Dans son rapport mondial intitulé « Rapport Mondial 2019 : événement de 2018 » composé de cinq parties en plus d’une introduction, Human Right Watch (HRW) passe en revue les violations graves des droits humains dans le monde. La première partie est consacrée à l’Afrique notamment le Burundi, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, la Guinée équatoriale, le Mali, la République démocratique du Congo et le Rwanda. Les Amériques viennent ensuite avec des pays comme le Canada, les États-Unis, le Haïti et le Venezuela. Ensuite, la troisième voit apparaître l’Asie notamment le Cambodge et la Chine. Dans l’avant-dernière partie, nous retrouvons l’Europe notamment l’Asie centrale avec deux pays : Union européenne et la Russie. Enfin, le Moyen-Orient notamment l’Afrique du Nord avec au menu : l’Algérie, l’Arabie saoudite, l’Égypte, l’Iran, la Libye, le Maroc et le Sahara occidental, la Mauritanie, la Syrie, la Tunisie et le Yémen. La Mauritanie voit pour la première fois son nom dans ce rapport.
L’année 2018 s’est vue marquée par la montée en puissance des dirigeants autocratiques dans la plupart des pays démocratiques. Contrairement aux dictateurs traditionnels, note-t-on dans le rapport, les aspirants autocrates dans ces différents pays sont issus de pays démocratiques. Ils déploient différents moyens afin d’atteindre leur but. Ces nouveaux autocrates, précise-t-on dans ledit document, désignent « des minorités vulnérables comme boucs émissaires et les diabolisent » afin de se construire un « soutien populiste ». Outre cela, ils affaiblissent les mécanismes de protection du pouvoir exécutif, notamment les mécanismes nécessaires à la protection des droits humains comme la création d’une justice indépendante, des médias libres et un « tissu associatif vigoureux », explique Human Right Watch.
« Les dirigeants autocratiques résolvent rarement les problèmes qu’ils invoquent pour justifier leur arrivée au pouvoir ; en revanche, ils laissent en héritage leurs propres abus », lit-on dans le rapport. Ces autocrates gouvernent dans la plupart des cas sans contrepouvoir à qui rendre des comptes. En conséquence, la répression, la corruption et la mauvaise gestion deviennent les réalités phares de leur gouvernance, déplore-t-on dans ledit document qui précise que leur seul souci reste la préservation de leur pouvoir.
Le « cout humain » des actions de ces nouveaux dirigeants est trop lourd, mais « Comme ils n’aiment pas que l’on s’intéresse à leur propre bilan en matière de droits humains, les dirigeants autocratiques tentent également à s’abstenir de toute défense des droits humains au-delà de leurs frontières », indique ce rapport.
À s’en tenir au contenu de ce document, on se rend compte que c’est ce désengagement qui rend la tâche plus facile à ces dirigeants qui s’adonnent à des atrocités en grande pompe sans n’être nullement inquiétés. À ce titre, plusieurs exemples sont au menu dans ce document sur les violations des droits humains dans le monde dont les meurtres, les viols voire les incendies commis par l’armée birmane contre les musulmans rohingyèrent.
Pour ce cas, précise HRW, le conseil des droits de l’homme de l’ONU a créé un mécanisme d’enquêtes susceptible de mener des poursuites afin de préserver les éléments de preuve, identifier les responsables et instruire les dossiers. « Au-delà du Conseil des droits de l’homme, des gouvernements ont également accompli des actes importants de défense des droits humains dans d’autres forums. En particulier, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) habilitée à déterminer, dans toute situation donnée, si des armes chimiques ont été utilisées, mais pas qui les a utilisées », explique HRW avant de déplorer l’opposition de la Russie à cette décision. Comme cause de cette opposition, le rapport note que la Russie a été au côté de la Syrie lors de son utilisation répétée d’armes chimiques, mais aussi par le fait qu’elle-même a utilisé un produit « neurotoxique », le Novichok, dans la tentative d’assassinat d’un espion en Grande-Bretagne.
« L’action multilatérale qui a peut-être sauvé le plus de vies au cours de l’année écoulée a concerné la Syrie », précise HRW avant de noter que « Certains dirigeants politiques décident de violer les droits humains parce qu’ils y voient des avantages, que ce soit pour se maintenir au pouvoir, pour garnir leurs comptes en banque, ou pour récompenser leurs acolytes », explique-t-on. Tel le cas de Joseph Kabila dont le rapport cite expressément.
En 2018, les revendications des pays africains de se retirer de la CPI se sont limitées grâce à la résistance d’organisations de la société civile. Cependant le rapport précise que seul le Burundi s’est retiré. Pour cause, le rapport note que cela constitue pour Pierre Nkurunziza un moyen d’éviter de se retrouver à cette institution internationale pour répondre au crime commis lors de la répression brutale de ceux qui s’opposent à sa volonté de prolonger le nombre de mandats en réformant la constitution.
Le cas du Mali
« La situation des droits humains au Mali s’est gravement détériorée en 2018, des groupes islamistes armés ayant considérablement intensifié leurs attaques visant les populations civiles, l’armée ayant commis des atrocités lors d’opérations de lutte contre le terrorisme et les violences intercommunautaires ayant fait des centaines de morts et provoqué une crise humanitaire », déplore HRW.
