Le retour définitif de la paix dans notre pays est une exigence. Les femmes ne doivent pas croiser les bras. Dans le contexte actuel, peu de Maliennes peuvent expliquer l’enjeu de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale. Cette lacune doit être corrigée pour mettre les Maliennes au service de la paix et la réconciliation nationale dans notre pays.
La crise politico sécuritaire a éclaté au Nord du pays en 2012 du fait de l’invasion des hordes djihadistes. Elles ont remplacé, pendant un moment, l’autorité de l’Etat malien par un nouvel ordre islamique. Cette insécurité sera canalisée après les élections présidentielles et législatives par l’Accord de paix , issu du processus d’Alger, signé en mai 2015. Mais, la crise touche présentement le Centre du pays avec une coloration ethnique. Les spécialistes parlent de crise intercommunautaire. Cette nouvelle donne fait de nos jours beaucoup de victimes dans les populations civiles. Pour y faire face l’union sacrée du peuple est sollicitée et souhaitée. Les Maliens, toutes catégories confondues, devront contribuer à une sortie rapide de crise. Comme dans chaque processus de gestion du pays, les femmes doivent être impliquées pour jouer leur rôle inné de médiatrices. En effet, les femmes jouent un rôle crucial dans la société malienne. Et les statistiques prouvent qu’elles ont un poids important.
Lorsque les femmes sont bien informées sur le processus de paix, les enfants seront bien informés, de même que les chefs de famille. Les Maliennes sont les portes d’entrée dans les foyers. Elles sont le rempart de la communauté et du pays. Cependant malgré la volonté politique, les textes internationaux comme la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies (R1325 CSNU) sur les femmes, la paix et la sécurité, force est de reconnaître la faible implication des Maliennes dans le processus de paix dans notre pays. Et pourtant depuis des siècles, à travers les us et coutumes, le rôle dévolu à la femme dans nos foyers, quartiers, villages est de renforcer les liens de parenté et de solidarité entre les personnes d’une même famille et d’une même communauté. L’autochtone de Ségou, Mme Kané Ramatoulaye Koné est convaincue que le rôle traditionnel dévolu aux femmes est de valoriser les rapports sociaux.
Elles contribuent ainsi à la résolution des conflits. Il y a exigence d’impliquer davantage les Maliennes dans cette longue et difficile recherche de la paix et de sa consolidation dans notre pays. « Pourquoi ce pays qui connaît aujourd’hui la plus grave crise de son histoire, ne fait-il pas appel à ce génie d’apaisement, pour la gestion des conflits intercommunautaires ? », intérroge Mme Kané le regard pensif. Comme pour se convaincre elle-même, notre interlocutrice murmure : « la femme symbole de la paix est toujours la première personne dont la mission est d’asseoir la paix dans sa famille. Il est temps que les autorités sortent des discours politiques creux. Elles doivent revenir à nos valeurs ancestrales qui permettent aux femmes, dans l’anonymat strict, d’user de toutes les ficelles pour stabiliser le pays. Que chaque femme parle à son mari, frère et fils pour initier un dialogue intercommunautaire franc. Le résultat sera immédiat : nous ne parlerons plus de cette crise qui secoue le Centre », affirme Mme Kané avec assurance, en remuant son cure-dent traditionnel dans sa bouche pour que ses paroles restent pures. La vieille dame, visiblement ancrée dans la tradition, explique qu’il revient aux décideurs de mieux impliquer les femmes, de leur faire confiance pour jouer leur rôle naturel de médiation. L’histoire de notre pays regorge d’exemples de difficiles médiations de paix réussies par de discrètes épouses. Combien de légendes, de contes, des chansons célèbrent la gloire des femmes diplomates des dizaines de communautés qui peuplent le Mali? Le rôle indispensable des femmes dans la gestion pacifique d’une crise est la clé de voûte de toutes les ethnies de ce pays. « Avant dans nos villages, les chefs de familles se réunissaient sous l’arbre à palabre. Quand les idées se contredisaient et que les esprits s’échauffaient, le sage doyen d’âge prenait la décision de suspendre les débats. Il faisait prévaloir l’argument selon lequel, »la nuit porte conseil ». Avant le lever du soleil, le problème est soumis aux femmes. Elles proposent d’autres pistes de solution pour élucider le problème. Le lendemain, comme par miracle, une solution consensuelle était trouvée ». Mme Kané Ramatoulaye Koné invite les hommes à revenir à « cette école » pour faire face à la nouvelle crise inter communautaire qui disloque le Centre du pays.
Pour quelles raisons l’intermédiation du leadership féminin n’a pas été activée et mise en œuvre ? Pour Mme Diarra Aïssata, la volonté politique n’est pas soutenue par des actions concrètes à l’endroit des femmes pour focaliser les efforts de mobilisation autour de la sécurisation et de la stabilisation du pays. L’heure n’est plus à la relégation des femmes au second plan dans la quête d’une solution pérenne de sortie de crise. Et cela depuis l’entame des pourparlers inter-maliens.
« La femme est incontournable dans le processus de paix. Il faut donc nous mettre au cœur des actions», insiste Mme Diarra. La mise en œuvre de la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies (R1325 CSNU) sur les femmes, la paix et la sécurité, aidera à promouvoir la participation des femmes à la résolution des conflits et à la consolidation de la paix.
Des instruments et des politiques juridiques propres au Mali existent. Ils sont aptes à promouvoir le rôle des femmes dans le cadre du processus de paix et au sein de l’État malien. Dans ce dessein, les femmes doivent être formées et sensibilisées pour s’approprier le contenu de l’Accord de paix, issu du processus d’Alger.
L’ancienne directrice régionale de la promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille de Ségou à la retraite, Mme Sissao Alima Tandia, estime que la matérialisation de la paix requiert la pleine participation des femmes. Elle soutient : « La femme est un agent de transformation sociale. Elle est capable de mettre en marche de nouvelles dynamiques pour éradiquer les causes profondes des conflits. Elles sont les sentinelles de prévention des conflits et les digues de consolidation de la paix à long terme ». La mission actuelle des autorités est d’offrir un espace nécessaire aux femmes pour réfléchir et dialoguer sur les besoins de paix au Mali.
Mariam A. Traoré
AMAP-Ségou
Source: L’ Essor