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Sébastien Philipe, architecte de profession et écrivain de passion se confie à Aujourd’hui-Mali : “Je considère mes livres comme des pierres apportées aux sujets que j’aborde, et ce, pour permettre à d’autres de parfaire leur réflexion”

Né en France, installé au Mali depuis une vingtaine d’années, naturalisé malien, Sébastien Philipe est un architecte de renom au Mali. Il a apporté sa touche à la construction et la rénovation de nombreux édifices publics aussi bien publics que privés dont les plus connus sont le Palais de Koulouba (après les événements de 2012), la Cité administrative, plusieurs ambassades, le pavillon Vip de l’aéroport international de Bamako Sénou… Par contre, s’il a bien une passion, c’est l’écriture.  Pour preuve, en 11 ans, il a 6 ouvrages à son actif dont le dernier s’intitule : “Symboles de la République du Mali”.  Dans cet entretien exclusif, le créateur du centre de recherches Memoria, devenu plus tard une maison d’édition, nous parle de sa passion pour l’écriture, des thèmes abordés dans ses livres, des projets en cours et ceux prévus dans les mois et semaines à venir.

Aujourd’hui-Mali : Qu’est-ce qui vous a porté vers l’écriture ?

Sébastien Philipe : J’ai toujours été passionné d’histoire et d’architecture, mais finalement je me suis orienté vers l’architecture. Cependant, depuis tout jeune j’aimais toujours faire des recherches historiques. Pas seulement la lecture, mais fouiller des sujets qui m’intéressent et qui, des fois, sont inconnus du grand public. A cet égard, j’ai commencé avec l’histoire de ma propre famille. J’ai fait beaucoup de recherches dans ce domaine dans les archives.

Nous avons des documents très anciens dans ce domaine en France. A mon arrivée au Mali, à Bamako, je me suis intéressé à l’histoire de la ville de Bamako. Mes recherches en histoire partent toujours de questionnements personnels. Ce qui m’a amené à me demander comment cette ville avait été créée. J’ai cherché aussi à savoir s’il y avait un livre sur le sujet, je n’ai pas trouvé. C’est pourquoi, j’ai mené des recherches pour mieux comprendre.

Vous avez mené ces recherches où et auprès de qui ?

Chaque fois que j’écris un livre sur l’histoire du Mali, j’essaye toujours de toucher les différentes sources d’archives, les sources écrites et les ouvrages qui existent sur le sujet. Pour ce qui concerne l’histoire de Bamako et mon second livre qui porte sur l’histoire de Ségou, je suis allé à Dakar où j’ai pu consulter les archives coloniales, des centres d’archives en France, parce qu’il existait à l’époque un ministère des colonies. Je n’ai pas aussi oublié la tradition orale, j’ai rencontré les anciens, discuté avec eux, c’est comme un travail de journaliste, d’enquêteur. J’ai passé surtout plusieurs heures avec les trois familles fondatrices de Bamako à les questionner.

Aujourd’hui, vous avez combien de livres à votre actif ?

J’ai publié six livres, mon premier livre est sorti en 2009 comme rappelé, il portait sur l’histoire de la ville de Bamako. Ensuite, en 2010, j’ai travaillé sur le thème de la symbolique nationale du Mali, j’ai fait même une exposition que j’ai ensuite donnée au musée des armées. En 2013, j’ai fait un livre aussi sur l’histoire de Ségou. C’est un livre illustré, fait aussi à l’image de celui que j’ai fait sur Bamako. Mais pour le cas de Ségou, le titre est : Ségou une région d’histoire.  J’ai écrit ensuite un ouvrage sur l’histoire du palais présidentiel de Koulouba avec pour titre Koulouba le Palais du Mali paru en 2017 et préfacé par le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta. Je le remercie à travers vos colonnes pour cet honneur. Pour rappel, j’ai été l’architecte du palais présidentiel après les événements de 2012. Le chantier a duré de 2014 à 2017.

Pour la petite histoire, en 2005, le président ATT a célébré les 100 ans du palais présidentiel, je faisais partie du comité d’organisation sous la direction du Professeur Bakary Kamian. Je m’étais alors occupé du côté historique car j’avais trouvé à l’époque des archives sur le Palais. Cela avait abouti à la réalisation d’une exposition sur l’histoire du palais et le président IBK, en sa qualité de président de l’Assemblée nationale, à cette période, a vu l’exposition et connaissait déjà mon travail sur le sujet. C’est cette passion pour le bâtiment qui a facilité ma participation au projet de reconstruction du palais après les événements de 2012.

Et mon dernier livre qui vient de paraître en 2020 porte sur les symboles de la République. Il reprend en grande partie les nombreux éléments de la plaquette sur le même sujet paru en 2010, mais qui a été enrichie, corrigée de contributions d’hommes politiques, d’anciens Premiers ministres, de spécialistes de différents secteurs, avec par exemple les paroles de l’hymne national en bambara qui ont été ajoutées. Entre 2017 et 2020, j’ai écrit aussi un roman qui ne se déroule pas au Mali, mais pour mon second roman, je vais m’inspirer du Mali pour l’écrire.  Ce deuxième roman relatera la vie d’un personnage important pour l’histoire du pays, il s’agit de Abderahamane Touré surnommé “Toubabou Dramane”, puisque c’est lui qui a guidé les Blancs, plus précisément le capitaine Gallieni sur Bamako. Toubabou Dramane, faut-il le rappeler, était le neveu d’un des trois chefs de Bamako à l’époque.

Vos ouvrages sont-ils bien accueillis par les autorités et aussi par le grand public ?

