PORTRAIT. Partisan du président Félix Tshisekedi, Christophe Mboso N’Kodia Pwanga, 78 ans, a été élu à la tête de l’Assemblée nationale dont il est également le doyen.
Le président de la République démocratique du Congo Félix Tshisekedi a commencé mercredi à consolider son nouveau pouvoir sur l’ensemble des institutions du géant d’Afrique centrale après avoir mis à l’écart son prédécesseur Joseph Kabila, avec l’élection d’un nouveau président à l’Assemblée nationale, jugé proche. Sur 466 votants, Christophe Mboso N’Kodia Pwanga a été élu président de l’Assemblée avec 389 voix ; 69 bulletins ont été déclarés nuls et il y a eu 8 abstentions, a constaté l’Agence France-Presse. Cette élection n’est pas vraiment une surprise. Candidat unique – ses concurrents ayant été disqualifiés – et doyen de l’Assemblée à 78 ans, Christophe Mboso N’Kodia Pwanga s’est rallié officiellement au président Tshisekedi en décembre après avoir quitté Joseph Kabila et son Front commun pour le Congo (FCC), comme une bonne partie de la classe politique.
Qui est Christophe Mboso N’Kodia Pwanga ?
Originaire du Kwango, diplômé en sciences politiques et administratives de l’université de Lubumbashi, le doyen de la chambre basse est élu sur ses terres dès les années 1970 sous Mobutu Sese Seko. Mercredi, il a promis dans son discours de lutter contre la pauvreté et de faire la promotion d’un État de droit durant son mandat. Il promet aussi de renforcer la collégialité, la proximité et la transparence autour des autres députés. Et pour cause, il connaît parfaitement le fonctionnement des institutions congolaises. Membre de plusieurs commissions parlementaires jusqu’en 1990, ce chevronné de la vie politique congolaise occupe plusieurs fois les fonctions de ministre, allant des Mines au Portefeuille passant par l’Énergie et Affaires foncières, Agriculture, Santé publique, Travail et Prévoyance sociale ainsi que Sport et Loisirs… jusqu’à la chute de Mobutu, en 1997. Il prend alors la route de l’exil, pour quelques mois seulement, avant de revenir au pays en 1998 pour fonder la Convention pour la République et la démocratie (CRD).
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Les pro-Tshisekedi en force
Avec cette élection, le chef de l’État poursuit sa marche vers un contrôle de tous les leviers du pouvoir pour appliquer sa politique de réformes soutenue par les États-Unis et l’Union européenne, dans ce pays dont la région Est (Kivu et Ituri) est en proie aux violences liées à la présence de dizaines de groupes armés. À l’issue du vote de ce mercredi, un bureau collégial pro-Tshisekedi, composé de sept membres, dont deux femmes, a remplacé l’ancien à l’Assemblée où l’« Union sacrée de la nation », nouvelle plateforme politique voulue par Félix Tshisekedi, revendique désormais 391 sur 500 députés. Toutes les autres candidatures, à différents postes, non parrainées par cette « Union sacrée de la nation », avaient été invalidées.
La mise en place du nouveau bureau prouve que « le train de la démocratie est bel et bien en marche dans notre pays » et « nous allons vaincre ensemble les vicissitudes et les poches d’insécurité » dans l’est du pays, a déclaré Christophe Mboso N’Kodia Pwanga à la clôture de la session parlementaire.
Avec cette élection, le président Tshisekedi a entièrement retourné l’ex-majorité parlementaire fidèle à Joseph Kabila, depuis qu’il a annoncé le 6 décembre la fin de la coalition au pouvoir avec son prédécesseur. Dès le 10 décembre, une majorité de députés autrefois fidèles à Kabila se prononçait en faveur de la destitution de l’ancienne présidente pro-Kabila de l’Assemblée, Jeanine Mabunda, et de l’ensemble des membres de son bureau.
Jusqu’à début décembre, les partisans de l’ex-président Kabila revendiquaient une majorité de plus de 300 députés sur les 500 depuis les élections législatives du 30 décembre 2018. L’élection du nouveau président de l’Assemblée intervient quelques jours après la destitution du Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba, à l’issue d’un vote contre son gouvernement à l’Assemblée nationale, sous la présidence provisoire de Christophe Mboso N’Kodia Pwanga.
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Reste le cas Thambwe Mwamba
Parallèlement, le président du Sénat, Alexis Thambwe Mwamba, dernier proche de Joseph Kabila à la tête d’une institution, fait face à une double offensive judiciaire et politique. En effet, le procureur de la Cour de cassation a sollicité le bureau du Sénat pour qu’il « autorise l’instruction » contre M. Thambwe Mwamba, « pour détournement des deniers publics ». Le détournement présumé concerne « deux millions d’euros » et « un million de dollars » que M. Thambwe Mwamba s’est fait remettre « à sa résidence » le 6 janvier. Dans sa réponse à la requête du parquet, le bureau du Sénat a confirmé qu’Alexis Thambwe Mwamba avait « accepté de loger ces fonds provisoirement à son domicile », à cause d’ « une forte effervescence » ce jour-là, dans les locaux de l’Assemblée nationale qui jouxtent ceux du Sénat. « Le trésorier a récupéré les fonds pour les acheminer à la trésorerie du Sénat » le lendemain, a précisé le bureau du Sénat, en estimant « qu’il n’y a pas matière à autoriser l’instruction sollicitée ». « Il n’y a pas eu détournement de ma part », a déclaré pour sa part Alexis Thambwe Mwamba à la télévision d’État, RTNC.
Par ailleurs, une motion de censure pour « mauvaise gestion », signée par 64 sénateurs sur 109 au total, a été déposée mardi contre l’ensemble des membres du bureau du Sénat, sauf son vice-président Samy Badibanga, un pro-Tshisekedi. « La pétition n’a, à mon avis, pas été déposée pour des questions liées à des problèmes de gestion, mais pour des raisons politiciennes », a déclaré Alexis Thambwe Mwamba au magazine Jeune Afrique. Cependant, « si ceux qui nous ont donné le mandat décident de le retirer, je partirai sans problème », a-t-il dit par ailleurs sur la RTNC. Mercredi, le secrétaire général du Sénat (un haut fonctionnaire, non élu) a convoqué une plénière pour jeudi avec pour ordre du jour : « identification et installation du doyen d’âge », qui fera office du bureau provisoire de cette assemblée. Ancien ministre de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba est le dernier partisan de l’ex-président Kabila encore à la tête d’une institution. Troisième personnalité du pays, le président du Sénat remplace le chef de l’État en cas d’empêchement. La prochaine session de l’Assemblée et du Sénat est prévue pour le 15 mars.
Par Le Point Afrique