Le Focus : Dans un contexte marqué par la montée des nationalismes et sur une question aussi complexe que la migration, l’idée d’une position commune à l’échelle mondiale est-elle réaliste et viable ?
Ana Fonseca : Le texte du Pacte mondial, qui vient d’être adopté à Marrakech, est le résultat de cette position commune. Il y a eu tout un processus de consultations nationales pour définir les chapitres thématiques du Pacte qui couvrent les différents sujets qui ont trait à la migration, à la fois pour les pays d’origine, de transit et de destination. Ce processus a été mené dans l’esprit d’aboutir à un dénominateur commun. Le fait qu’il y ait un texte qui va être adopté traduit la volonté de nombreux États pour que ce texte existe et dure. De leur côté, les Nations unies ont même déjà travaillé sur l’après pacte mondial, en accordant notamment un rôle à l’OIM pour faciliter ce travail et le mettre en œuvre.
Le Focus : Autriche, Australie, Bulgarie, Etats-Unis, Hongrie, Italie, Israël, Pologne, République tchèque… Plusieurs pays ont annoncé qu’ils ne s’associeraient pas au Pacte mondial. Quel est l’impact de ces retraits ?
A.F. : C’est un fait, tous les pays ne vont pas l’adopter. Au niveau pratique, il est un peu tôt pour dire quel pourrait être cet impact. Entre-temps, il y a tout un processus de communication. Le Pacte mondial est un instrument important, une base pour la gouvernance de la migration qui présente des avantages pour cette coopération internationale. Il est important de considérer la question migratoire comme un processus évolutif à plusieurs niveaux : politique nationale, coopération internationale… Il est possible que l’on arrive à un moment où des pays ne sont pas d’accord avec ce texte. Et pour le mettre en œuvre, chaque Etat considérera ses priorités et comment il voit les choses.
Le Focus : Des observateurs et acteurs de la société civile regrettent que ce pacte ne soit pas juridiquement contraignant pour les pays signataires. Comment le pacte sera-t-il appliqué pour aller au-delà des bonnes intentions?
A.F. : Le pacte est ce qu’il a planifié d’être, il ne s’agit pas d’une convention ni d’un traité avec un poids juridique. Il est normal et légitime que les associations et la société civile aient des attentes vis-à-vis d’un document qui consolide des principes clés en matière de respect des droits de l’homme, mais qui ne remet pas en cause la souveraineté nationale. Au niveau juridique, ce que l’OIM peut dire, c’est qu’on a aujourd’hui différents instrument juridiques internationaux qui couvrent le contexte migratoire et les droits de l’homme: convention des droits de l’homme, celle des droits de l’enfants, des travailleurs migrants… Le pacte mondial a accordé un espace énorme pendant un an et plus, pour mener des réflexions nationales et voir comment ces mobilités vont être intégrées. Au Maroc, nous avons mené des consultations nationales avec le ministère chargé des migrations, en incluant les autres ministères, les acteurs non étatiques, la société civile, les académiques, les associations, les personnes actives sur le terrain… Le grand objectif des prochaines années, et c’est l’esprit même de notre travail, est d’aider au niveau technique, pratique et direct à inclure la mobilité à ce cadre de travail. L’après pacte mondial va continuer dans cet esprit-là.
S.I. K.
Le Focus