Les travaux de concertation régionale sur la relecture de la Loi n°05-047 du 18 août 2005, portant Charte des partis politiques, ont pris fin dans le district de Bamako ce jeudi 17 avril. Cette étape capitale du processus de refondation politique engagé par les autorités de la Transition a accouché de recommandations particulièrement audacieuses, voire controversées, visant à transformer en profondeur l’architecture politique du Mali.
Une volonté claire : réduire le nombre de partis à cinq
Bamada.net-Au cœur des débats dans la capitale comme dans les régions : la question du foisonnement des partis politiques. À ce jour, plus de 270 formations politiques sont enregistrées au Mali, un record dans la sous-région, et largement dénoncé par les participants aux concertations. À Bamako, la recommandation phare a été sans équivoque : limiter le nombre de partis politiques à cinq (5) seulement. Cette mesure, selon ses défenseurs, devrait permettre de structurer le débat politique autour de pôles idéologiques solides et représentatifs, à l’image des grandes démocraties modernes.
« Trop de partis tuent la politique », a martelé Abdrahamane Coulibaly, représentant du parti ADEPM, lors de son intervention au nom de plusieurs participants bamakois.
Caution de 180 millions CFA : un filtre controversé
Autre recommandation marquante à Bamako : l’instauration d’une caution de 180 millions de francs CFA pour la création d’un parti politique. Selon les défenseurs de cette proposition, il s’agit d’un mécanisme destiné à dissuader les créations opportunistes de micro-partis et à garantir le sérieux des projets politiques. Cette proposition divise fortement l’opinion publique, plusieurs voix y voyant une tentative de museler la pluralité démocratique par l’exclusion financière.
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La moralisation du jeu politique exigée
Les recommandations ne s’arrêtent pas là. Les participants de Bamako ont également plaidé pour :
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Une enquête de moralité obligatoire dans le processus de création de parti,
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L’obligation de nationalité d’origine malienne pour les fondateurs,
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La dissolution de tous les partis existants, suivie de la rédaction d’une nouvelle charte politique plus contraignante,
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L’interdiction d’utiliser les noms des anciens partis politiques pour fonder de nouveaux.
À travers ces propositions, les concertateurs entendent instaurer des balises éthiques et patriotiques dans la vie politique nationale.
Kayes et Bandiagara : des recommandations similaires aux accents plus radicaux
Kayes : un rejet complet de l’ancien système
À Kayes, les travaux se sont déroulés sous la supervision du Gouverneur, le général de brigade Moussa Soumaré. Là aussi, la dissolution pure et simple de tous les partis politiques a été proposée, accompagnée de la suppression du financement public des partis, la suppression du statut du chef de file de l’opposition, et l’audit complet des fonds publics déjà alloués. Les Kayesiens proposent en outre une caution de 50 millions FCFA pour toute nouvelle initiative de création de parti, et une sanction ferme contre le nomadisme politique, comprenant la perte du mandat et une inéligibilité de 5 ans.
Bandiagara : vers trois grands partis et une discipline politique stricte
Dans la région de Bandiagara, sous la présidence du Colonel Major Olivier Diassana, les recommandations ont également été tranchantes : création de trois partis maximum, suspension du chef de file de l’opposition, application du principe de déchéance automatique de mandat en cas de démission ou de transhumance politique, et interdiction de l’adhésion à un autre parti en cours de mandat. Les participants veulent ainsi ancrer la loyauté et la discipline dans la vie politique, tout en réduisant la fragmentation actuelle.
Un climat politique sous tension : entre aspiration au changement et crainte de dérive autoritaire
Si ces concertations ont été saluées par certains comme un pas vers la rationalisation du système politique, elles n’en ont pas moins été boycottées par plus d’une centaine de partis politiques, dénonçant une démarche jugée opaque et peu inclusive.
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De nombreux analystes politiques redoutent que ces réformes, sous couvert de moralisation et de rationalisation, ne débouchent sur une éradication de la diversité politique et une dérive autoritaire, en contradiction avec les principes constitutionnels du pluralisme.
« Ces mesures, si elles se concrétisent, pourraient signifier la suspension pure et simple de la Constitution et de la démocratie multipartite », alerte un constitutionnaliste malien sous couvert d’anonymat.
Des exigences populaires relayées par la société civile
Le Collectif pour la Défense des Militaires (CDM), allié à plusieurs mouvements citoyens, a récemment tenu une conférence de presse où il a réitéré plusieurs demandes en écho aux concertations :
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Exiger une prolongation de 5 ans pour la présidence du général Assimi Goïta ;
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Demander la dissolution des partis politiques ;
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Réclamer l’audit des fonds publics alloués aux partis.
Des revendications qui confirment que le débat sur l’avenir des partis politiques dépasse les cercles politiques classiques et s’enracine dans une partie significative de la population malienne.
Quelles perspectives pour la démocratie malienne ?
Les autorités de la Transition auront la lourde tâche de synthétiser les résultats de ces concertations régionales en un projet de loi équilibré. Il s’agira de trouver un compromis entre la volonté populaire de refondation et la nécessité de respecter les principes démocratiques fondamentaux. Le pluralisme, la liberté d’association et l’expression politique ne sauraient être sacrifiés au nom de l’efficacité ou de la stabilité.
Mais une chose est certaine : le paysage politique malien est à l’aube d’une refonte majeure, dont les contours restent à définir mais qui marquera, à n’en pas douter, un tournant décisif dans l’histoire institutionnelle du pays.
Réduction drastique des partis : Bamako sonne la fin de l’anarchie politique
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Fatoumata Bintou Y
Source: Bamada.net