Chose promise, chose due : nous vous livrons ici la suite (et pas encore la fin) de nos investigations portant sur le scandale autour du futur passeport malien dont le marché a été abusivement attribué à une société de droit français à la suite d’une procédure violant toute orthodoxie.
Nous vous annoncions le scandale en question dans notre livraison du jeudi 28 Août 2014 sous le titre«MINISTÈRE DE LA SECURITÉ INTÉRIEURE : Gros scandale financier autour du marché des passeports électroniques maliens».
Pour rappel : Le ministère en question a décidé d’attribuer, sans appel d’offre, le contrat de conception des passeports électroniques maliens à la société de droit français, «Oberthur Technologies» ; laquelle a son tour, a créé une entité de droit malien dénommée «Société Mali Solutions numériques» devant sous-traiter le marché.
Les documents afférents aux deux sociétés et au contrat de concession comportent de nombreuses anomalies préjudiciables à l’Etat du Mali. Il s’agit en l’occurrence de «l’accord de collaboration» signé, côté malien par le Général Sada Samaké, ministre de la Sécurité et, côté français, par M. Guy Clec‘h, administrateur de la société «Oberthur Technologies» et du«Contrat de concession confidentiel Ref OT 2014-377» paraphé par l’Etat du Mali à travers le ministre de la sécurité intérieure et la «Société Mali Solutions numériques» dont l’actionnaire principal n’est autre que «Oberthur Technologies». Aussi, le Directeur Général et Administrateur unique de cette société malienne est français et détient tous les pouvoirs selon les termes de référence du document (contrat de concession). En somme, au regard des textes, ce D.G est l’équivalent du «premier ministre de plein pouvoir » bien connu chez nous. Les autorités maliennes n’ont rien à dire ou à décider. Pis, le contrat fait obligation à l’Etat du Mali de mettre ses ressources humaines et matérielles (dont son patrimoine foncier) à la disposition du concessionnaire. Et que gagne-t-il en contrepartie ? Aucun des documents ne le précise. Il s’agit donc d’un marché de dupes. Et le Mali s’avère le dindon de la farce.
Dans quelles conditions la République s’est-elle engagée dans ce guêpier ? Qui en sont les véritables auteurs ? Quel sera le coût réel du nouveau produit ? Quels peuvent être les conséquences du choix d’une société privée française dans la conception de passeports électroniques maliens, surtout du côté de la diaspora ? A ces interrogations, nous avions promis de donner des réponses. Et nous y sommes. D’abord quelques précisions.
L’actuel passeport malien, sécurisé :
Nous n’avions pas la prétention de soutenir ici que le passeport malien en vigueur est infaillible. Les experts ont cependant des préjugés très favorables à son sujet. Il est très difficile, voire, impossible à falsifier (personne ne se souvient de la falsification d’un passeport malien au cours de la dernière décennie). Il s’agit d’un produit issu de la technologie canadienne et il serait très en avance sur les documents de nombreux pays occidentaux. Il est aujourd’hui cédé à 50.000 F CFA et présente de nombreuses garanties. Et tenez-vous bien : c’est sur la base d’un contrat signé en 2001 avec l’Etat du Canada et devant expiré en 2015 que le Mali s’est engagé dans ce créneau. C’est la « Canadian Bank » qui a entièrement financé l’opération. Et le saviez-vous ? C’était avec le ministre Sada Samaké.
Mais aujourd’hui, moins d’une année de l’expiration du contrat, le ministre Samaké qui est revenu aux affaires, s’abstient de rencontrer ses bienfaiteurs d’il y a dix ans. Beaucoup d’eau a coulé sous le pond Fahd. En clair, la société a commencé à taper aux portes du ministère de la sécurité intérieure depuis la signature du contrat d’avec les canadiens.
