À partir d’images d’archive, de vieilles photographies prêtées par des petits fils de gouverneurs ayant occupé les lieux, de souvenirs du XXe siècle, deux architectes ont travaillé d’arrache pied pour reconstruire le palais de Lomé. « On n’a jamais eu les plans d’origine, on a fait de l’archéologie ! » plaisante un des architectes. Depuis la conception des plans en 2012 à aujourd’hui, le projet a souvent évolué. D’une initiative d’embellissement, les rénovateurs sont passés à une véritable reconstitution historique. Au fil d’une balade photographique, les architectes français des cabinets Segond Guyon et ArchiBat nous ont raconté leur chantier du combattant.
Sept ans de travaux, deux milliards de francs CFA (3 millions d’euros), dix entreprises locales ont été engagés pour mener à bien ce projet. Si la maîtrise d’oeuvre est prise en charge par des Français, le but de Sonia Lawson, directrice du musée, était de faire tourner l’économie locale, et d’aller vers des matériaux responsables. Pour reconstruire les menuiseries, un grand travail de recherche a été fait. Dans les années 1990 le Togo souffre d’une déforestation terrible : « on arrache sans jamais replanter », explique un architecte. Au terme de l’enquête, c’est le teck qui est choisi, l’un des bois les plus durs du monde et qui jouit d’une bonne gestion d’exploitation au Togo.
Des matériaux modernes et costauds sont nécessaires pour ce palais, placé face à la mer, très exposé aux vents et au sel. Pas question pour autant de tout remplacer pour mieux résister. Même en version rénovée, l’âme du palais reste visible à l’oeil nu : certaines parties de murs sont restées intactes, des carreaux de ciment ont été réutilisés pour les galeries, l’escalier rouillé a été sauvé, et le mat du drapeau du Togo conservé !
Ouverture et verdure dans le coeur de Lomé
Le défi consistait à transformer ce palais des gouverneurs en musée, avec de quoi héberger des salles climatisées, deux restaurants, une librairie… des espaces qui n’existaient pas auparavant. Fermer certains espaces, tout en gardant les nombreuses ouvertures, patios et arcades typiques de l’architecture coloniale. « On a fermé les pièces pour avoir des espaces d’exposition climatisés, mais on a recréé les galeries qui protègent du soleil tout autour du palais et qui avaient disparu dans les années 1970. » À l’époque, les arcades qui surplombent les fameuses galeries sont supprimées pour agrandir le palais, devenu trop petit pour héberger la présidence du Togo.
Autour du palais, le parc a été entièrement réhabilité. « C’était une poubelle géante, quand on l’a récupéré », explique Sonia Lawson. Un paysagiste du nom de Frédéric Reynaud a redessiné les environs du palais pour faire circuler une allée autour d’un arbre couché au sol, par exemple. Après une longue étude ethno-botanique, 500 plantes adaptées au climat de Lomé, venues du Togo, du Ghana et du Bénin ont été implantées. « Lomé est la première ville d’Afrique de l’Ouest à accueillir un si grand parc en son centre », souligne avec fierté Sonia Lawson. à l’ombre des arbres âgés de plus de 100 ans, elle parle des 40 espèces d’oiseaux qui habitent les lieux et bercent en fond la discussion. A 17 heures, chaque jour, des milliers de chauve-souris prennent leur envol de la cime des arbres. Féérique !
Le Point Afrique