Le nombre de morts civiles au centre du Mali est évalué à 300 victimes. Les allégations d’irrégularité de l’élection présidentielle sont également évoquées au rang des violations de droits de l’homme au Mali. Outre ces cas, l’interdiction des manifestations ainsi que la fermeture d’une radio locale sont également notées par HRW qui déplore que « Peu d’efforts ont été consentis afin que justice soit faite pour les victimes d’exactions, et les institutions garantes de l’État de droit sont restées faibles ».
En ce qui regarde les droits des enfants, Human Rght Watch note que plus de 25 enfants ont été tués au centre et au nord du Mali en 2018. En plus de cela, le droit à l’éducation a été bafoué par la fermeture de plus de 735 écoles privant ainsi 225 000 enfants de ce droit à l’éducation.
« Le système judiciaire malien pâtissait de négligence et de megestion, et l’insécurité avait conduit de nombreux membres du personnel judiciaire à abandonner leur poste dans le nord et le centre du Mali », note avec regret HRW. À cause de l’incapacité de traiter les dossiers avec satisfaction, plusieurs prisonniers ont fait l’objet d’une détention prolongée, regrette HRW.
Le rapport note avec satisfaction les interventions de pays internationaux dans la crise malienne notamment les appuis à la force du G5 Sahel à travers l’engagement des bailleurs de fonds internationaux à octroyer plus de 500 millions de dollars US, dont 116 millions d’euros provenant de l’Union européenne.
Des résistances ont été organisées partout dans le monde
Face à de telles violations des droits de l’homme, note avec plaisir le rapport, la résistance ne s’est pas fait attendre de la part de gouvernements et d’organisations de la société civile soucieux de la protection de ces droits. Comme moyen, ils ont décidé d’ « accroitre le prix à payer pour ces décisions abusives ». La plupart des décisions devront être appliquées par les Nations Unies notamment son conseil des droits de l’homme ; or, cet organe se trouve dominé par des poids lourds comme la Chine, la Russie, l’Égypte et l’Arabie Saoudite. C’est la raison pour laquelle, au cours de l’année 2018, beaucoup de décisions prises par cet organe pour accroitre les pressions sur le Myanmar, l’Arabie Saoudite et le Venezuela, se sont couronnées d’échecs, déplore-t-on.
Néanmoins, HRW se satisfait du succès de certaines mesures pour la protection des droits de l’homme en 2018. Il s’agit des « efforts visant à empêcher un bain de sang en Syrie », de « résister à des courants autocratiques en Europe », de « défendre l’interdiction des armes chimiques », de « convaincre un président africain d’accepter des limites constitutionnelles à son règne » et d’ouvrir des enquêtes sur l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.
« Ces pressions croissantes illustrent la possibilité de défendre les droits humains — ou plutôt, la responsabilité de le faire — même en des temps difficiles », note Human Right Watch qui précise : « La résistance croissante à l’exercice autocratique du pouvoir et à la corruption que celui-ci a fréquemment alimentée a pris des formes diverses au cours de l’année écoulée. »
Ces résistances sont venues soient des élections soit du public, rappelle HRW. La plupart de ces résistances ont eu lieu grâce aux manifestations des citoyens eux-mêmes comme ce fut le cas aux États-Unis pour protester contre la « politique de l’administration Trump » de séparer de force les enfants migrants de leurs parents.
« De nouveaux gouvernements peu habitués à s’investir dans la défense des droits humains ont dû s’y mettre, plusieurs gouvernements importants ayant fait défaut », lit-on dans ce rapport. Parmi les nouveaux gouvernements qui se sont ralliés au rang des défenseurs des droits de l’homme en 2018, HRW mentionne la France, la Britannique et l’Allemagne. Ceux ayant travaillé à sa violation sont notamment les États-Unis, la Russie et la Chine, note HRW.
La Mauritanie s’est fait cette année une place dans ce rapport
Les manifestations des activistes dénonçant le racisme, la discrimination ethnique, la persistance de l’esclavage ainsi que d’autres sujets ont reçu une réponse violente de la part des autorités montrant ainsi leur volonté à restreindre la liberté d’expression et de réunion. Des activistes ont été emprisonnés sur la base d’arguments peu justifiés, note HRW qui mentionne le refus de libération du blogueur Mohamed Cheick Ould Mkhaitir bien vrai qu’il a déjà purgé sa peine pour blasphème.
Le rapport mentionne également le cas du sénateur d’opposition Mohamed Ould Ghadda en détention préventive pour des accusations de corruption. « Outre les pressions sociales, diverses politiques et lois nationales qui pénalisent l’adultère et les crimes de moralité font qu’il est difficile et risqué pour les femmes de dénoncer les agressions sexuelles à la police, ce qui les rend vulnérables à la violence liée au genre », déplore HRW. Outre ces tentations contre les droits humains dans ce pays, le rapport de HRW déplore également l’autorisation de la peine de mort par les lois mauritaniennes.
Les violations ont pourtant continué
Toutefois, les mesures de résistances n’auraient pas servi à grande chose dans la mesure où la flèche des dirigeants autocratiques a exponentiellement monté dans la plupart des pays du monde. Cela, sur le plan social, politique, judiciaire qu’économique conduisant ainsi à l’endettement de maints pays et à la crevaison du budget de plusieurs pays, regrette HRW.
Fousseni TOGOLA
Source: Le Pays