Les généraux Sadio Gassama et NY Diallo en visite à Paris sur invitation de la sociéé « Oerthur Technologies »
Année 2011 soit dix ans plus tard ! Un nouveau ministre de la sécurité intérieure était aux commandes aux dernières heures du règne d’ATT. Il s’agit du Général Sadio Gassama. Et La société «Oberthur Technologies» n’avait nullement abandonné son projet. Afin d’inciter les autorités maliennes à y adhérer, elle invita le ministre en question à visiter ses installations à Paris. Bien entendu, la visite n’était pas officielle, étant entendu que la société «Oberthur Technologies» reste une entreprise privée et non d’Etat, du moins, officiellement. Le séjour de nos deux hauts gradés (Sadio Gassama et N.Y. Diallo) fut totalement pris en charge par les hôtes dans un hôtel 5 étoiles. Et pour les convaincre d’adhérer à sa proposition, «Oberthur Technologies» leur fit visiter ses installations (imprimeries, bureaux, etc.). Selon toute évidence, les visiteurs revinrent convaincus (on imagine les non-dits du séjour parisien) et s’apprêtaient à jouer le jeu. Et patatras ! Survint le coup d’Etat de mars 2012 !
Le Lieutenant Amadou Konaré nomme son père Adama Konaré, directeur de la Police des frontières :
C’est le père de l’ex-putschiste, Amadou Konaré, devenu Capitaine, qui fut nommé à la tête de la police des frontières. La cacophonie et les tripatouillages aidant, la société «Oberthur Technologies» revint encore à la charge. Et le dossier, à la surface.
Outre le nouveau directeur Adama Konaré, le nom du Colonel Hama Barry ainsi que celui du DAF reviennent constamment dans le dossier. Mais le premier (Adama Konaré) n’eut pas le temps de conclure l’affaire. Il fut admis à la retraite. Le dossier resta caché dans les tiroirs. Mais voilà qu’à la suite du scrutin présidentiel de 2013, arriva un nouveau président démocratiquement élu lequel lança son dévolu sur le Général Sada Samaké celui-là même à l’origine profonde de l’affaire. Le dossier fut donc épousseté et remis au goût du jour.
Nul besoin de revenir sur les actes posés par ce dernier (lire article «MINISTÈRE DE LA SECURITÉ INTÉRIEURE : Gros scandale financier autour du marché des passeports électroniques maliens» – «La Sentinelle N° 48 du jeudi 28 Août 2014).
Nous évoquerons, dans nos prochaines livraisons, les contraintes qu’est susceptible de rencontrer la diaspora malienne suite au transfert des données biométriques et à la conception de documents de voyage maliens par une société privée française.
A suivre donc !
B.S. Diarra
Encadré
Après l’eau, l’électricité, les hydrocarbures…
Le prix du passeport aussi !
Le saviez-vous ? Sur la base du contrat de concession, c’est le concessionnaire, à savoir, le sous-traitant de lasociété«Oberthur Technologies» qui fixe désormais le prix du nouveau document malien. L’annexe 7 (Rémunération, prix minimum et variation du prix – page 39/51 du contrat de concession) précise en effet ce ceci : «le prix du passeport fixé par voix de décret est fixé par le concédant étant entendu qu’il ne saurait être inférieur à 65.000 F CFA». Et l’alinéa suivant de signaler que le prix en question ne pourra être «revu qu’à la hausse».
C’est dire que la hausse tarifaire touchera désormais les documents maliens ce, après celle de l’électricité, de l’eau, des hydrocarbures… De 50.000 F CFA, le prix document connaîtra en effet une hausse de 15.000 F CFA, soit 65.000 F CFA à l’acquisition ! Mais il y a pire !
Nous avouons avoir douté de notre modeste faculté de compréhension à la lecture de ces points d’accord. Aidez nous, chers lecteurs ! N’est-ce pas que c’est le concessionnaire qui fixe là son prix au gouvernement du Mali et l’incite à prendre un décret pour ce faire ? Un prix, par surcroît, qui ne saurait être revu à la baisse, nonobstant d’éventuelles fluctuations du prix des intrants ou autres commodités du moment ? Par pitié, aidez-nous à comprendre !
A suivre
B.S. Diarra
Pas d’intimidation :
Suite à notre livraison du jeudi dernier, nous avions reçu des réactions de policiers zélés d’ores et déjà affectés ou ayant obtenu la promesse ferme de la Direction de la police d’être affectés à ce qui doit être les nouveaux Services de l’immigration.
«C’est mal connaître le fauve que le tirer par la queue» dit un adage du terroir. Un seul message à l’endroit de ces chiens de garde: nous ne reculerons pas ! Alors que les griots préparent d’ores et déjà les louanges aux futurs vainqueurs ! Il parait que c’est la mort individuelle qui s’avère douloureuse pour les vivants. On l’accepte mieux quand elle est collective.
La Rédaction