Suite au découpage administratif de 1998, le village de Dangassa, une localité située à 82 km de Bamako dans le cercle de Kati, est de nos jours coupé du monde sur le plan administratif. Les populations de cette localité ne se sont pas reconnues dans ce découpage et se sont même sentis trahies par les autorités lorsque celles-ci ont désigné le village de Niagadina (situé à environ 2 km de Dangassa) comme chef-lieu de leur commune, au détriment de Dangassa. Depuis lors, pas d’état-civil ni de mariage encore moins d’élection communale dans le village de Dangassa, depuis une vingtaine d’années.
S’il y a aujourd’hui des communautés ou localités que le découpage administratif a mis dos à dos, c’est bien évidemment les villages de Dangassa et de Niagadina. Les deux villages, qui vivaient en parfaite harmonie depuis la nuit des temps, se regardent aujourd’hui en chiens de faïence, depuis l’érection de Niagadina comme chef-lieu de commune, au détriment de Dangassa. C’est pourquoi, depuis une vingtaine d’années, les populations de Dangassa ne cessent d’interpeler les plus hautes autorités sur le climat délétère et les conséquences de ce découpage administratif dans la zone.
Ainsi, le mardi 6 novembre, une forte délégation des ressortissants de Dangassa, constituée de Karim Camara, un entrepreneur et promoteur d’industrie, Sira Camara, des huissiers de justice…et hommes de médias, se sont rendus à Dangassa pour la énième assemblée générale sur la question. Une rencontre tenue dans la grande case du village autour du chef de village de Dangassa, Lassina Camara, qui avait à ses côtés ses conseillers, les représentants des chefs de villages voisins, notamment Flabougou, Kassamana et Sonkoroni qui soutiennent tous Dangassa dans sa démarche. Outre la population sortie en grand nombre, les représentants des jeunes et des femmes ont pris part à cette rencontre.
Les raisons du refus de Dangassa
“Ainsi, après 20 ans d’exclusion, d’oubli, nous pensons qu’avec le découpage administratif en vue, le temps est venu pour l’administration de corriger son erreur en érigeant Dangassa en commune.
Bien avant le processus de découpage, il était établi que notre village fût désigné comme chef-lieu de commune. Mais, à notre grande surprise, l’administration a choisi Niagadina. Toute chose qui est inadmissible et incompréhensible et qui heurte la conscience de tout digne fils de notre village. Nous ne pouvons pas reconnaitre Niagadina comme chef-lieu de commune pour la simple raison que c’est avec notre autorisation et notre bénédiction que ce village a été créé. Cela est connu de tout le monde. D’ailleurs, ce sont les populations de Dangassa qui ont donné le nom “Niagadina” qui signifie on vous a à l’œil” rappelle le conseiller du chef de village. A l’en croire, cela a été une erreur monumentale de l’administration de ne pas tenir compte de l’historique et des réalités sociales et culturelles de la zone, avant de procéder au découpage administratif.
Pour le chef de village de Dangassa, Lassina Camara, sa localité répond parfaitement à tous les critères exigés afin qu’elle soit érigée en commune. “Nous avons une population de plus de 11 000 habitants, un centre de santé communautaire, une grande école, un marché et le soutien de beaucoup de villages environnants.
Ce n’est pas tout, en érigeant Dangassa en commune, cela peut booster l’économie de la localité sur le plan culturel, d’autant plus que le village, qui a plus de 800 siècles d’existence, est connu comme le berceau de tous les Camara qui se trouvent aujourd’hui dans le monde” a soutenu le chef de village.
Pas d’état civil, pas d’élection communale depuis 20 ans
Ainsi, au cours de cette assemblée générale, le directeur de l’école de Dangassa, Moriba Camara, a regretté qu’avec le boycott du processus de découpage administratif par le village, plus de 90 % des enfants de Dangassa n’ont pas un acte administratif. “Nous avions des élèves qui, de la première année jusqu’en 9ème année, n’ont pas d’acte de naissance parce que les parents, en ne reconnaissant l’autorité de Niagadina, refusent de s’y rendre pour établir des actes de naissance pour leurs enfants”, a soutenu le Directeur. Idem aussi pour les mariages civils. En plus, selon lui, depuis l’avènement du découpage administratif, aucun bulletin n’a été mis dans l’urne dans le village lors des élections communales et aucun maire ou conseiller de Niagadina ne peut s’y aventurer.“J’ai été toujours président du centre de vote. Pour les élections présidentielles et législatives nous enregistrons un fort taux de participation, mais s’agissant des communales, le constat est tout autre car de l’ouverture des bureaux de vote à 8 heures, à la fermeture à 18 h, sur une population de plus de 11 000 habitants, on ne trouve même pas un seul votant. Cette situation existe depuis environ 20 ans” a révélé le directeur d’école.
Continuer le combat
En tout cas, pour les fils de Dangassa, pas question qu’ils renoncent à leur combat d’érection de leur village en commune. “Si les autorités ne corrigent pas leur erreur, nous allons continuer à boycotter le processus de découpage le temps qu’il faudra. Et cela n’est pas notre souhait car nous sommes des citoyens et nous voulons participer au processus de décentralisation. Et nous croyons que, cette fois-ci, les autorités entendrons nos cris de cœur pour le bien-être des populations et surtout des enfants qui sont aujourd’hui sans papiers d’identité” a fait savoir Karim Camara, un ressortissant de Dangassa résidant à Bamako. Selon lui, suite à cette affaire, leur association a saisi tout ce que la République a comme institution. “Nous avons saisi le président de la République, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale…D’ailleurs une forte délégation de l’Assemblée nationale a séjourné ici, sans pourtant arriver à convaincre nos parents de changer d’avis” a fait savoir M. Camara.
En tout cas, les représentants des jeunes, des femmes, des villages environnants, ont tour à tour, au cours de cette assemblée générale, réitéré tout leur soutien et accompagnement au chef de village et aux ressortissants de Dangassa à Bamako à poursuivre le combat, jusqu’au jour où leur village sera remis dans ses droits à travers son érection en commune.
Kassoum Théra, envoyé spécial à Dangassa
Source: Aujourd’hui