Le Premier ministre de transition, Dr Choguel Kokalla Maïga, a rencontré le corps diplomatique accrédité au Mali jeudi dernier (9 septembre 2021). Selon ses communicants, il s’agissait surtout de rassurer les diplomates sur l’engagement de son équipe à travailler sur tous les fronts (de la sécurité, du climat social, de la refondation de l’État, de la lutte contre la corruption et l’impunité) pour concrétiser le changement promis aux Maliens.
Pour la circonstance, il a soutenu que le Plan d’action du gouvernement (PAG), structuré autour de quatre axes majeurs, se veut une réponse urgente, courageuse et cohérente aux défis économique, sécuritaire, politique, social, institutionnel qui affectent notre pays. Des défis qui menacent l’existence du Mali tout en minant sa cohésion sociale et le vivre ensemble. «Depuis sa composition (le 11 juin 2021), le gouvernement s’est attelé à calmer le climat social afin de créer les conditions d’une transition apaisée», a déclaré Dr Choguel Kokalla Maïga.
Le hic, c’est que les Maliens ne sentent pas encore cet engagement du PM et de son équipe à les soulager des difficultés de la vie quotidienne et à résolument amorcer les réformes souhaitées par la majorité de ces concitoyens. Depuis sa nomination le 7 juin 2021, si Choguel a réussi à convaincre des syndicats de lever leur mot d’ordre de grève, il est clair que le coût de la vie n’est plus supportable pour les ménages du pays. Et ce n’est pas le Front populaire contre la vie chère (FPCVC) qui va dire le contraire après avoir manifesté le 2 septembre en réclamant la baisse des prix des denrées de première nécessité au Mali
Le but du rassemblement était, selon les organisateurs, non seulement de dénoncer l’indifférence des autorités nationales par rapport à la cherté de la vie, et de demander la baisse de tous les produits alimentaires (riz, maïs, viande, sucre, lait…). En effet, malgré la signature d’un protocole d’accord entre les bouchers et le gouvernement, le prix de la viande est passé de 2 200 à 3000 F Cfa le kilogramme.
Et cela parce que le gouvernement n’aurait pas tenu les engagements pris vis-à-vis des bouchers. «L’Etat n’a pas respecté ses engagements dans le paiement intégral des subventions accordées aux bouchers pour ramener le prix du kg de viande de 3 000 de FCFA à 2 300 F Cfa», a déclaré Gaoussou Traoré, secrétaire général du syndicat des bouchers de la rive gauche de Bamako, lors d’une conférence de presse animée le dimanche 29 août 2021 pour expliquer leur déboire avec l’Etat. Les bouchers continuent de réclamer à l’Etat un reliquat de plus de 200 millions de F Cfa.
D’après Gaoussou Traoré, pour faire baisser le prix du kilogramme de la viande de 3 000 F Cfa à 2 300 F Cfa, le gouvernement avait négocié avec les bouchers en leur accordant une subvention de 45 000 F Cfa par tête de bœuf abattu par jour. Le contrat devait durer deux mois. Et le paiement des subventions devait se faire chaque semaine. Mais à leur surprise générale, l’Etat n’a pas respecté ses engagements. Au lieu de 2 mois, les bouchers n’ont travaillé que 15 jours. Et sur ces 15 jours, l’Etat n’a payé que 10 jours.
La viande est un luxe pour ceux qui ne peuvent même pas payer le riz (importé) parce que le kilogramme est passé de 350 F à 400 F Cfa. A cela s’ajoute la cherté du sucre qui est passé de 500 à 550 F Cfa le kilogramme. Le sac de 100 kilogrammes de maïs est allé jusqu’à 23 000 F CFA. Le riz, le maïs, le mil, l’huile, la viande, le pain, le lait en poudre… sont hors de portée des revenus d’un nombre inimaginable de ménages au Mali.
Cette flambée des prix n’interpelle-t-elle pas les gouvernants et les hommes politiques ? S’interrogent les responsables du Front populaire contre la vie chère. «En tout cas, aujourd’hui les Maliens souffrent beaucoup à cause de la hausse des prix des aliments», a martelé une ménagère lors de la marche de protestation du 2 septembre dernier. «Choguel continue à rencontrer les couches sociopolitiques pour leur raconter sa vie et pour les convaincre de le suivre dans son initiative controversée d’Assises nationales de la refondation. C’est ce qui lui tient à cœur en réalité et non le calvaire quotidien des Maliens», a déploré un autre marcheur.
«Il faut rendre au Mali sa souveraineté alimentaire en facilitant l’accès aux denrées de première nécessité. Il est inacceptable que les produits comme l’huile soient un luxe pour les Maliens, car inaccessibles», a déclaré Mme Mariam Koné, la présidente du FPCVC Mariam Koné devant la grille de la primature. Malgré la faible mobilisation lors de ses manifestations, la courageuse et tenace consoeur est loin de baisser les bras dans son combat visant à contraindre le ministre du Commerce à s’assumer pour faire baisser les prix ou à défaut de démissionner purement et simplement.
Dans son show médiatique déguisé en audience ou en déplacements à l’intérieur du pays, Dr Choguel Kokalla Maïga est en train d’oublier progressivement ceux qu’ils prétendaient défendre dans la rue entre juin 2020 et juin 2021 : les Maliens ! S’il y a des interlocuteurs à défendre du bien fondé de sa politique et de l’efficacité des actions engagées (???), se sont ces pères et mères de famille qui ont du mal à faire bouillir la marmite chez eux à cause de la cherté de la vie.
A noter que, dans notre pays, les dépenses annuelles de consommation des ménages sont estimées à 3 809 milliards de francs F Cfa, dont 56,7% pour l’alimentation.
Kader Toé
Source: Le Matin