Je fais ce travail par passion. L’avantage, c’est que je suis né à l’étranger, donc à mon arrivée au Mali je ne connaissais pas grand-chose sur le pays. Si j’étais lié à telle famille ou autre, on pouvait parler de parti-pris. Je viens avec un regard extérieur.  Dans le livre sur les symboles de la République, il y a les biographies des différents présidents de la République qui se sont succédé à la tête de l’Etat depuis l’indépendance. Mon objectif, c’est d’être impartial car c’est important que chaque Malien puisse se retrouver dans mes œuvres.

Par exemple, dans mon livre sur l’histoire de Bamako, il y a autant d’imams que de prêtres en photo. Le public accueille très bien mes ouvrages car j’essaie de ressusciter une mémoire, parler de grands personnages, de grands événements. C’est vrai que j’écris avant tout par passion, mais après la parution de mon premier livre, vu l’engouement suscité, j’ai constaté que j’apportais aussi quelque chose au Mali.

En tout cas, mon souhait est que mes livres soient accessibles au grand public même si ces œuvres ont un coût. Sinon, si je pouvais les distribuer gratuitement au public, j’allais le faire sans hésiter, mais fabriquer un livre ça coûte de l’argent car même si l’édition est malienne, il est imprimé à l’étranger.

Quant aux autorités, elles accueillent ces ouvrages tels qu’ils sont. Je pense, qu’il peut y avoir des critiques, des manquements, des erreurs, mais comprenez seulement que je considère mes livres comme des pierres aux sujets que j’aborde pour permettre à d’autres de parfaire leurs réflexions. Pour rappel, les autorités ont acheté beaucoup d’exemplaires sur les symboles de la République, notamment pour les écoles de formation militaire du pays.

Vous avez eu à parler de l’accessibilité de vos livres, est-ce que vos ouvrages sont disponibles dans les librairies et les bibliothèques ?

Je me conforme à la loi car après chaque parution, je fais un dépôt légal de deux exemplaires des livres à la Bibliothèque nationale. Là-bas, chaque Malien peut les consulter. Ensuite, les livres sont proposés à la vente dans les différentes librairies du Mali.

En termes de publication, qu’avez-vous comme projet dans les mois ou années à venir ?

J’avance beaucoup sur le roman sur Abderahamane Touré. Mais je me suis rendu compte aussi qu’il y a de grands personnages maliens qui n’ont pas fait l’objet d’assez d’écrits et dont on risque de perdre les traces ou la mémoire rapidement. Du vivant du Professeur Bakary Kamian, je l’invitais toujours à écrire ses mémoires, parce que discuter avec le Professeur Kamian, c’était passionnant, il pouvait vous parler de son premier discours devant le président Modibo Kéïta au lycée Askia Mohamed. Mais sur tout ça, il ne l’a pas écrit. C’est une perte immense. Je me suis dit qu’il y a des personnages qui ont eu des vies, des carrières incroyables qui risquent de tomber dans l’oubli. C’est pourquoi, j’ambitionne de faire des écrits sur des personnages maliens dans différents secteurs, notamment artistiques, sportifs, vivants ou disparus et qui ont marqué leurs époques à l’étranger ou au Mali.

Vous souhaiterez commencer avec quel secteur ?

Je veux commencer avec deux secteurs, notamment les grands noms de la peinture malienne car ce secteur est très dynamique, surtout depuis la création du conservatoire Balla Fasséké Kouyaté, avec de grands noms qui exposent un peu partout à travers le monde, mais qui ne sont pas assez connus au Mali.

Et puis, le deuxième secteur portera sur les grands noms du football malien, qui ont fait des carrières exceptionnelles au Mali ou à l’étranger. Je suis en train de chercher un format pour que ces œuvres profitent financièrement à la formation des jeunes peintres et aussi soutenir des anciens footballeurs qui sont en difficulté. Pour cela, je voudrais chercher des partenaires car pour les autres livres je les finance moi-même.

Vous avez un grand cabinet d’architecture, comment parvenez-vous à aménager votre temps pour l’écriture ?

C’est vrai qu’on me pose souvent cette question, mais en retour je réponds que l’on trouve toujours du temps pour ce que l’on aime. L’architecture, c’est mon métier, c’est ça qui me fait vivre et j’ai une équipe autour de moi pour gérer nos projets. Mon côté de chercheur écrivain me permet de m’épanouir aussi, mais d’une façon plus personnelle.

Votre mot de la fin ?

Je vous remercie déjà de vous intéresser à mon travail. Vous savez, mes projets, je les garde toujours secrets et les gens les découvrent le plus souvent après leur finition. J’aime toujours aussi échanger avec le public, donner des conférences sur les sujets que je traite.

Je profite de cette opportunité pour lancer un appel aux écoles, aux universités, pour dire que je suis disponible pour expliquer davantage mes œuvres, qui faut-il le rappeler, sont des livres d’histoire, mais écrits par un architecte, donc je suis un autodidacte passionné.

En plus, j’encourage les étudiants en histoire à faire ce genre de recherches, même si c’est un peu difficile sur le plan financier car si je devais vivre seulement de l’écriture de mes livres je ne sais pas de quoi je vivrais car écrire ce genre de livres me coûte plus d’argent que cela ne m’en rapporte. Mais il faut que les jeunes sachent qu’il faut préserver cette mémoire du Mali, je rêverai un jour d’avoir un groupe de jeunes étudiants autour de moi et les lancer sur des sujets de recherches, mais il faudrait que j’arrête mes activités d’architecte, ce qui ne sera possible que lorsque je serai à la retraite.

         Réalisé par Kassoum THERA

Source: Aujourd’hui-Mali

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