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Mali – “La France n’a qu’une stratégie à Kidal : récupérer son otage”

INTERVIEW – Quatre jours après l’assassinat de deux journalistes de RFI au Nord-mali, l’identification de trois suspects accrédite la piste de Touareg islamistes, très présents à Kidal. Historien spécialiste de la région, Francis Simonis décrypte pour metronews la stratégie poursuivie par la France vis-à-vis de ces groupes.

soldat français patrouille Kidal

D’après Le Monde, trois des assassins présumés des journalistes de RFI sont des Touareg islamistes ralliés au Haut conseil pour l’unité de l’Azawad. Le HCUA n’est pourtant pas un groupe combattant ?
En effet, le HCUA n’est pas un groupe de combat mais il n’est qu’un faux nez d’Ansar Dine, qui pour le coup est un groupe armé de Touareg islamistes. Quand l’opération Serval a éclaté, l’un d’entre eux, Alghabass Ag Intalla , a fait scission et créé le Mouvement islamique de l’Azawad (MIA). Il a ensuite lui-même revendiqué le ralliement de 80% des anciens membres d’Ansar Dine. Or ce MIA a été absorbé par un autre mouvement, le Haut conseil de l’Azawad, fondé par… son propre frère, Mohamed Ag Intallah. Les deux ont fusionné pour devenir le HCUA. Et qui est le chef du HCUA ? C’est leur père à tous les deux, l'”amenokal de Kidal” (chef traditionnel de la communauté touareg des Ifoghas), Intalla Ag Attaher ! Si l’on remonte le fil, on voit donc bien que le HCUA n’est rien d’autre que le nouveau nom d’Ansar Dine.

Quel objectif poursuit le HCUA ?
C’est le moyen qu’ont trouvé les chefs touareg des Ifoghas pour garder le contrôle politique de la région de Kidal. Le HCUA a toujours dit qu’il participerait aux élections législatives (dont le premier tour est prévu pour le 24 novembre, ndlr). En se donnant des allures respectables, les chefs ont obtenu la levée par le président malien des mandats d’arrêt qui pesaient sur eux, du temps où ils étaient combattants. C’est donc une machine à recycler, pour leur redonner une virginité politique et leur permettre d’être élus.

Un autre mouvement touareg très présent à Kidal, le MNLA, n’est pas perçu comme un ennemi de la France. Peut-on lui faire confiance ?
Je suis étonné de l’indulgence dont on fait preuve à l’égard du Mouvement national de libération de l’Azawad. Le MNLA a montré une grande duplicité. Il se prétend laïc mais souvenons-nous qu’au printemps 2012, il avait annoncé sa fusion avec Ansar Dine pour créer l’Etat islamique d’Azawad ! Il a ensuite rapidement fait machine arrière, devant les réactions internationales. Aujourd’hui, il se présente en barrière contre les groupes islamistes de la région. Tout cela montre que c’est un mouvement opportuniste, qui change d’alliances comme ça l’arrange. L’erreur, c’est de croire que tous ces différents mouvements sont bien séparés : ils sont en fait très poreux.

La France a pourtant laissé le HCUA et le MNLA tranquilles à Kidal. Sommes-nous dupes ?
Je ne pense pas que les Français soient dupes. Simplement, ils poursuivent à Kidal un autre objectif : la libération des otages. Si on a laissé les clefs de la ville au MNLA, au lieu d’y restaurer l’autorité de l’Etat malien, c’est simplement pour être en mesure de pouvoir continuer à parler avec les chefs touareg des Ifoghas, où étaient détenus les otages d’Arlit libérés la semaine dernière. Or le problème de la France aujourd’hui, c’est de récupérer l’otage qui reste dans la région : Serge Lazarevic.

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