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Rédaction d’une nouvelle constitution: Cheick Sidi Diarra donne son avis

Le Décret n°2022-0342/PT-RM en date du 10 JUIN 2022 du Président de la Transition crée une Commission chargée d’élaborer une nouvelle Constitution.
Il y a de cela un peu plus d’une année, je soulevais les questionnements ci-après à propos d’une autre initiative de révision de la Constitution de 1992.
«La réforme d’une Constitution est l’acte le plus important qu’une Nation puisse poser.

Elle détermine l’évolution des choix sociétaux.
Elle détermine les institutions que la Nation voudra préserver, celles dont elle veut se passer et celles nouvelles qui incarneront les priorités tout aussi nouvelles.
Elle détermine les relations entre les institutions, en tirant les leçons des insuffisances et déséquilibres actuels ayant conduit à la crise qui nous assaille.
Un travail d’une telle importance doit émaner d’orientations claires que seules les forces vives de la Nation peuvent définir…»
Les mêmes questionnements persistent à propos de la rédaction d’une nouvelle Constitution.
La Commission désignée a certainement reçu des orientations stratégiques.
Ces orientations sont d’abord des choix politiques avant d’être traduites en texte juridique régissant la vie de la nation..
Et quelle est l’entité légitime pour définir ces choix sociétaux ? Les experts de la Commission nationale? le Président de la Transition ? L’organe législatif? Que non! Ce sont les forces vives (partis politiques, société civile) de la Nation qui doivent définir ces orientations dans une démarche concertée et consensuelle.
C’est seulement après cela que la Commission d’experts intervient pour traduire dans les textes juridiques les orientations reçues.
Ne vous dites jamais que le «oui» ou le «non» résultant d’une consultation référendaire suffit à exprimer le choix du peuple. Ce serait une arnaque.
L’autre question majeure est le choix de l’élaboration d’une nouvelle Constitution vers quelle destination? La 4e République?
C’est un leurre de penser aller à la 4e République aussi aisément.
Pour y aller, il est une question préjudicielle à laquelle il faudra répondre. Quelle sera la forme de notre 4e République?
Le Régime purement présidentiel? On n’en voudrait pas, car nos présidents au Mali sont des Mandé Mansa, sans aucun contre-pouvoir. Leur seule limite c’est celle que les coups d’Etat leur imposent.
Le régime semi-présidentiel? C’est celui que nous avons essayé depuis 1992. Le Gouvernement y est supposé «déterminer et conduire la politique nationale», mais dans la pratique le Premier ministre n’a aucune indépendance vis-à-vis du Président de la République. Il est à sa merci.
Allons-nous vers le système parlementaire? C’est un système de gouvernance très instable, qui est fonction de là où la majorité parlementaire se trouve. Il suffit d’un changement de majorité parlementaire ou d’alliance pour que le Gouvernement tombe. C’est l’exemple en Israël, en Italie, au Japon (un royaume) et dans les pays de l’Europe du Nord. C’était le cas en France sous les 3e et 4e Républiques.
Si nous voulons des institutions stables et fortes, le système parlementaire n’est pas pour nous.
Enfin, nous avons le système en Afrique Australe où le Président de la République est élu au suffrage indirect par la majorité au Parlement. Le Parlement le démet également de ses fonctions avant terme en cas de mauvaise gouvernance avérée.
En dehors de ces systèmes, je n’en connais pas d’autres qui soient républicains à moins de revisiter l’empire ou le royaume que nous avons déjà pratiqué et dont on aime à se réclamer.
La dernière question, qui est de loin la plus importante c’est celle de savoir le dessein qui se cache derrière le projet de nouvelle constitution?
En général, les initiateurs d’une nouvelle constitution cherchent à tripatouiller dans leurs textes fondamentaux pour faire table rase du passé et pouvoir briguer un ènième mandat.
L’autre hypothèse c’est toujours pour faire table rase du passé afin d’absoudre une turpitude ou un crime sanctionné par la constitution existante.
Si nous n’avons aucune des intentions ci-dessus, je suggérerai fortement qu’on s’en tienne à une révision de la Constitution, surtout que nous vivons une expérience d’exception qui n’est pas nécessairement habilitée à rédiger le texte fondamental de la Nation pour toute une génération.
J’ai écrit ceci et je l’offre comme contribution au débat.

Cheick Sidi Diarra

Source : Info-Matin

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