Depuis l’adoption de la loi N°052 du 18 décembre 2015 instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives par l’Assemblée nationale, en sa séance du 12 novembre 2015, la place de la femme malienne dans les instances de décision de notre pays a pris un coup d’accélérateur sous l’impulsion du président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta.
De l’Indépendance à nos jours, chaque régime a accordé à la femme une place de choix, mais force est de reconnaître que c’est bien à partir de 2013 que les résultats les plus honorables ont été enregistrés. Cette loi vise à permettre aux femmes d’améliorer leur représentativité dans les instances de prise de décision. En effet, c’est surtout grâce à la loi N°052 du 18 décembre 2015, que les partis politiques ont pris en compte la présence des femmes lors de l’établissement des listes de candidatures à la faveur des élections postérieures à son adoption. De fait, le nombre de conseillères municipales a connu une hausse. En effet, de 927 femmes sur 10 772 conseillers municipaux en 2009, ce nombre est passé à 2817 élues sur 12 130 conseillers en 2016, soit un taux de 23,22%. Ces résultats, à n’en pas douter, présagent de très bonnes perspectives pour les prochaines élections législatives. Il ressort de l’article 1er de la loi sur la promotion du genre, qu’à l’occasion des nominations dans les Institutions de la République ou dans les différentes catégories de services publics au Mali, par décret, arrêté ou décision, la proportion de personnes de l’un ou de l’autre sexe ne doit pas être inférieure à 30 %. L’article 2 du texte stipule qu’à l’occasion de l’élection des députés à l’Assemblée nationale, des membres du Haut conseil des collectivités ou des conseillers des collectivités territoriales, aucune liste d’au moins 3 personnes, présentée par parti politique, groupement de partis politiques ou regroupement de candidats indépendants, n’est recevable si elle présente plus de 70 % de femmes ou d’hommes.
Toutefois, clarifie le texte, cette loi ne s’applique pas aux élections au niveau des chefferies traditionnelles des conseillers de village et de fraction, des associations religieuses, de culte ou à caractère confessionnel ou encore tout autre regroupement disposant de statuts et règlements qui leur sont propres. L’article 3 précise que les listes de candidature aux élections locales doivent respecter l’alternance des sexes de la manière suivante : si deux candidatures du même sexe sont inscrites, la troisième doit être de l’autre sexe.
Que pensent les femmes de l’application de la loi, trois ans après son adoption ? Les réponses des principales intéressées sont peu ou prou identiques, tendant à faire remarquer une nette amélioration en comparaison aux réalités d’un passé récent. Membre de l’Alliance «Ensemble pour le Mali» (EPM), et non moins présidente des femmes du Rassemblement pour le Mali (RPM), Mme Diawara Aissata Lady Touré estime que cette loi est une très bonne chose dans la mesure où notre société (africaine) ne donne pas beaucoup de poids à la femme, compte tenu de nos traditions, coutumes et mœurs, tandis que la femme joue un grand rôle dans le développement de toute une nation. «Aujourd’hui, nous ne pouvons qu’être heureuses du fait que de par la loi la femme puisse participer au développement du pays à travers le quota des 30%», s’est-elle réjouie. Mme Diawara Aissata Lady Touré précisera qu’en termes d’impacts réels, grâce à la loi 052, le pays dispose de nos jours de plus de 2800 conseillères communales, ajoutant que ceci est vraiment inédit dans l’histoire du Mali.
«Nous espérons aussi avoir un nombre important lors des élections législatives prochaines dans la mesure où nous n’avons qu’environ 14 femmes députées à ce jour. Grâce à la loi n° 052, nous allons avoir une meilleure représentativité au sein de l’Hémicycle», a-t-elle souhaité. Avant de terminer, la responsable politique a lancé un appel à toutes les femmes maliennes, mais surtout à leurs leaders à faire davantage de formations pour une meilleure appropriation de cette loi.
Ingénieure en développement local de son état, spécialiste en décentralisation et présidente nationale de la Coordination des associations et ONG Féminines du Mali (CAFO), Mme Sow a expliqué que c’est avec beaucoup d’enthousiasme et de fierté que l’adoption de la loi sur la promotion du genre fut accueillie. Puis, elle ajoute : «Nous l’avons apprécié au plus haut degré, c’est d’ailleurs le lieu pour nous de féliciter et remercier le président Ibrahim Boubacar Keïta pour cette belle initiative». Du reste, Dembelé Ouleymatou Sow déplore le faible taux de représentation des femmes au niveau des instances de décision, tout en rappelant que sociologiquement, ses sœurs représentent une masse critique dépassant de loin 51% de la population.
Mme Dembelé Ouleymatou Sow a rappelé que le Mali ne disposait que de neuf femmes maires en 2009 et de 14 députées à l’Assemblée nationale lors de la législature finissante. Mais avec l’avènement de la loi sur la promotion du genre, notre interlocutrice avoue avoir assisté en décembre 2015, à un véritable boom au niveau de la participation de la femme à travers notamment les communales de 2016. Sur le plan nominatif, a-t-elle regretté, on n’a jamais dépassé les 20% dans les différents gouvernements, soit 7 femmes ministres. (l’entretien s’est déroulé avant la mise en place de l’actuel gouvernement – NDLR). «C’est en effet avec le 1er gouvernement de Soumeylou Boubèye Maïga qu’on a pu atteindre les 25% avec l’entrée de 09 femmes. Également sur le plan institutionnel, la femme est sous représentée, car elle ne préside à la destinée que d’une seule institution sur les huit de la République du Mali, à travers la présidente de la Cour constitutionnelle», a indiqué la présidente de la faîtière des organisations et associations féminines.
Pour la conseillère en commune II du District de Bamako et présidente du Collectif des ‘’ Amazones du Mali ‘’, Mme Diakité Kadidia Fofana, la loi sur le genre est une grande avancée pour les femmes et constitue sans doute la reconnaissance légitime de longues luttes engagées par les femmes du Mali pour le respect de leur droit. Les femmes, a-t-elle signalé, ont toujours été à l’avant-garde des combats pour le bien-être des populations. «Aujourd’hui, il serait difficile de parler d’impacts réels de la loi 052 sur la vie socioprofessionnelle de la femme malienne, dans la mesure où elle tarde à être effective dans sa mise en œuvre », a soutenu Mme Diakité. «Nous invitons les femmes à s’emparer de l’esprit de cette loi pour plus d’égalité et de justice. Qu’elles continuent de mener le combat afin de rompre les chaines qui les maintiennent dans une posture d’infériorité», a exhorté la présidente du Collectif des «Amazones du Mali ». Actualité oblige, nul doute qu’à la faveur de la mise en place de l’actuel attelage gouvernemental qui compte 11 femmes ministres sur 32, les partisans de la loi n° 052 ont été plus que comblés.
Aboubacar TRAORÉ
Source: Essor