Les échéances qui arrivent sont un enjeu capital pour le Mali. Dans quelques mois, notre pays vivra une profonde mutation nécessaire au redressement de la nation. Entre juin et novembre vont s’enchainer successivement réforme constitutionnelle, référendum, élections législatives, locales et sénatoriales puis mise en œuvre de la décentralisation ! La première de ces étapes, la révision de notre constitution, sera certainement la plus importante de toutes. Sans cette réforme, l’APR sera au point mort et nos soutiens internationaux pourraient revoir le format de leur engagement à la baisse pour laisser la place à l’insécurité des djihadistes qui restent en embuscade. L’heure de l’union sacrée a sonné.
L’avant-projet de loi de réforme constitutionnelle prend en compte la plupart des dispositions de l’APR et modifie un certain nombre des articles de la Constitution de 1992. Voulons-nous oui ou non du « vivre ensemble » que nous entendons de Bamako à Kidal, de Taoudeni à Ménaka en passant par Tombouctou et Gao ? Si le massacre d’Ogossagou est bien présent dans nos esprits, ne soyons pas effrayé d’avoir à faire des concessions fraternelles:
- inscription de l’objectif de réconciliation ainsi que de diversité ethnique, culturelle, religieuse, linguistique et géographique du pays.
- reconnaissance de la chefferie traditionnelle en tant qu’autorité morale et représentation dans le Conseil économique, social, environnemental et culturel.
- reconnaissance des mécanismes traditionnels de règlements de litiges.
- affirmation du caractère hétérosexuel du mariage.
- principe de répartition du produit de l’exploitation des ressources entre l’État et les collectivités.
- affirmation du principe de subsidiarité dans la répartition des compétences entre État et collectivités.
- création d’une cour des comptes (règle UEMOA).
- imprescribilté de tout acte terroriste.
Le 1er avril, un comité d’experts a remis à IBK l’avant-projet de révision constitutionnelle, que lui-même a remis ces derniers jours aux représentants du parti de la majorité et à ceux de l’opposition conformément au principe d’inclusivité de l’APR. Il s’agit maintenant de savoir si nous voulons ou pas sceller la réconciliation entre « le Nord » et « le Sud » de notre pays. Ce projet de réforme répond aux attentes des uns (reconnaissance des spécificités régionales et de la diversité du pays, décentralisation, représentation dans les institutions étatiques et l’administration au niveau central et local, développement territorial équilibré) et des autres (unité nationale, intégrité territoriale, laïcité, forme républicaine de l’État, paix retrouvée). Si le projet abandonné à la rentrée 2017 avait suscité un rejet de la société c’est qu’il n’y avait pas eu de concertation ni sur le fond ni sur la forme. SBM s’était engagé, dès sa nomination comme Premier ministre en décembre 2017, à le faire réexaminer. En 2019, SBM a retenu la leçon : le comité d’experts a multiplié les concertations avec les différentes couches de la société civile, l’opposition, les chefferies traditionnelles et les groupes armés, autant à Bamako qu’en région.
En somme, l’avant-projet de révision constitutionnelle inclut les mesures phares de l’accord de paix, en concevant l’unité du pays dans sa diversité. Si nous avons été capables de sortir dans les rues depuis des mois pour demander des réformes, ce n’est pas quand IBK nous les présente qu’il faut reculer. L’exercice de réforme demande à chacun de nous du courage. Rappelons-nous qu’en 2012, c’est quand l’État était fragilisé que les djihadistes sont venus semer le désordre dont nous subissons encore les effets aujourd’hui. En 2019 ils sont encore une fois aux aguets, aux portes de Bamako, et eux ne discuteront pas. Ce sera une réforme islamique radicale sans concertation et sans concession !
Paul-Louis Koné
Malijet