Malabo, capitale de la Guinée équatoriale, est devenue depuis le 30 juin 2025 l’épicentre d’un procès aussi explosif que symbolique. L’homme au cœur de cette affaire : Baltasar Engonga Ebang, surnommé « Bello », ancien directeur général de l’Agence nationale d’investigation financière (ANIF) et figure controversée d’un système politico-financier en perte de crédibilité. Poursuivi pour des faits présumés de détournements de fonds publics, d’enrichissement illicite et d’abus de pouvoir, il risque jusqu’à 18 ans de réclusion criminelle, selon les réquisitions du ministère public.
Bamada.net-Mais derrière cette affaire judiciaire, c’est toute la complexité de la gouvernance équato-guinéenne qui se révèle, sur fond de rivalités au sommet de l’État, scandales intimes, et règlements de comptes dans les arcanes du pouvoir.
Un procès sous haute tension et à fortes résonances politiques
Le procès, qui se déroule au tribunal de première instance de Malabo, a mobilisé d’importantes forces de sécurité et attire depuis l’ouverture des audiences une attention sans précédent. En cause : les accusations portées contre Baltasar Engonga Ebang, membre d’une puissante famille politique, fils de Baltasar Engonga Edjo’o, actuel président de la Commission de la CEMAC (Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale).
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Selon les premiers éléments de l’enquête judiciaire lancée en mars 2024, l’ex-patron de l’ANIF aurait orchestré le transfert de plusieurs milliards de francs CFA issus de fonds publics vers des comptes offshore, notamment dans les Îles Caïmans, une juridiction bien connue pour ses pratiques opaques. D’autres responsables de l’entreprise publique sous tutelle du ministère des Finances sont également poursuivis, témoignant de l’ampleur du réseau présumé de corruption.
Le procureur général, lors de l’audience d’ouverture, a égrené une longue liste de charges :
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8 ans pour détournement de biens publics,
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6 ans pour abus de pouvoir,
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4 ans pour enrichissement illicite,
soit un total de 18 ans de prison ferme requis contre « Bello ».
Face à ces accusations, la défense rejette catégoriquement les faits, dénonçant un procès politique maquillé en affaire judiciaire, avec des preuves fragiles et des motivations douteuses.
Une affaire éclipsée par un scandale sexuel d’ampleur nationale
Si les accusations de corruption suffiraient à elles seules à ternir l’image d’un haut responsable public, le dossier Baltasar Engonga Ebang est d’autant plus explosif qu’il s’est vu projeté dans l’espace public à la suite d’un scandale sexuel sans précédent. Fin 2024, des centaines de vidéos intimes mettant en scène « Bello » avec plusieurs femmes – dont certaines proches du cercle présidentiel – ont envahi les réseaux sociaux, provoquant un choc profond dans l’opinion.
Des images compromettantes, diffusées de manière coordonnée, ont nourri les soupçons de manipulation politique. De nombreuses sources indiquent que cette fuite aurait été orchestrée depuis les hautes sphères du pouvoir, notamment par Teodoro Nguema Obiang Mangue, vice-président de la République et fils du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo. Ce dernier est engagé dans une lutte sourde pour la succession à la tête de l’État.
L’objectif de cette opération médiatique ? Discréditer la famille Engonga, perçue comme une menace potentielle à l’équilibre des forces dans l’entourage présidentiel.
Conditions de détention alarmantes et pressions psychologiques
Depuis son arrestation il y a près de dix mois, Baltasar Engonga Ebang est incarcéré à la tristement célèbre prison de Black Beach, connue pour ses conditions inhumaines. Plusieurs sources concordantes font état de mauvais traitements répétés, de visites nocturnes d’agents liés à la sécurité présidentielle, et même d’intimidations physiques et psychologiques.
Des proches de l’accusé rapportent qu’il a dû être hospitalisé à plusieurs reprises à la suite de ces pressions. Des noms sont évoqués, comme celui du général Jesús Edu Moto, responsable de la sécurité présidentielle, soupçonné de coordonner ces manœuvres d’intimidation. Des allégations graves qui jettent une ombre supplémentaire sur le déroulement d’un procès censé être équitable et transparent.
Entre justice et règlements de comptes : les équilibres du régime en question
Le procès de Baltasar Engonga ne saurait être réduit à un simple dossier judiciaire. Il s’inscrit dans un contexte plus large, où la lutte contre la corruption devient un instrument de rééquilibrage politique au sommet du pouvoir. La Guinée équatoriale, riche en hydrocarbures mais régulièrement classée parmi les pays les plus corrompus du monde, semble vouloir redorer son image internationale à travers des procès emblématiques.
Cependant, l’absence de poursuites sur le volet sexuel, l’apparente sélectivité des accusations, et la violence des campagnes médiatiques contre certains accusés, donnent à ce dossier des allures de justice sélective, voire de chasse aux sorcières.
Un impact diplomatique et régional
Ce procès, très suivi en Afrique centrale, pourrait avoir des répercussions régionales, notamment au sein de la CEMAC, où le père de l’accusé, Baltasar Engonga Edjo’o, continue d’exercer d’importantes responsabilités. Des voix s’élèvent déjà pour réclamer des explications sur les éventuelles ramifications de cette affaire à l’échelle sous-régionale.
Un test grandeur nature pour la justice équato-guinéenne
À travers cette affaire, la République de Guinée équatoriale est placée face à un choix crucial : démontrer son engagement réel dans la lutte contre la corruption, ou céder à la tentation de régler des comptes politiques à travers des procès spectaculaires.
Le peuple équato-guinéen, tout comme la communauté internationale, observera avec attention la suite de ce procès. L’issue pourrait bien marquer un tournant dans l’histoire politique récente du pays.
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Fatoumata Bintou Y
Source: Bamada.net