Ces derniers temps, Bamako a vu surgir de nouveaux moyens de transport. Il s’agit des motos taxis qui inondent actuellement toute la capitale. Ayant poussé comme des champignons un peu partout et surtout dans le désordre, ces motocyclistes taxis ou alors ces motos-taximen, selon nos enquêtes, portent un coup terrible au marché des conducteurs de taxis-voitures. Quoi de plus normal, pour que les conducteurs de ces deux moyens de transport se regardent désormais en chien de faïence. C’est du moins ce qui ressort de notre enquête sur le sujet.
Il y a trois ans, Bamako ne connaissait que les Sotramas, les taxis et les bus urbains. Si les taxis peuvent se rendre jusqu’à la porte du client, pour les Sotramas et les bus urbains, ce n’est pas le cas. Par contre, leurs itinéraires sont bien connus par tous les habitués. Aujourd’hui, l’autre moyen de transport qui s’est rapidement frayé un chemin et qui veut aussi coûte-que-coûte, s’imposer, s’appelle : moto taxi. Certes, il y a des sociétés de transport par moto disposant d’un agrément octroyé par les autorités compétentes, mais dans la circulation, l’on note aussi des individus qui ont décidé de faire de leurs propres motos des taxis.
A ce niveau, l’on trouve toutes sortes de motos dont la plupart sont conduites par des jeunes très souvent en chômage. Ce qui fait que l’on voit à longueur de journée des motos Jakarta portant seulement la mention ‘’Moto Taxi’’ sans immatriculation, ni adresse du conducteur. Ce qui augmente le risque d’insécurité. Parce qu’en cas de perte, le client n’a aucun lieu où il peut se plaindre. L’argument de ces nouveaux taximen est tout trouvé : « Je suis en chômage, c’est pourquoi j’ai transformé ma moto en taxi pour pouvoir subvenir à mes besoins quotidiens.»
Si la venue de ces motos taxis est une aubaine de plus pour ceux qui se déplacent par les transports en commun, c’est certainement un cauchemar de plus pour les chauffeurs des taxis classiques dont le marché était déjà assez difficile. Une concurrence venue de nulle part qui crée désormais de la rivalité entre les conducteurs de ces deux moyens de transport.
Des raisons multiples !
Les raisons de cette rivalité entre ces deux catégories sont toutes simples. Pour les chauffeurs des taxis-voitures, les motocyclistes ont mis du désordre dans le marché du transport en sabotant les tarifs standards des différents moyens de transport qui étaient connus de tous.
Bakary Samaké est taximan aguerri avec environ dix ans d’expériences. Pour lui, le marché actuel est devenu tout simplement une pourriture. « En tant que conducteur, j’ai connu des hauts et des bas et cela est propre à toutes les activités humaines. Mais, je n’avais jamais vécu ce que je vis actuellement. En 2020, vous avez tous vu ce qui s’est passé avec la pandémie du coronavirus et en milieu d’année 2020, les motos ont envahi le marché des transports publics. Cela, à mon avis, est plus toxique que la COVID-19 pour nous les taximen. C’est vrai, chacun cherche son gain, mais il faut penser à l’équilibre du marché. Nous, nous sommes tenus de payer les recettes journalières, les policiers nous fatiguent aussi à longueur de journée pour des contrôles de tous genres, mais ces gens-là (motos taxis), qu’est-ce qu’ils payent ? Rien du tout, en tout cas pour l’instant. Donc, ils se permettent d’accepter n’importe quelle somme juste pour sauver leur journée. Mais ce qu’ils oublient, c’est qu’ils contribuent à déséquilibrer le marché pour tous les autres transporteurs. Sincèrement, je ne peux pas les aimer parce que leur pratique ne me plaît pas »,nous confie-t-il.
« Ils ne nous aiment pas »
Chez les conducteurs de motos-taxis, la méfiance est de taille vis-à-vis des taximen. Djatourou Coulibaly, conducteur de moto-taxi, nous raconte : « Je suis un conducteur de moto-taxi et je peux dire que je ne me plains pas trop en ce qui concerne le marché. Je me débrouille bien même s’il faut reconnaître qu’il y a de l’anarchie un peu partout. Par ailleurs, nous sommes vraiment vus comme une malédiction aux yeux des chauffeurs de taxis-voitures. Ils ne nous aiment pas du tout. Souvent, ils font exprès pour vous agresser en pleine circulation. J’ai failli me faire renverser deux fois par certains d’entre eux. Nous subissons des intimidations au cours de la journée et c’est très inquiétant. Vous savez, si ces taximen décident de provoquer un accident, ils en sont tout à fait capables, sans que les gens ne se rendent compte qu’ils l’ont fait sciemment. »
Par ailleurs le jeune transporteur reconnaît qu’il y a du désordre dans le secteur. « Il faut aussi le dire, il y a vraiment du désordre dans le milieu. Moi personnellement, je travaille pour moi-même ça veut dire que je ne suis pas affilié à une agence ou société de transports. Mais ma moto répond à la norme des motos pour le transport en commun. Tel n’est pas le cas pour plusieurs d’entres nous. Vous verrez d’autres motos comme des Jakarta qui sont transformées en taxis, ce qui n’est pas normal », estime-t-il.
Moto-taxi, un moyen rapide mais dangereux !
Certes les motos-taxis offrent un service rapide aux clients, mais les risques d’accident n’en demeurent pas moindres et le besoin de formation des conducteurs au code de la route demeure également crucial. Selon Aïchata Sow, une cliente, les motos-taxis sont des poisons délicieux. « Au début, j’étais une adepte des motos-taxis. Elles sont rapides, moins chères et les conducteurs sont respectueux, mais souvent ça vous expose à des accidents graves. J’en ai été victime, un moto-taximan a fait un choc avec moi et s’est même un peu blessé. Je connais aussi une autre camarade qui a vécu la même chose ; elle a failli se faire casser les pieds, mais bien heureusement, elle a fini par une égratignure à la jambe droite », témoigne-t-elle.
Toutefois, Aïchata Sow estime que les motos-taxis ne doivent pas pouvoir rivaliser avec ce qu’elle appelle les vrais taxis (taxis-voitures). « Je pense que les motos ont leurs limites. Elles ne peuvent et doivent pas prendre deux personnes à la fois. Alors que les vrais taxis prennent au moins quatre (04) personnes à la fois avec un peu de bagage aussi. Donc, je pense que les motos ont leurs limites et qu’elles ne peuvent pas du tout prendre la place des vrais taxis »,ajoute-t-elle.
Entre-temps, le secteur continue d’enregistrer de nouveaux conducteurs de motos-taxis, toute chose qui agasse davantage les autres transporteurs.
Amadou Kodio
Source : Ziré