« Les rebellions Touareg : Enjeux et perspectives » est le thème d’une conférence débat animée, samedi dernier dans le locaux de Korafilms, par André Bourgeot, anthropologue et chercheur du Centre national de recherche en sciences sociales (CNRS) de Paris.
Notre pays a traversé en 2012, une crise sécuritaire et politique sans précédent dont un des acteurs déclencheurs a été la rébellion Touareg du mouvement nationale de libération de l’Azawad (MNLA). D’où cette conférence pour faire comprendre les soulèvements récurrents des Touaregs.
Le conférencier souligne d’abord que la société Touareg n’est pas homogène contrairement à ce que pense beaucoup de personnes. Il existe des sociétés Touaregs diversifiées et régies par les rapports sociaux complexes. Ces rapports sont caractérisés par l’aristocratie, les rapports tributaires, esclavagiste et religieux.
La première rébellion Touareg dans notre pays date de 1916-1917 marquée par la révolte ou résistance du petit-fils du légendaire Firhoun contre l’occupation coloniale. Cette rébellion était l’œuvre de l’aristocratie Touareg qui s’insurgeait contre la domination française, a expliqué André Bourgeot.
La seconde rébellion est survenue en 1963-64. Elle s’est déroulée dans un contexte marqué par la naissance de l’Etat du Mali et la dislocation de la fédération Mali-Sénégal. L’Etat du Mali n’avait pas encore militairement et administrativement occupé tout le territoire, a remarqué le conférencier.
En 1990-1991 survient la troisième grande rébellion qui, après la tenue de la conférence nationale suite à la chute du régime du général Moussa Traoré, s’est soldé par la signature du Pacte national et les accords de Tamanrasset. Selon André Bourgeot ce fut la première fois que les autorités du pays « reconnaissaient » un territoire aux Touaregs et leur confiait la gestion par la démilitarisation de la zone. Cette rébellion a été également marquée par la création de plusieurs fronts ethniques.
L’Azawad est historiquement une petite zone dans l’Adrar des Iforas qui servait de pâturage et de champ. D’où le nom Azawad en langue tamasheq.
En 2003, des éléments djihadistes d’AQMI et autres font leur entrée sur notre territoire et vont commencer à se sanctuariser à partir des années 2005 et 2006 avec l’affaire de l’avion qui a transporté de la cocaïne dans le désert malien. La rébellion du 23 mai 2006 a abouti à la signature de l’Accord d’Alger qui a « institué la partition du territoire du Mali », estime le conférencier qui note que les enjeux des rébellions Touaregs sont aussi bien ethniques que géopolitiques et propagandistes notamment avec l’extension du « territoire » de l’Azawad aux régions de Kidal, Tombouctou et Gao.
La rébellion Touareg de 2012 a bénéficié de la dislocation de l’Etat et du soutien de groupes terroristes d’AQMI, du MUJAO et d’AnçarDine de Iyad Ag Ghali. Les Touaregs revenus de Libye à suite de la chute de Mouammar El Kadhafi ont attaqué l’armée malienne parce que celle-ci était faible contrairement aux groupes terroristes, a relevé André Bourgeot.
Parmi les facteurs géopolitiques qui ont favorisés les rébellions Touaregs, le chercheur a aussi cité les sécheresses des années 1972-73, 1984-85, la dévaluation du Fcfa en 1993-1994.
Organisée par le Forum civique, un regroupement d’associations politiques, cette conférence fait partie d’une série de rencontres initiées en vue de contribuer à la création d’un espace de dialogue sur les questions qui intéressent la vie de la nation. Les conférences sont mensuelles et seront alternées avec des projections de films.
Source: Essor