Le ramadan est un mois béni. Les femmes le vivent difficilement, partagées qu’elles sont entre les obligations familiales et les attentes de la belle famille.
Mères de famille obligées de jeûner, les femmes vivent le calvaire durant les trente jours du mois béni de ramadan. Dès les premières heures de la journée, elles sont sur pied pour préparer le repas de l’aube que les hommes préfèrent chaud. Du kinkéliba neuf à la bouillie de mil en passant par un plat salé fait de sauce et de viande, le menu doit être lourd afin que monsieur ne ressente pas la faim tout le long de la journée. Mariame Doumbouya, secrétaire de direction, explique « la difficulté à allier le travail et les contingences familiales : j’ai un mari exigent qui ne mange que ce que je prépare. Il tient à consommer des plats chauds à l’aube avant d’aller à la mosquée ce qui signifie que je dois me lever vers deux heures trente minutes pour préparer, le servir à manger, prier, donner les directives et faire ma toilette pour être au service à sept heures trente. Mes journées sont harassantes durant le carême. Je me surprends entrain de dormir au bureau en fin de matinée ». Sa collègue renchérit « les hommes sont juste égoïstes, ils restent dehors jusque tard le soir et se tirent du lit la mine renfrognée prêt à admonester madame à la moindre occasion. Nous nous tapons tout le boulot de la maisonnée et non content de cela la belle famille nous met la pression dés le premier jour du ramadan ». Madame évoque ici l’épineux problème du « sucre du ramadan ».
Le sucre, prix du sacrifice
Autrefois, la femme mariée offrait quelques kilogrammes de sucre à ses beaux parents ou préparait un repas pour la grande famille. Cette tradition a aujourd’hui pris des proportions démesurées. Les hommes, radins et complices, laissent les femmes se débrouiller pour contenter la belle famille. Raky Siby, commerçante de son état, dit «payer un mouton, les condiments idoines, des pagnes Wax hollandais, des paquets de dattes, un sac de sucre, un carton de lait en poudre, du café et des caisses de boisson à déposer au pied de la belle-mère qui pour l’occasion fait venir ses filles. En plus de ces produits, je remets une enveloppe d’au moins cinquante mille francs à la maman de mon mari pour avoir sa bénédiction et éviter l’arrivée d’une coépouse, car qu’on me le dise ou pas, je sais que les copines de mon mari passeront dans la belle-famille avec des cadeaux ».
Fatim Sidibé, cadre dans une organisation internationale voit plus grand. Elle affirme « avoir payé le billet du petit pèlerinage à ses beaux parents. Mon mari tient à ses parents et sa mère est très opportuniste, donc je joue sur leur terrain en les comblant de cadeaux. En plus du sucre du ramadan, il faut gérer le quotidien et préparer la fête. Les hommes savent que tout ceci coûte cher, mais ils nous abandonnent à notre propre sort et si tu ne fais rien, les reproches pleuvent ».
Indexés du doigt, les hommes font la moue. Diack Ousmane, imprimeur à Dravéla estime que «les femmes nous font trop dépenser donc à l’occasion du ramadan, elles doivent rendre la monnaie à nos parents et si une femme mariée ne le fait pas, la copine le fera ». Le mois de ramadan vaut mille mois selon l’islam, mais pour les femmes mariées, il vaut douze mois. Dans tous les cas, si le « sucre du ramadan » permet de garder le mari alors pourquoi ne pas s’appauvrir le temps d’un carême, si bien sûr on tient à son mari et que ce dernier mérite le sacrifice financier.