La rencontre des dirigeants de la sous-région à laquelle a participé le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, a désigné un Premier ministre de consensus pour ce pays et décidé de la tenue d’élections législatives le 18 novembre 2018
La crise en Guinée Bissau semble prendre un tournant décisif. En effet, les dirigeants de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) étaient réunis, samedi, en sommet extraordinaire à Lomé (Togo) pour évoquer les derniers développements de la situation politique dans ce pays. C’était sous l’égide du chef de l’Etat togolais, Faure Essozimna Gnassingbe, qui assure la présidence de cette institution. Son homologue Ibrahim Boubacar Kéïta, à la tête d’une forte délégation, y était présent. on notait également la présence de plusieurs autres chefs d’Etat: Roch Marc Christian Kaboré du Burkina Faso, Alpha Condé de la Guinée, George Weah du Liberia, Issoufou Mahamadou du Niger, Macky Sall du Sénégal, Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire, Patrice Talon du Bénin et José Mario Vaz de la Guinée Bissau. Sans oublier les deux vice-présidents: la Gambienne Mme Fatumatta Jallow-Tanbajang et le Nigérian Yémi Osimbajo. Le seul qui manquait à l’appel était le président de Sierra-Leone pour cause de transition en cours dans ce pays après l’élection présidentielle de début avril.
L’Afrique de l’Ouest, on ne le dit jamais assez, est confrontée à plusieurs défis, notamment politique et sécuritaire qui viennent s’ajouter au challenge de développement humain durable. Nos dirigeants ont alors compris qu’il fallait nécessairement créer un cadre de dialogue, de mutualisation des moyens et des énergies pour renverser la courbe. Il est vrai que pour une partie de l’opinion, les sommets sont nombreux et deviennent, du coup, classiques et routiniers. Pourtant, lors de ces rendez-vous de haut niveau, que de difficultés sont aplanies et de solutions trouvées.
La particularité de celui de Lomé résidait en son contenu : l’examen de la situation politique en Guinée Bissau où la crise politique perdure depuis près de 2 ans. A l’ouverture du sommet à l’Hôtel 2 février, Faure Essozimna Gnassingbé a clairement affiché la détermination des pays membres. «Nos frères Bissau Guinéens peuvent compter sur notre présence attentive à leurs côtés, jusqu’à ce qu’ils parviennent à une solution concertée pour aider le pays à renforcer ses institutions, et donner à l’Etat, les moyens de fonctionner efficacement et dans le respect des lois», a déclaré le président togolais pour qui «trouver une solution à cette crise est une priorité». Il salua l’implication du président guinéen, Alpha Condé, acteur majeur de l’Accord de Conakry, avant de souligner la nécessité de «maintenir le fil du dialogue dans le pays».
Pour sa première participation à un sommet de l’espace communautaire, l’ancien footballeur, George Weah, a été félicité par son homologue togolais qui a également salué l’ensemble de la classe politique du Liberia pour «sa maturité dans le choix d’un nouveau président». Par ailleurs, Faure Essozimna Gnassingbé a fermement condamné les actes terroristes au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Parlant du G5 Sahel, il a invité les pays membres de la CEDEAO à contribuer au financement de la Force conjointe.
La Guinée Bissau fait face à un blocage depuis plus de deux ans en dépit des médiations de la CEDEAO et des sanctions ciblées imposées depuis le début de l’année. Les accords de Conakry prévoient la nomination d’un Premier ministre de consensus. Cette crise politique actuelle a comme point de départ le limogeage en août 2015 du Premier ministre Domingo Simoes Pereira et la dissolution de son gouvernement.
Depuis, le pays a basculé. Faute d’avancées significatives, il est tombé sous le coup de sanctions internationales.
Lors d’une courte déclaration à la presse, le président Ibrahim Boubacar Keïta a dit avoir fait un bon sommet à Lomé. Les décisions pertinentes des dirigeants de l’espace ne laissent, en effet, l’ombre d’aucun doute sur la qualité de cette rencontre de haut niveau. Comme l’on pouvait s’y attendre, le sommet a décidé de la nomination d’ici quelques jours d’un nouveau Premier ministre de consensus en la personne d’Aristide Gomes d’ici et de la tenue d’élections législatives le 18 novembre 2018. «La conférence a pris note de ces annonces qui feront partie de la feuille de route pour un retour à la normale en Guinée Bissau», souligne le communiqué final du sommet. La CEDEAO veillera scrupuleusement à leur application par l’intermédiaire d’un comité de suivi composé des présidents du Togo et de Guinée et de celui de la commission, Jean-Claude Kassi Brou.
Envoyé spécial
Ahmadou CISSÉ
LE PRÉSIDENT KEÏTA RASSURE NOS COMPATRIOTES DE LOMÉ
Après les deux sommets, le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, a rencontré dans la soirée du samedi les Maliens vivant à Lomé. Ils étaient plus d’une centaine à être reçus par le chef de l’Etat. Au cours des échanges, nos compatriotes ont soulevé les difficultés auxquelles ils sont confrontés et se sont dit fiers d’appartenir à un pays qui a su se remettre debout en si peu de temps. Et ce, malgré les campagnes d’intoxication menées via les réseaux sociaux.
