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L’avenir politique au Mali : JAMAIS SANS UN INTERLOCUTEUR FORT

Dans les crises africaines, la recherche de solutions est compliquée par l’émiettement du leadership et la dispersion des protagonistes

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Les sommets passent et l’anomalie persiste. L’Organisation de l’unité africaine, puis l’Union africaine ont comme tradition instituée celle de placer leur principal événement statutaire majeur sous un thème se rapportant à un des grands problèmes du continent. Celui-ci devient, en principe, le principal dossier examiné par le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement. L’initiative aurait été absolument cohérente si la pertinence du thème choisi n’était pas en permanence bousculée par l’actualité turbulente du continent. Ainsi, les délégations présentes à Johannesburg dimanche et hier auraient dû en principe concentrer leur attention sur les débats concernant « l’année de l’autonomisation et du développement des femmes en vue de la réalisation de l’Agenda 2063 de l’Afrique ». La présidente de la Commission africaine, Mme Kosazana Dlamini-Zuma, avait d’ailleurs fait un effort remarqué pour préserver la prépondérance de ce thème en faisant venir l’actrice américaine Angelina Jolie. La comédienne – dont l’engagement sincère pour les grandes causes humanitaires, et particulièrement celles concernant l’Afrique est unanimement reconnu – avait délivré vendredi dernier et devant un auditoire record un plaidoyer ardent en faveur de la promotion des femmes.

Mais sa prestation entrera seulement dans la petite histoire des sommets de l’UA, car l’attention des délégués et des dirigeants s’est logiquement concentrée sur le brasier libyen, l’imbroglio burundais, le drame du Soudan du sud, le casse-tête centrafricain sans négliger les derniers développements de la lutte contre Boko Haram et sans oublier le suivi du déroulement de la Transition au Burkina faso. Ce relevé de situations illustre, on ne peut plus éloquemment, les fragilités, les contradictions et le caractère inabouti qui caractérisent encore la recherche de solutions africaines aux problèmes africains. Il illustre aussi une vérité élémentaire : le traitement d’un dossier complexe ne progressera jamais sans l’affirmation d’un vrai leadership national. Il suffit pour s’en convaincre de constater le revirement complet qu’a connu le combat contre Boko Haram depuis l’entrée en fonction du président Buhari.

ASSÈCHER LES FINANCEMENTS. En quelques jours et en alignant sans désemparer des actes à la forte symbolique, le président nigérian a mis fin aux atermoiements et aux postures illogiques qui avaient amené son pays au bord de l’humiliation face aux fanatiques de la secte. En installant un nouveau centre de commandement militaire à Maiduguri, c’est-à-dire au cœur de la zone de conflits, il signifiait que toutes les remarques désobligeantes qui avaient entouré le comportement des troupes nigérianes n’auraient désormais plus cours. En se rendant personnellement au Tchad et au Niger pour remercier ces deux pays pour leur implication dans la lutte contre la secte, il mettait fin à l’attitude inexplicablement ombrageuse que les précédentes autorités avaient opposée aux interventions nigériennes et tchadiennes. En accélérant la collaboration entre les états-majors des armées impliquées dans la force multinationale mixte, il mettait sur les rails l’intégration véritable qui avait fait tant défaut dans les opérations militaires. Et en allant quêter sans complexes au G7 de Berlin une coopération accrue des pays occidentaux, il tournait la page des polémiques absurdes qui avaient notamment amené le Nigéria à bloquer l’appui des Etats-Unis.
Les décisions prises par le président Buhari laissent désormais entrevoir que sera contenue dans un premier temps la gangrène terroriste. Car le nouvel homme fort du Nigéria met en avant d’autres vraies questions sur l’origine des moyens conséquents que déploie l’ennemi et sur la nécessité d’assécher les sources de financement des terroristes. C’est pourquoi, il a rejeté l’idée émise par un gouverneur d’une amnistie en faveur de prétendus repentis, soucieux de faire oublier les relations ambiguës qu’ils avaient entretenues avec la secte à un moment où cette dernière paraissait en pleine ascension.
L’exemple Buhari présente une autre utilité. Il montre a contrario qu’en l’absence d’un interlocuteur national fort, les interventions extérieures pour la résolution d’une situation de crise tournent à vide. Rien ne remplace en effet la présence d’un vrai preneur de décisions qui, à défaut d’être vraiment charismatique, possède l’envergure, l’autorité morale et l’influence suffisantes pour exercer une vraie emprise sur les événements. L’absence en Centrafrique d’un tel profil explique pourquoi le drame déjà terrible de ce pays est compliqué par l’évidente erreur de casting que représente la présidente Catherine Samba Penza.
En tant que chef d’Etat de la Transition, cette dernière pose en apparence tous les actes indispensables à une accalmie provisoire, le temps que les élections fassent émerger un pouvoir légitime et qui travaillerait dans la durée. Mais elle le fait de manière extrêmement maladroite, très peu élaborée, en se livrant à un étrange jeu d’intrigues dans lequel elle abandonne chaque jour un peu plus de sa crédibilité. Toutes les initiatives du pouvoir ressemblent à une triste pantomime qui n’illusionne que ceux qui s’y adonnent. La dernière preuve du peu d’effet des actions du pouvoir centrafricain actuel a été infligée par les troubles qui se sont immédiatement déclenchés à la clôture du Forum de Bangui pour la réconciliation, un forum qui était pourtant supposé avoir été un exercice décisif en faveur du rapprochement des protagonistes. Mais rien de cela ne perturbe vraiment la présidente qui s’est présentée au sommet de Johannesburg pour demander un énième appui financier en faveur de son pays. Catherine Samba Penza a annoncé dans la métropole sud-africaine la énième nouvelle date pour les élections (fin 2015 cette fois-ci) sans donner toutefois l’assurance catégorique que le délai serait tenu.
Français impeccable, élocution soignée, Catherine Samba Penza continue de jouer le personnage que lui avait façonné la communauté internationale en l’intronisant, celui d’une personnalité pragmatique et au-dessus de la mêlée. Mais la confirmation de sa totale absence de maitrise des affaires de l’Etat et sa perte presque totale d’influence ont épuisé son crédit auprès des plus indulgents de ses interlocuteurs. Et le sort de la République centrafricaine après avoir mobilisé l’opinion internationale suscite désormais une indifférence agacée. Ce quasi dédain ne guette pas dans l’immédiat la Libye et le Burundi.
Surtout pas le premier où le triomphe de l’Etat islamique, qui accumule ces dernières semaines des victoires importantes, installerait aux portes mêmes de l’Europe un péril aux développements imprévisibles. Mais la communauté internationale ne finira-t-elle pas à se résoudre à l’option d’une intervention militaire, même limitée au cas où les tentatives de rapprochement des frères ennemis libyens échoueraient ? Le président égyptien avait préconisé cette approche en fin d’année dernière. Il n’avait alors pas hésité à envoyer son aviation frapper certaines positions de Daech après que les terroristes eurent froidement exécuté 21 travailleurs égyptiens chrétiens.

