La mauvaise gestion au sein de Société Malienne de Patrimoine de l’Eau Potable (SOMAPEP-SA), qui a occasionné une perte sèche de 76,4 millions FCFA (76 449 2734F) dans la caisse vient d’être remis au goût du jour par le rapport de vérification financière et de conformité du Bureau du Vérificateur Général. Élaboré par des experts chargés de faire toute la lumière sur la gestion calamiteuse de ces fonds, ce dossier épingle, l’ancien Directeur Général (DG) de la SOMAPEP, M. Yéninzaga Koné, à l’époque des faits et aujourd’hui, conseiller de l’actuel patron de la boîte. Mais aussi, le Comptable de la structure, M. Alpha Diakité. À l’issue de leurs investigations, les enquêteurs sont tombés, à leur corps défendant, sur des zones d’ombre dans la gestion de ces 76 millions de francs CFA.
Le dossier, lié à la saignée financière au niveau de la SOMAPEP pendant les exercice 2018, 2019 et 2020 dont le montant s’élève à 76,4 millions de francs CFA, risque de tourner au cauchemar pour l’ancien dirlo de la SOMAPEP-SA, Yéninzanga Koné. Celui-là même qui est, aujourd’hui, le Conseiller du DG de cette structure étatique.
Le rapport d’enquête du Vérificateur est sans appel : la gestion de la Société Malienne de Patrimoine de l’Eau Potable, qui repose sur la charge exclusive de la réalisation de l’ensemble des infrastructures publiques d’eau potable sur le territoire national, est tributaire d’une mauvaise gouvernance qui compromet sa continuité.
Du favoritisme érigé en mode de gestion par l’ex DG et le DFC
L’audit financier sur la gestion de la SOMAPEP-SA pour les exercices 2018, 2019 et 2020 a mis en exergue des dysfonctionnements criards liés à l’inobservation des mesures de contrôle interne. Ces dysfonctionnements constatés sont relatifs, entre autres, au faible taux de recouvrement des recettes, aux paiements irréguliers de certaines dépenses, à l’absence de mise en concurrence lors des achats au-dessous du seuil de passation des marchés et à des insuffisances dans la gestion du patrimoine.
Par ailleurs, la gestion des projets d’approvisionnement en eau potable a été marquée par l’application de procédures propres aux différents bailleurs, toute chose qui ne favorise pas l’harmonisation des pratiques de sélection des prestataires et fournisseurs et de passation de marchés dont le montant est inférieur au seuil de passation de marchés.
Cette grande marge de manœuvre dont dispose la SOMAPEP-SA a favorisé la sélection des fournisseurs et prestataires pour des contrats allant jusqu’à 200 000 euros soit 131 millions FCFA (131 191 400 F) par appel d’offres restreint ou par entente directe. Aussi, des marchés ont été attribués à des entreprises ou groupements d’entreprises qui n’arrivent pas à honorer leurs engagements sur le terrain, ce qui a entraîné des retards importants dans l’exécution des travaux.
Pour cette raison, les opérations de recettes, de dépenses et de trésorerie effectuées au titre des exercices 2018, 2019 et 2020 ne sont pas conformes aux textes réglementaires et aux procédures en vigueur à la SOMAPEP. En effet, l’ex DG de la société, Yéninzaga Koné et son DFC, Alpha Diakité, n’ont pas retenu l’Impôt sur les Revenus des Valeurs Mobilières sur les indemnités des administrateurs. Sur la question, l’article 23.4 de la Loi n°06-67 du 29 décembre 2006, modifiée, portant Code Général des Impôts modifiée stipule : « Sont passibles de l’impôt dans la catégorie des revenus des valeurs mobilières […] le montant des indemnités de fonction, remboursements forfaitaires de frais revenant aux membres des Conseils d’administration des sociétés visées au n°1 qui précède […] ».
Pour s’assurer du respect de ces dispositions, l’équipe de vérification a constaté que l’ex dirlo de la SOMAPEP, M. Yéninzanga Koné et le DFC Alpha Diakité, n’ont pas retenu l’IRVM (Impôt sur les Revenus des Valeurs Mobilières) sur les indemnités de fonction des administrateurs pour un montant de 8 millions FCFA (8100 000F). Aussi la SOMAPEP a payé l’IRVM au lieu de faire une retenue à la source sur les émoluments accordés M. Nancoma Keita, à l’époque PCA de la SOMPAPEP pour un montant de 19,4 millions FCFA (19 440 000F).
Plus grave, l’ex DG Yéninzana et le DFC Alpha Diakité, ont payé des indemnités de fonction indues aux administrateurs. Sur cette question, l’article 20 des statuts de la SOMAPEP-SA est claire : « l’Assemblée Générale peut allouer aux administrateurs, en rémunération de leurs activités et à titre d’indemnité de fonction, une somme fixe annuelle qu’elle détermine souverainement. Le Conseil d’Administration répartit cette indemnité de fonction entre ses membres, comme il I ‘entend […] ».
