Une entreprise peut bien en cacher une autre, tout dépendant des circonstances et de l’angle de perception. En effet, comment démolir sans restaurer et comment restaurer sans démolir ?
ENTREPRISE DE DEMOLITION
Souleymanebougou suscite en ce moment beaucoup d’émotion. Comment pourrait-il en être autrement devant l’ampleur et l’importance des préjudices causés aux uns et aux autres ? Cependant, le premier moment de stupeur passé, il faut revenir à l’essentiel qui est le respect du droit (« hakè »), le droit de tous les citoyens à jouir de leur propriété. De quoi s’agit-il ? Des fonctionnaires enjambant sans état d’âme des titres fonciers réguliers ont, de mauvaise foi, attribué des parcelles de terrain indisponibles à des citoyens peut-être de bonne foi, qui les ont mises en valeur. Les nouvelles décisions d’attribution sont manifestement frappées du sceau de l’illégalité car dans une république, ni la force, ni les magouilles ne peuvent créer un droit. Le véritable problème pour le gouvernement serait de ne pas aller jusqu’au bout de la logique et de ne pas mettre en examen les fonctionnaires véreux qui doivent répondre de leurs actes afin de permettre l’indemnisation des victimes.
Pour mémoire, lors de l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire, au nom du respect du droit justement, son ministre de l’urbanisme avait mis des bulldozers en action pour casser toutes les constructions anarchiques et illégales aux abords des routes dans différents quartiers d’Abidjan. Les premiers moments d’émotion passés, tout le monde a compris le bien-fondé de la mesure qui était loin d’être sélective. Cela n’a fait que conforter sa réputation d’homme sérieux et rigoureux au service de son pays. Dans une république digne de ce nom, force doit toujours rester à la loi mais ici, on a pris l’habitude de faire les choses tellement de travers que c’est le redresseur de torts qui apparait comme le problème. C’est le comble ! Pour que l’injustice ne finisse pas par engendrer le désordre, l’Etat doit arbitrer sainement entre les hommes et les intérêts. La meilleure arme pour le faire reste la loi.
ENTREPRISE DE RESTAURATION
Ce qui se passe du côté de Souleymanebougou n’est pas une brutale entreprise de démolition ; c’est aussi et surtout une entreprise de restauration du droit légitime d’un propriétaire régulier. Les victimes méritent certes notre compassion mais elles doivent porter plainte contre ceux qui leur ont attribué des parcelles de terrain qu’ils savaient appartenir à autrui, se rendant coupables d’abus de pouvoir et d’escroquerie.
Comment ne pas relever le courage et le sens des responsabilités du ministre Bathily qui a choisi de sortir de l’émotion, des considérations personnelles et partisanes pour faire triompher le droit et l’équité, au risque de se rendre impopulaire ? C’est un fait rarissime au regard des pressions et certainement des menaces qu’il a dû recevoir. Le temps finira par lui donner raison car le retour à l’Etat de droit et la restauration de l’autorité de l’Etat si chers à IBK ne peuvent se faire sans grincement de dents, d’autant plus que le laisser-faire et le laisser-aller ont été érigés depuis longtemps en système de gouvernance pour des raisons bassement électoralistes et de corruption. Il est souhaitable que cette sauce mal épicée qui donne aujourd’hui des insomnies et des indigestions à certains suscite diligemment la curiosité du Procureur de la République.
Un véritable homme d’Etat sait qu’il a des comptes à rendre à son peuple et à l’histoire. C’est pourquoi, IBKne doit pas perdre du vue ses objectifs. En politique, la fin justifie tous les moyens de droit qu’offre la république, l’essentiel étant de rester juste et équitable jusqu’au bout.
Mahamadou Camara
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