Depuis le départ D’IBK, tous les problèmes du Mali se résument à des questions de place ou des théories de qui est compétent ou non. C’est dire que nous avons perdu notre essence de droit d’êtres Maliens.
Notre système est miné de telle sorte que personne ne voudrait plus assumer la responsabilité de mettre le doigt sur les causes réelles qui ont engendré la dislocation du Mali. Ce n’est nullement une déception générale, c’est une démission totale face à nos responsabilités d’être Maliens. La France emploie les mêmes techniques, qu’elle a toujours utilisées pour maintenir la division à tous les niveaux. Elle joue le rôle du diable en mettant notre État sous tutelle, forme ceux qu’elle juge dignes de nous diriger, occasionne la corruption institutionnalisée à travers l’implication de ses agents qui ont infiltré toutes les institutions de la république. Aucun homme politique, aucun militaire, aucune autorité morale, ne peut toucher les responsabilités de la France.
À écouter nos grands spécialistes en matière de spéculation, cela donne de la nausée à cause de leur malhonnêteté intellectuelle dans l’analyse. Ceux qui sont mûrs dans la fabrication du mensonge évoquent sans honte ni gêne que nous jouons à la victimisation pour réduire les débats sur la France, si ce n’est de parler de l’aide de la France. La France contrôle nos institutions politiques, elle contrôle notre économie, elle contrôle notre armée, elle contrôle nos destins, parce que personne parmi nos sorciers ne peut s’en sortir sans la bénédiction de cette France, et elle nous tacle en disant que nous ne valons rien et que nous sommes incapables de nous aider nous-mêmes.
Le Malien est devenu un zombie à qui on a appris à faire semblant et fermer les yeux quand il est nécessaire. Il suffit de parler de la France pour être qualifié d’ennemi du Mali et être exclu. Et pourtant, c’est la même France qui a disloqué la Libye, armé les rebelles contre l’État malien, contrôle les réseaux terroristes sur le sol malien et dans le Sahel, nous impose des accords de défense et de paix pour maintenir la configuration telle qu’elle la souhaite. Et pourtant, c’est la même France qui joue le juge et le sauveur dans un Mali meurtri par des années de guerre. Elle nous a aidés à cesser de croire en nous-mêmes, individuellement et collectivement.
Notre société est divisée en deux strates : ceux d’en bas qui se préparent pour casser la gueule de ceux d’en haut à cause des foutus privilèges pour semer la frustration. Et ceux d’en haut qui voient ceux d’en bas comme des misérables qui doivent rester dans leur condition misérable. Ainsi, chacun ne pense qu’à lui-même. Si vous avez l’occasion de discuter avec ceux qui sont considérés comme des modèles dans notre société ; si vous poussez la réflexion avec eux à un certain niveau, ils vous diront : cherche les moyens de t’en sortir d’abord. Ils essaieront de vous convaincre qu’en réalité, il est inutile de tenter de jouer le héros en voulant sauver votre pays. Parce que personne ne peut parler de la France et espérer s’en sortir. Même les médias français parlent de temps à autre de l’implication criminelle de la France au Mali, là où aucun de nos médias ne donne ni le temps, ni l’accès à quiconque voudrait parler de la France.
Nous le savons tous, et aujourd’hui, on n’a même pas besoin d’être un grand analyste ou autre pour voir la tragédie de l’occupation. Ceux qui sont sans arguments disent que c’est de la haine contre la France et de la propagande contre la France. Et pourtant si nous regardons la situation sans passion, nous verrons tout de suite que la vie humaine n’a aucune valeur au Mali. Nous verrons que la misère sociale ne dérange personne au Mali. Nous verrons aussi que tout cela n’a rien servi si ce n’est de ramener les uns et les autres sur les voies suicidaires que nous soutenons pour le Mali.
Que la situation reste telle qu’elle et que nous parvenons à créer une petite minorité de voyous complexés et opportunistes, arrange mieux que de se pencher sur la question de ces millions de maliens qui souffrent toutes les peines d’ici-bas sur leur propre sol. Les concertations nationales sont des preuves qui montrent à quel point nous sommes coupés de nous-mêmes et de l’essentiel. Il faut faire semblant, toujours faire semblant pour espérer des avantages. Et cela nous conduira inévitablement dans un enfer d’ici-bas. À un moment donné, il faut savoir s’arrêter et penser un peu.
Touré Abdoul Karim
Source: ledemocratre Mali