Afin de s’assurer que le montant des indemnités de fonction payées aux administrateurs lors des sessions du Conseil d’Administration de la SOMAPEP est conforme à celui fixé dans le PV de l’Assemblée Générale de l’OHADA du 2 février 2015, l’équipe de vérification a analysé les pièces y afférentes. Du coup, elle a décelé que l’ex Dg Yéninzana Koné et le DFC, M. Alpha, ont payé aux administrateurs des indemnités de fonction supérieures à celles prévues par la résolution de l’AG. En effet, l’ex dirlo de la SOMAPEP a payé un montant annuel de 15 millions FCFA aux administrateurs au lieu de 12 500 000 FCFA fixés par la résolution, soit un écart de 2 500 000 FCFA par an. Le montant total des dépassements sur la période sous revue s’élève à 7 500 000 FCFA.
Des paiements sans pièces justificatives…
L’ex Dg de la Somapep, M. Yéninzanga Koné et le DFC, Alpha Diakité, ont effectué des paiements, sans pièces justificatives. Afin de s’assurer du respect de cette disposition, l‘équipe de vérification a examiné les supports des opérations comptables mis à sa disposition par la SOMAPEP. Du coup, elle a constaté que M. Yéninzanga Koné, à l’époque DG de la SOMAPEP et le DFC Alpha Diakité, ont effectué des paiements sans pièces justificatives. En effet, le DFC a effectué, sur la base des autorisations de dépenses signées par le dirlo Yéninzanga, des décaissements sans facture ou état de paiement. Le montant total de ces opérations non supportées par des pièces justificatives s’élève à 2,7 millions FCFA (2 790 000 F).
En plus, le DFC, M. Alpha Diakité, n’a pas appliqué les pénalités de retard (0,5%) de l’article 15 des contrats de marché de la SOMAPEP-SA. L’équipe de vérification a rapproché la date de réception prévue dans les marchés à celles figurant sur les PV de réception et a constaté que le DFC de la SOMAPEP-SA n’a pas appliqué des pénalités sur cinq marchés exécutés en retard. En effet, l’exécution desdits marchés a accusé des retards dans la livraison. Le montant total des pénalités non retenues s’élève à 28,7 millions FCFA (28 745 172F).
Au même moment, l’ex DG de la SOMAPEP, Yéninzanga Koné a, irrégulièrement, cédé des véhicules à des agents. Sur ce plan l’article 891 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique de l’OHADA est formel : « Encourent une sanction pénale le gérant de la société à responsabilité limitée, les administrateurs, le président directeur général, le directeur général, l’administrateur général ou l’administrateur général adjoint qui, de mauvaise foi, font des biens ou du crédit de la société, un usage qu’ils savaient contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles, matérielles ou morales, ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle ils étaient intéressés, directement ou indirectement ».
Afin de s’assurer que la gestion du patrimoine de la SOMAPEP-SA est conforme à la réglementation en vigueur, l’équipe de vérification a demandé la situation et les mouvements des biens mobiliers. En outre, elle a examiné les dossiers de location-vente et a constaté que le DG de la SOMAPEP-SA a irrégulièrement vendu des véhicules à des employés à des prix ne correspondant pas à la valeur d’expertise desdits véhicules.
En effet, par Contrats n°022-18/CLV/DAMG/YK du 1er mai 2018 et n°003-20/CLV/ DRHMG/YK du 1er janvier 2020, le DG Yéninza na Koné, à l’époque des faits, a cédé deux véhicules à deux employés respectivement à 1 651 932 FCFA et 816 745 FCFA payables en dix mensualités. Or, les valeurs d’expertise desdits véhicules, tirée des rapports fournis par la SOMAPEP-SA, étaient respectivement de 5,5 millions FCFA (5 506 623F et 4 millions (4 083 725F), soit un écart total de plus de 7 millions de nos francs (7 121 671F).
De plus, les bénéficiaires ont perçu des indemnités mensuelles irrégulières d’entretien et de réparation dans le cadre de contrats de location-vente des véhicules cédés. Ces indemnités non soutenues par une base légale se sont élevées respectivement à 1,5 million FCFA (1 580 400F) pour le premier contrat et 1,1 million de nos francs (1 172 030F) pour le second, soit un montant total de 2,7 millions FCFA (2 752 430F).
Autant d’entorses à l’orthodoxie financière et qui sont à l’origine de l’évaporation de 76,4 millions FCFA à la SOMAGEP-SA, pendant les exercices 2018, 2019 et 2020. C’était, sous la gestion du Directeur Général, M. Yéninzana Koné et du Directeur Financier et Comptable, Alpha Diakité.
D’où, le lieu pour le Vérificateur général de procéder à une dénonciation de faits à la Justice par rapport au paiement indu de l’IRVM à la place du PCA pour 8,1 million FCFA ; à la non retenue de l’IRVM sur les indemnités des administrateurs pour 19,4 millions FCFA ; au paiement d’indemnités de fonction indues aux administrateurs pour 7,5 millions FCFA ; aux paiements sans pièces justificatives pour 2,7 millions FCFA ; à la non application des pénalités de retard pour 28,7 millions FCFA ; à la cession de deux véhicules à un montant inférieur à leur valeur d’expertise pour 7,1 millions FCFA ; au paiement d’indemnités mensuelles d’entretien et de réparation dans le cadre des contrats de location-vente pour 2,7 millions FCFA.
Du coup, l’ex DG de la SOMAPEP-SA, M. Yéninzana Koné, aujourd’hui conseiller spécial de l’actuel DG de la SOMAGEP et le DFC, M. Alpha Diakité, sont dans une situation inconfortable.
Jean Pierre James
Source :NOUVEAU REVEIL