Tariq Ramadan, ce philosophe suisse d’origine égyptienne, fait partie des cent intellectuels les plus influents au monde. Il est engagé depuis plusieurs années dans le débat concernant l’islam en Occident et dans le monde. Invité vedette des «Universités Enda Tiers monde» pour appeler les peuples du Maghreb et du Machrek à s’unir, lors du forum social mondial de Tunis, il a profité de l’occasion pour fustiger l’intervention française au Mali et appeler le peuple malien à résister avec dignité et courage pour l’intérêt du Mali. Au passage il met en exergue la naïveté des autorités de Bamako et s’interroge sur le fiasco de Kidal. Dans un message clair, il lance un appel à la jeunesse du Mali afin qu’elle résiste avec dignité et courage contre la France et les caciques de la 3ème République. Tout en critiquant il propose.
« Ce qui se passe à Kidal est une technique de manipulation et d’infiltration des agents secrets français. Dans cette guerre, il y a des choses que je ne comprends pas. Mais et que je voudrais comprendre. Je voudrais que l’on m’explique comment peut-on trouver le passeport d’un otage français (exécuté en 2010 par Aqmi, Michel Germaneau) totalement intact sur des ruines en feu ? Et les documents retrouvés dans les voitures sont à 90% écrits en anglais. Ceux qui sont au nord du Mali ont fait leur formation où? Pourquoi on laisse faire le MNLA ? Va-t-on savoir ?
Si trois ou quatre mille militaires français viennent faire le travail, cela montre que les armées africaines sont aussi incompétentes que ça. Qui attendent trois mille soldats venir régler le problème. Pourquoi n’a-t-on rien fait ? Et les officiers maliens ne comprennent rien dans cette guerre ?
En poursuivant, Ramadan fera savoir que l’instrumentalisation du libéralisme de la violence, elle est à géométrie variable; on l’utilise comme on veut, comme on peut. Pour cela, il faut que l’on soit contre le principe, pas naïf ! Pas naïf ! Nous-mêmes, avons tous besoin d’Afrique du nord (des arabo-berbères) comme de l’Afrique du sud (des soudano-sahéliens); la conscience africaine partout où l’on se trouve devra être la meilleure réponse qu’on doit donner à Sarkozy et à ses condisciples de pensée. Ce n’est pas dire que c’est un homme par rapport à la justice. C’est de montrer que l’on a la conscience africaine, qu’on se laissera pas faire. Pour lui dire qu’on a appris, qu’on a compris, que tout ce que vous nous dites là, ne sont que des manipulations intellectuelles.
Vous n’êtes pas l’ami de l’Afrique, vous n’êtes que l’ami de vos intérêts et que le continent africain ne vaut que l’intérêt que vous lui portez.
On a compris. On ne vous en veut pas. On sait que c’est la règle du jeu. Vous avez votre règle du jeu. Nous, on a la nôtre. La nôtre : c’est la dignité et la résistance à vos intérêts, pour nos intérêts et pour la justice. Sans justice, il n’y aura pas de paix. Cette attitude-là, il faut qu’on la mette comme un principe de dénonciation. Si eux sont des extrémistes, nous on est des modérés. Mais je suis radical dans ma résistance. Je n’accepte pas que l’on se moque de moi, de mon histoire, de ma mémoire et de ma dignité. Le meilleur moyen de garder le contact avec le peuple, c’est de dénoncer les extrémistes avec courage et les exploitations auxquelles on est victimes. Cela me parait l’attitude intellectuelle d’un leader. Voici les remèdes prescrits à la jeunesse malienne pour soigner les maux de la société.
Des leaders naïfs
La France fait comme s’il nous apprend la guerre. Et ce n’est pas nouveau. En Lybie et en Iraq ça s’est passé, au Mali ça se passe. « Ils se font tuer et nous on construit. On utilise les noirs ou les arabes devant les bataillons et les français derrière ». Parce que la mort d’un soldat français vaut infiniment plus dans la conscience collective française que la mort d’un noir ou d’un arabe. Hollande avait tout intérêt à aller au Mali. Le Mali était déjà dans le viseur français pour d’autres raisons que des questions de liberté. Les alibis pour justifier la présence, l’installation de sa base militaire. La France-Afrique, elle n’a jamais cessé, elle prend de nouvelles couleurs, de nouveaux jugements et de nouvelles stratégies. Il faut dénoncer. Je ne peux pas imaginer un seul instant que ces leaders-là (les autorités de Bamako) sont aussi naïfs que ça. Je pense que, c’est une position politique de circonstance, mais qui manque de dignité. Aujourd’hui, une position politique de dignité s’impose. Contre toutes les formes d’assujettissement de l’Africain, d’occupation de son territoire. Contre l’occupation terroriste des violeurs et coupeurs de mains d’hier et celle occidentale des manipulateurs et exploiteurs d’aujourd’hui.
Donc, réveillez-vous jeunes d’Afrique, jeunes du Mali pour la dignité et la liberté.
ABD