UNE DONNE CONSIDÉRABLEMENT SIMPLIFIÉE. En Libye, également, les choses se compliquent du fait que les négociateurs n’ont pas devant eux des leaders identifiés, mais des interlocuteurs protéiformes, représentant deux parlements concurrents, celui de Tobrouk-Baïda reconnu par la communauté internationale et celui de Tripoli. Les orientations du premier sont d’autant plus difficiles à cerner que lui-même représente une improbable alliance regroupant des libéraux, des anti-islamistes et d’anciens khaddafistes. Le second, qui revendique une part prépondérante dans la chute de l’ancien Guide, se trouve sous la nette influence de groupes islamistes, ce qui explique la méfiance implicite à son égard des décideurs du Nord.
Ces derniers avaient un moment espéré que le retour à la stabilité se ferait sous la férule d’un homme à poigne, le général Khalifa Haftar. Celui-ci avait lancé en mai 2014 une campagne baptisée « Dignité » et avait réussi à fédérer autour de lui plusieurs unités de l’armée libyenne. Il s’était à l’époque donné comme objectif principal la libération de la ville de Benghazi tenue par les islamistes de Ansar Acharia et qu’il considérait comme un repaire de terroristes. Mais l’échec des opérations lancées a singulièrement terni l’aura du général. Si bien qu’après avoir, par intermittence, occupé l’avant-scène, l’officier a perdu son statut de personnalité incontournable dans toute solution à la crise libyenne. Mais s’il avait réussi à assumer le rôle qu’il s’était donné, la donne aurait été considérablement simplifiée entre les parties aujourd’hui en négociations.
Pour le Burundi, on sent la communauté internationale depuis un certain temps tentée par une solution de compromis qui serait celle du moindre risque. Cette solution consisterait à faire reculer l’ensemble des élections prévues, à parvenir à réduire sensiblement la tension actuelle, à promouvoir un candidat susceptible de battre Pierre Ngurunziza et à encadrer des consultations suffisamment sincères pour que les résultats en soient acceptés. Mais où trouver l’oiseau rare qui convaincrait l’opposition et la société civile qu’avec lui il est possible de battre le président sortant à son propre jeu et donc d’abandonner le bras de fer dans lequel les opposants ont subi de lourdes pertes sans que le pouvoir ne donne l’impression de faiblir ? Les « anti troisième mandat » constituent aujourd’hui une nébuleuse de laquelle ne ressort aucune personnalité fédératrice. Ni parmi les anciens chefs d’Etat qui ont pourtant fermement exprimé leur désapprobation de la méthode Ngurunziza, ni au sein des meneurs de la contestation dans la rue.
Les opposants burundais ne souffrent donc pas d’un manque de détermination ou de vision, mais de l’absence d’un chef. Cela explique pourquoi ils ont eu autant de mal à faire adopter leurs priorités par Saïd Djinnit, désigné facilitateur des Nations unies dans la crise burundaise. Le diplomate algérien avait concentré ses efforts dans une négociation sur une réduction de la brutalité de la répression. Alors que les contestataires souhaitaient qu’il prenne à bras le corps les questions qu’eux-mêmes avaient qualifiées de « préalables » : la libération des manifestants arrêtés, l’annulation des mandats d’arrêt lancés contre les dirigeants des mouvements de contestation, la réouverture des radios et télés privées. Le facilitateur, dont le départ pour attitude partiale a été demandé et obtenu par les contestataires, aurait-il eu une attitude plus incisive à l’égard des autorités en place s’il avait été talonné par une personnalité de poids qui aurait été le visage de la contestation ?
A notre avis, certainement. Car tout combat politique gagne à se personnifier dans des leaders, ou à défaut, dans des meneurs. Surtout à une époque où l’amplification médiatique est indispensable pour faire triompher une cause et où cette amplification ne peut être portée que par une personnalité emblématique. L’opposition burundaise, privée d’un véritable porte-étendard capable de mettre une pression continue sur les décideurs de la communauté internationale, voit désormais se développer à sa grande frustration le scénario de l’acceptation de la candidature du président Ngurunziza et de l’imposition d’un « dialogue politique » dont les partisans se gardent bien de préciser les enjeux exacts tout comme ils sont incapable d’en pronostiquer le dénouement. Cette faiblesse de leadership qui handicape si fort les opposants de Ngurunziza, le Burkina faso a su l’éviter en se donnant un chef d’Etat de la Transition pondéré et expérimenté.

