Dans son rapport intitulé « Étude nationale sur le coût financier des campagnes électorales et des mandats électifs au Mali », l´Institut néerlandais pour la Démocratie multipartite (NIMD) en partenariat avec le Groupe « Observation des Dynamiques sociales, spatiales et Expertise endogène » (Groupe ODYSSÉE) revient sur l’organisation des élections au Mali. Dans ce document, il est surtout question des sources de financement des candidats et des partis politiques. Se focalisant sur deux types d’élections, cette étude tente de déterminer l’effet de l’argent sur la « représentation et la légitimité » dans le système politique malien.
« Nonobstant les prescriptions de la loi électorale, on constate qu’au fil des différentes élections présidentielles, législatives et communales organisées depuis 1992, les campagnes électorales sont de plus en plus coûteuses et que l’argent en devient l’un des enjeux majeurs ». Ce passage par lequel commence le résumé de ce rapport d’une soixantaine de pages donne assez d’éclaircissements sur les raisons ayant motivé une telle étude : la mauvaise organisation des élections depuis l’avènement de la démocratie.
Les sources de financement
S’agissant des ressources de financements des campagnes électorales, il ressort de cette étude qu’elles sont de deux provenances : des ressources privées et des ressources publiques. Les premières proviennent des ressources personnelles des candidats, des contributions de leurs familles, des amis ainsi de leurs connaissances. Ces contributions représentent 80% des financements. À celles-ci s’ajoutent les contributions du parti, des prêts ainsi que des opérations économiques, indique-t-on dans le rapport.
« Les informations relatives au financement public des partis politiques sont plutôt lacunaires au niveau local », souligne-t-on dans le document avant de rapporter que certains candidats affirment recevoir des montants insignifiants de la part de la Direction de leur parti.
Quant au contrôle des dépenses des candidats lors des campagnes électorales, des difficultés subsistent, souligne-t-on. Elles relèvent du fait de l’inexistence de compte de campagne. Néanmoins, ces dépenses concernent entre autres les coûts de constitution des listes de candidatures, les coûts de la période de campagne électorale, ceux du jour du scrutin.
Les dépenses liées à l’organisation des campagnes électorales
Les coûts pour la constitution des listes électorales varient entre 10 millions (pour les législatives) et 100 000 ou 1 500 000 FCFA pour les communales par candidat. Ces coûts sont fonction du rang occupé sur la liste de candidature, indique-t-on dans cette étude.
Pour l’organisation des campagnes électorales, les dépenses se classent en plusieurs ordres. L’organisation de rassemblements politiques tourne autour de 4 640 625 FCFA (pour les législatives) et 3 835 714 FCFA (pour les communales). S’agissant du volet transport et déplacement du candidat, les dépenses varient entre 2 000 000 FCFA quand il s’agit des législatives et de 500 000 FCFA pour les communales.
Ce n’est pas tout, la restauration varie entre 700 000 FCFA pour les législatives et 200 000 FCFA pour les communales. À côté de cela, il y a les dépenses faisant état à la médiatisation. Les coûts de ces différentes activités sont compris entre 3 218 182 FCFA pour les législatives et 1 750 000 FCFA pour les communales.
Quant à la prise en charge des animateurs de campagne, elle s’élève à 3 986 364 FCFA pour les législatives et de 2 583 333 FCFA pour les communales.
Pour les sponsorisations de clubs de soutien, des activités sportives, des associations de jeunes et de femmes, le montant varie entre 2 080 000 FCFA pour les élections législatives et 880 000 FCFA pour les communales.
Les salutations et dons aux autorités traditionnelles et religieuses se comptabilisent à 860 000 FCFA s’il s’agit des législatives et à 400 000 FCFA pour les élections communales.
Les dépenses liées au jour de l’élection
Les campagnes ne marquent pas la fin des dépenses pour les candidats. Le jour fatidique une fois arrivée, plusieurs dépenses se font également. Elles se rapportent au transport des électeurs qui varie entre 1 000 000 FCFA pour les législatives et 560 000 FCFA pour les communales.
Ce n’est pas tout, les dépenses liées au carburant tournent autour de 700 000 FCFA quand il s’agit des législatives et de 200 000 FCFA pour les communales.
Quant aux indemnités des délégués, elles sont facturées à 350 000 FCFA pour les deux types d’élections. Les dépenses faites dans le but de motiver les électeurs à voter pour tel ou tel candidat, elles tournent autour de 8 000 000 FCFA pour les législatives et de 560 000 FCFA pour les communales.
Violation de la loi électorale
Il ressort alors de cette étude du groupe Odyssée, une violation flagrante de la loi électorale. Ces données montrent « le poids de l’argent sur la démocratie ». « D’une part, les interdits posés par la loi électorale sont contournés par les acteurs politiques (partis et candidats) et les électeurs eux-mêmes. D’autre part, les sanctions pénales prévues pour réprimer lesdites infractions demeurent lettre morte », déplore-t-on avant de signaler que sans un encadrement juridique des sources de financement des campagnes électorales et le renforcement de la législation sur les dépenses électorales, la transparence de la vie publique recherchée ne sera pas un acquis.
« La politique est considérée par beaucoup de personnes comme un investissement », lit-on dans cette étude qui remet en cause les modes d’inscription sur les listes de candidature. Des modes qui encouragent des candidatures opportunistes. « L’incidence du poids de l’argent sur le fonctionnement de la démocratie révèle des biais sérieux comme la non-prise en compte de la compétence, la pertinence de la proposition programmatique du candidat, la subordination de l’audience politique à la surface financière, l’exclusion du jeu politique des couches vulnérables comme les femmes, les jeunes et les minorités, la grande liberté des élus locaux ou nationaux par
rapport à leurs partis politiques, l’achat de conscience », rappelle-t-on.
Recommandations
Pour mettre un terme à toutes ces situations, cette étude recommande entre autres : le plafonnement des dépenses des campagnes électorales, l’ouverture obligatoire d’un compte de campagne pour les candidats, l’application stricte et effective des sanctions prévues contre les violations de la loi, la mise en place d’un cadre de concertation entre les élus et les populations, l’encadrement des investissements publics ou privés dans les équipements collectifs à l’approche des
élections, la mise en place d’un mécanisme indépendant de contrôle et de sanction des infractions, le respect de l’égal accès aux médias d’État.
« Toutes ces propositions devraient s’inscrire dans les réformes juridiques et institutionnelles à envisager dans le cadre du sursaut démocratique du pays et s’accompagner de campagne de formation et d’éducation à la citoyenneté, impliquant à la fois les partis politiques, les organisations de la société civile et l’État », précise-t-on.
Rappelons que l’article 79 de la loi électorale prévoit comme caution pour les candidats à l’élection présidentielle 25 millions de FCFA, la législative à 50 000 FCFA, pour les conseillers régionaux à 10 000 FCFA, pour les conseillers de cercle à 1000 FCFA et pour les conseillers communaux à 500 FCFA.
Les articles 70 et 73 de ladite loi font état du déroulement de la campagne électorale et des interdits au cours de cette campagne ainsi que des sanctions prévues.
Fousseni TOGOLA
Source : LE PAYS