L’ambassadeur du Mali, avec résidence au Ghana, a précisé que la communauté est composée essentiellement de commerçants, de fonctionnaires internationaux et d’hommes d’affaires. Mohamed Maïga a témoigné que nos compatriotes sont respectueux des lois du pays d’accueil. Le président du Haut conseil des Maliens du Togo a salué l’initiative présidentielle de rencontrer la communauté. «Nous n’avons aucune difficulté particulière avec les autorités togolaises. Loin de notre pays, nous demeurons préoccupés par les questions de développement, de sécurité et de paix entre nos frères du pays», a indiqué Issouf Coulibaly. Par ailleurs, il a expliqué au chef de l’Etat que d’énormes difficultés subsistaient dans l’octroi de visas de la Chine aux commerçants maliens vivant au Togo.
A cela, il a ajouté la problématique du logement pour nos compatriotes n’ayant pas de revenus substantiels. En réponse, Ibrahim Boubacar Keita dit avoir pris bonne note des difficultés évoquées. Il a demandé à la diaspora de penser au pays quand les affaires prospèrent et promit d’agir au mieux pour améliorer leurs conditions de vie. Le président Kéita a indiqué à ses interlocuteurs que notre pays avance à pas de géant. Au sein de l’UEMOA, le Mali est classé 3eme grâce aux efforts de patriotes comme le ministre de l’Economie et des Finances. L’indice de croissance a grimpé jusqu’à 5,3% cette année, rappelle-t-il.
«Tant que je bénéficie de votre confiance, nous ferons notre travail. La dignité existe encore dans ce monde. J’étais conseiller de président de la République, ambassadeur, ministre, président de l’Assemblée nationale, puis je suis actuellement chef de l’Etat. Je n’ai donc pas besoin de rêver encore de pouvoir. Je ne suis pas d’hier. Je rends grâce à Dieu qui m’a permis de servir mon peuple. Ce rang de 3ème au sein de l’UEMOA honore tous les fils du Mali», a fièrement développé le chef de l’Etat.
Il a aussi évoqué les réalisations d’infrastructures, notamment à Ségou, Sikasso, Kayes qui bénéficient encore du programme présidentiel d’urgences sociales.
Pour IBK, l’eau potable, l’électricité, les soins de base et la sécurité alimentaire sont des priorités qui ne peuvent attendre. C’est dans ce cadre, a-t-il précisé, que ce programme est imaginé et mis en œuvre. Parlant de l’intégrisme islamiste qui fait ravage au Sahel, Ibrahim Boubacar Kéita a assuré que «personne ne peut venir d’ailleurs et prétendre nous enseigner l’islam au Mali». Il a rappelé que l’empereur Kankou Moussa qui fit le pèlerinage à coup de plaquettes d’or, avait une telle fortune qu’il était considéré comme l’homme le plus riche de son époque. Donc, le Mali est une grande et vieille nation qui, tel un navire en haute mer, peut tanguer mais ne chavirera jamais. Ceux qui essaient d’endoctriner notre jeunesse, tuent les soldats, payeront pour leurs actes, a déclaré le président de la République, ajoutant:«Nous irons les chercher dans leurs bases».
Le chef de l’Etat a également évoqué les élections à venir. «Elles auront lieu» parce que «nous allons éviter une transition qui sera l’occasion d’un partage de gâteau». «Notre souci est de créer les conditions nécessaires au retour définitif de la paix et du vivre-ensemble. Pour ramener la paix, il faut des moyens militaires adéquats. Nous avons acheté des avions de combat et de transport pour maitriser le vecteur aérien. D’autres sont commandés. En plus, nous poursuivons les efforts de remise à niveau des autres équipements militaires», a ajouté le président IBK qui a déploré les affrontements intercommunautaires dans le centre du pays.
Il n’y a jamais eu de conflit inter-ethnique au Mali. Les Peulhs et les Dogons ont toujours vécu en paix dans cette partie du pays, a dit le chef de l’Etat. Avant de prendre congé de ses interlocuteurs,IBK leur a fait un geste en guise de contribution à un fonds de solidarité destiné à aider les plus nécessiteux d’entre eux.
A. C.
L’AVENIR DU FRANC CFA EN DISCUSSION AU SEIN DE L’UEMOA
Notre espace économique s’apprête à changer de monnaie. Mais quand ? On ne saura le dire maintenant. Dans tous les cas, la machine est en marche. En marge du sommet de la CEDEAO, les chefs d’Etat de l’Union monétaire économique des États de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) se sont retrouvés en sommet extraordinaire autour de l’avenir du franc FCFA. Deux points essentiels étaient en discussion, selon le ministre de l’Economie et des Finances, Dr. Boubou Cissé. Il s’agissait d’abord des questions liées à la tenue du prochain sommet et ensuite de la question sensible de la monnaie FCFA. Ce sommet a donc permis aux dirigeants de l’UEMOA de réaffirmer leur volonté d’aller vers la création d’une monnaie unique. Mais «il y a des préalables», prévient le ministre de l’Economie et des Finances, Dr Boubou Cissé qui précise par ailleurs que «le franc CFA est une monnaie crédible et stable».
Quelle dénomination aura la nouvelle monnaie? Quel sera son taux de conversion ? Toutes ces questions sensibles feront l’objet d’un communiqué officiel ultérieur, a précisé Cissé pour qui la volonté politique ne fait l’ombre d’aucun doute au niveau des dirigeants de l’Union. Le franc CFA bénéficie d’une grande stabilité grâce à la réserve dans les banques françaises mais il est de plus en plus clair que la zone veut sa propre monnaie. Le processus est déjà lancé.
A. C.
Source: Essor