UNE CERTAINE MORGUE RETROUVÉE. Le président Kafando ne cultive pas la flamboyance, à la différence de nombreux dirigeants de la société civile et de certains leaders politiques qui se trouvent déjà dans les starting blocks. Mais son tempérament est certainement celui qu’il fallait pour imposer un esprit de mesure dans le déroulement de la Transition. Il ne faut pas en effet oublier que le changement au Faso s’était fait dans un bouillonnement extraordinaire qui a laissé s’exprimer pendant plusieurs jours les excès nés de rancoeurs refoulées. Ces mêmes rancoeurs ont ensuite incité certaines composantes des forces victorieuses à souhaiter que table rase soit entièrement faite du passé. En commençant par l’exclusion de la vie publique de toutes personnalités qui auraient frayé étroitement avec le régime Compaoré. Fort heureusement, les nouvelles autorités ont su se garder de la chasse aux sorcières et des purges qui, imprudemment lancées dans d’autres pays, se sont révélées à terme profondément déstabilisatrices.
Elles ont adopté une ligne de conduite qui reste jusqu’aujourd’hui encore délicate à tenir. Puisqu’elles gèrent tout à la fois l’impatience des acteurs du changement qui s’alarment de la persistance des mécanismes du système Compaoré et une certaine morgue retrouvée des tenants de l’ancien régime, persuadés que le Congrès pour la démocratie et le progrès reste dominant dans le pays profond (récemment le nouveau président Eddie Komboïgo ne s’était- il pas triomphalement écrié « CDP is back ! Le CDP est de retour ! »). La reconversion du très controversé Régiment de la sécurité présidentielle et les dispositions de la nouvelle loi électorale symbolisent bien les compromis intelligents que s’efforcent de construire les responsables de la Transition. Le Régiment fort de 1300 éléments d’élite ne sera pas dissous, mais affecté à une autre fonction que celle de garde prétorienne. Les futures élections n’excluront pas tous les barons de l’ancien régime, mais uniquement ceux qui dans les périodes critiques auraient activement soutenu le projet de modification constitutionnelle. La responsabilité de gérer le distinguo entre les deux notions reviendra à la Cour constitutionnelle.
Le Faso a donc tracé sa voie sans laisser d’espace d’ingérence au Groupe de contact international sur le suivi de la transition au Burkina faso, créé auprès de l’Union africaine. Ses responsables écoutent et enregistrent les remarques extérieures. Mais ne dévient guère du résultat de leur réflexion et de leur décision. Pour paraphraser La Fontaine, ils en font à leur tête, et font bien. La preuve, alors que la Centrafrique tire toujours la langue pour financer ses élections auxquelles personne ne croit, Le Faso a s’est vu assuré par l’Union africaine, l’UEMOA et la CEDEAO l’apport des 20 millions de dollars qui lui manquaient pour les consultations du 11 octobre prochain. Ainsi se fait la différence entre un vrai leadership et une création hasardeuse.
G. DRABO

source : L’Essor

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