichait-il ? ». « Le véhicule avait un tableau de bord mais je ne peux dire exactement la vitesse », rétorque-t-il.
A la rescousse de l’inculpé, son patron, le propriétaire du véhicule. « Les gros porteurs ne peuvent dépasser 15 km quand ils sont en 4e vitesse » assure-t-il. « C’est A. T. qui devrait nous dire tout cela », intervient le président. « C’est parce qu’il n’a pas été à l’école », argue le patron. « Ça n’a rien à voir. Pas besoin d’être instruit pour connaitre ces choses-là. Il veut nous cacher quelque chose. Il était en excès de vitesse », s’emporte le président.
« Vous n’étiez pas là-bas, comment pouvez-vous déterminer la vitesse de votre chauffeur ? », revient à la charge l’un des avocats des héritiers K. B. « Le sieur A.T. est en train de dénaturer les faits. Malheureusement les morts ne peuvent pas parler. Si K. B était vivant, il y aurait un débat contradictoire ici. Tout le monde sait que la 4e vitesse exige au moins 50 à 60 km/heure. A.T. a causé un accident mortel », renchérit-il
Jusque-là silencieux, l’avocat de la défense axe sa plaidoirie sur l’absence d’éléments irréfutables pour mettre en cause A. T. « A regarder les faits, quand on dit excès de vitesse, à quelle vitesse roulait-il ? En quittant sa voie, ne peut-on pas parler de la faute de la victime ? Si K. B. n’avait pas quitté sa voie, serions-nous-là aujourd’hui ? On ne doit pas parler avec le cœur mais avec le droit. Je plaide non coupable pour le chauffeur », plaide-t-il.
La parole est à A. T. pour son dernier mot. « Tout ce qui nous arrive découle de la volonté de Dieu », répond-il, résigné. Il ne sera pas fixé sur son sort ce jour-là. L’affaire est renvoyée en délibéré pour le 5 décembre prochain.
La rédaction