Le Professeur Kahi Honoré, docteur en communication de l’université de Bouaké en Côte d’Ivoire, a porté l’enfant d’une étudiante sur son dos pour que celle-ci puisse suivre le cours. Mamadou Moussa Ba l’a interviewé.
BBC: Professeur Kahi, une jeune femme s’est rendue à des examens dans votre salle de cours, et comme son bébé pleurait, vous l’avez mis sur votre dos. Racontez-nous.
PK: La dame n’était pas sereine, elle n’était pas stable psychologiquement. J’ai vu qu’elle avait besoin d’aide, car je suis l’enseignant, et les enseignants sont des êtres humains, nous ne sommes pas des robots. Et ce sont des humains avec qui nous échangeons. Notre rôle est de fournir de l’enseignement, des informations, mais la pédagogie a évolué.
BBC: C’est la première fois qu’une telle chose se produit ?
PK: Oui.
BBC: Ça été viral sur les réseaux sociaux, qu’elle a été la réaction autour de vous ?
PK: J’ai été surpris d’une telle réaction, et les gens aussi, certains m’ont demandé de contacter l’étudiante pour retirer la photo, je leur ai dit non, je n’ai pas commis de crime, c’est une action sociale, humaine, donc je n’y vois pas d’inconvénient.
BBC: Quelle a été la réaction de la jeune femme quand vous avez pris l’enfant avec vous ?
PK: Je lui ai dit: est-ce que je peux vous aider? Elle m’a répondu: comment? Je lui ai dit: je peux porter votre enfant. Elle a dit: il n’y a pas de problème. La plupart des étudiants ont été surpris, ils ont ri, car c’est inhabituel, il y a toujours une distance entre les étudiants et les enseignants. C’était une première.
BBC: Comment le cours s’est ensuite déroulé? Elle a pu faire son examen?
PK: Le cours s’est déroulé normalement, car l’enfant a arrêté de pleurer, il s’est endormi sur mon dos et tout le monde a retrouvé son calme.
BBC: Qui a attaché l’enfant sur votre dos ?
PK: C’est moi-même, car c’est une habileté en Afrique, beaucoup d’Africains savent comment faire. Ça fait partie de nos habitudes, surtout dans les zones rurales.
BBC: On a habitude de voir les femmes porter les enfants, pas les hommes, comment vous êtes-vous débrouillé ?
PK: Ce sont des choses que je connais, j’ai observé les femmes, en fait les hommes sont capables de faire certaines choses, en général ce sont les représentations sociales qui les empêchent de les faire. Ici ce qui prévaut c’est ce qu’on peut appeler du chauvinisme masculin. La société balise les hommes, les empêche de faire certaines choses. Mais les hommes africains sont capables de faire beaucoup de choses.
BBC: Avez-vous un message à l’endroit des jeunes mères qui ne peuvent pas aller à l’école pour diverses raisons, notamment à cause de leur maternité?
PK: Je vais vous faire deux citations: “ce n’est pas parce que les choses sont impossibles que nous n’osons pas. C’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont impossibles.” C’est parce que dans notre environnement, on se laisse décourager par le regard d’autrui.
Et l’autre est une citation pour les jeunes mères: “Il existe des crépuscules qui sont plus beaux que des aurores, il suffit d’y croire”. Donc il ne faut pas se laisser coincer dans une situation sociale nouvelle qui se présente. Pour résumer, il faut que ces jeunes mamans fassent preuve de persévérance et d’optimisme, il faut qu’elles aient ce que les Anglais appellent le fighting spirit. Fighting est le sens de la vie, car la vie n’est pas facile.
Source: BBC Afrique