L’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), premier pourvoyeur d’aide humanitaire dans le monde, serait sur le point de fermer, selon Elon Musk. Une déclaration fracassante qui a immédiatement suscité des réactions en chaîne. Mais derrière l’effet de surprise, plusieurs questions émergent : cette annonce a-t-elle une réelle portée juridique ? Qui sont les gagnants et les perdants d’un éventuel retrait américain de l’aide au développement ?
À peine l’annonce d’Elon Musk faite, la Maison Blanche s’est empressée de rappeler que le multimilliardaire ne prend aucune décision sans son aval. L’USAID étant une agence fédérale, sa dissolution relèverait d’un processus institutionnel complexe et non d’un simple tweet. Pourtant, ce débat dépasse le cadre d’une déclaration intempestive. Il s’inscrit dans un contexte plus large où l’aide au développement américaine est de plus en plus contestée, aussi bien aux États-Unis que dans les pays bénéficiaires.
Un « jeu de dupes » enfin exposé ?
Pour certains observateurs, cette éventuelle disparition de l’USAID n’a rien d’une catastrophe, bien au contraire. Placide Bulaimu, PDG de GB Holding Company en République démocratique du Congo, ne cache pas son enthousiasme : « La fermeture de l’USAID est une très bonne décision, aussi bien pour les Américains que pour les Africains. Il était temps d’arrêter ce jeu de dupes qui consistait à donner aux Africains de l’eau de mer tout en faisant croire qu’il s’agissait d’un élixir. »
Le constat est partagé par Achille Mbembe, professeur d’histoire et de sciences politiques à l’université de Witwatersrand : « Le terme “aide au développement” relève d’une véritable escroquerie sémantique. On fait croire aux opinions publiques qu’il s’agit de financements gratuits accordés à des nations indigentes. Certes, des dons existent, mais le gros de ce que l’on appelle l’APD (Aide Publique au Développement) est constitué de crédits qui doivent être remboursés. »
Derrière la façade de la générosité, c’est donc une mécanique financière bien rodée qui se joue, où les nations bénéficiaires se retrouvent, au final, plus endettées que libérées.
Un réveil forcé pour les pays dépendants
Le débat prend une tournure encore plus concrète avec la réaction de Ousmane Sonko, Premier ministre du Sénégal. Confronté à la suspension d’un programme énergétique financé par les États-Unis, il insiste sur l’urgence de réduire la dépendance financière de son pays : « Plus de 500 millions de dollars d’un programme sur l’électricité ont été suspendus… Nous ne pouvons pas continuer à dépendre des fonds provenant de l’étranger. »
L’Afrique est-elle réellement prête à se passer de l’USAID ? Pour certains, cette rupture forcée pourrait être l’occasion d’un sursaut économique et stratégique. Pour d’autres, elle risque d’aggraver des vulnérabilités existantes, notamment dans des secteurs comme la santé, l’éducation ou l’agriculture, où l’USAID joue encore un rôle majeur.
L’annonce de la fermeture de l’USAID, bien que juridiquement incertaine, relance un vieux débat en Afrique. L’aide au développement est-elle un instrument d’émancipation ou un outil de domination ? Si certains pays voient cette rupture comme une opportunité de reconquête économique, d’autres, encore largement dépendants, risquent de payer le prix fort d’un retrait précipité des financements américains.
Chiencoro Diarra