Il nous a été enseigné à l’école que celui qui a planté un arbre n’a pas vécu inutile. Celui qui a creusé un puits ou réalisé un forage n’a pas non plus vécu inutile. Ces deux ont le dénominateur commun d’avoir servi l’humanité. Coller à Malamine Tounkara l’épithète de “serveur de l’humanité” ne saurait être une complaisance. L’ancien président de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali (CCIM), notre héros de la semaine dans le cadre de “Que sont-ils devenus ?” a toujours œuvré pour les bonnes causes de la société. Dans son cas précis, l’insistance de notre directeur de publication Alou Badara Haïdara était tellement forte que nous avons cherché à en connaître les tenants et les aboutissants. Notre rencontre avec Malamine Tounkara a levé toutes les équivoques sur son parcours, ce qui pouvait justifier l’intérêt de notre dirpub. C’est à dire qu’il est tout à fait logique de sortir de l’ombre l’ancien président de la CCIM. Quelle analyse comparative fait-il de la situation politique du pays ? Comment il est devenu président de la Chambre de commerce ? Pourquoi et comment le projet Tababus s’est estompé ? Qu’est-il devenu ? Malamine Tounkara nous a reçus à son bureau, sis à Hamdallaye ACI non loin de la Cour constitutionnelle.
Sur les raisons de son installation au Mali après ses études en France, Malamine Tounkara est à l’aise, se bornant à dire que le pays avait besoin de tous ses fils aux premières années de son indépendance.
Chacun où qu’il soit en son temps se devait de poser des actes de développement. Quid de son attachement aux activités commerciales qui touchaient directement la société : boutique “Prénatale”, la Société des transports internationaux (STI) pour l’acheminement de denrées alimentaires, le projet Tababus pour faciliter le déplacement des étudiants et désenclaver la ville de Bamako ?
Selon Malamine Tounkara, l’explication est très simple : toutes les activités qu’il a lancées en un moment donné répondaient précisément à un besoin crucial et immédiat de la population. Au-delà de sa renommée, des retombées financières, et malgré les coups bas pour étouffer ses projets, le sentiment d’avoir été utile dans la société lui donne une grande satisfaction morale.
Malamine Tounkara était un homme d’affaires qui avait le souci de la grandeur du Mali. Il n’avait pas un plan de carrière, mais réalisait des projets à court terme avec des résultats probants. Président de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali (CCIM), il n’a pas voulu briguer un second mandat parce qu’il est convaincu que la durée tue l’efficacité.
Une boîte aux idées
Mais il a le mérite d’avoir informatisé la CCIM, d’assurer son indépendance financière vis-à-vis de l’Etat, de faire la chambre d’arbitrage avec l’aide de la Banque mondiale, de lancer la Foire exposition de Bamako (Febak) et une école dans le secteur industriel et commercial. Diplômé en sciences économiques et en analyse d’entreprise sur le plan comptable et financier de l’Université de Paris, il rentre au Mali en 1970, pour se lancer dans les affaires. Malamine Tounkara crée la boutique “Prénatale” pour la vente de lingerie des femmes, d’articles pour nouveau-nés, de jouets. Ce premier projet a fait son temps dans la capitale.
Parallèlement à cette activité, il lance la STI avec trente camions de marque Mercedes, d’où son statut de représentant de la marque au Mali. La STI comble le déficit de transport pour l’approvisionnement du pays en denrées alimentaires de première nécessité et en équipement, en provenance des ports d’Abidjan et de Dakar.
Malheureusement, ce grand projet connaît son déclin en 1988 parce que les grands chargeurs comme la Sonatam et la Somiex ont arrêté leurs activités. Un an après ce triste sort réservé à la STI, Malamine Tounkara lance l’opération “Tababus” (60 bus) pour désenclaver du Nord au sud de Bamako.
Ce bon projet pour assurer la mobilité dans la ville et dont les résultats escomptés étaient visibles, devait par contre être soutenu par l’Etat, c’est-à-dire la non concurrence de Tababus par les Sotrama et les duru-duruni, un itinéraire propre aux bus.
Dommage que le non-respect de ses clauses par l’Etat a eu raison de cette troisième activité de Malamine Tounkara. En son temps président des sociétés de transport inter urbain, il est élu à l’unanimité président de la CCIM (1999-2004) en remplacement de Darhamane Hamidou Touré dit Darhat, décédé. A la fin de son mandat, il s’en va à Lomé pour diriger la Chambre de l’Union économique monétaire ouest-africaine, composée de l’ensemble des chambres de commerce, des chambres de métiers, des chambres d’agriculture.
L’indifférence des pouvoirs publics
Là aussi il n’a pas dépassé un mandat (2004-2009). Une telle responsabilité ne pouvait qu’enrichir son carnet d’adresses : relations dans la sous-région, ses expériences dans le domaine du transport, ses relations avec les chefs de l’Etat de l’Uémoa. Depuis 2004, Malamine Tounkara est le représentant du Port autonome d’Abidjan à Bamako. Cela explique-t-il son silence depuis quelques années ?
« J’ai compris qu’il y a eu un moment où on a cru que j’avais une position politique contraire à la situation. On m’a mis dans des difficultés volontaires. L’exemple palpable est celui du projet Tababus, qui avait 60 bus. Aujourd’hui, je ne sais pas où se trouve un seul bus. Ayant compris avec la sagesse qu’il me fallait, il était nécessaire d’avoir la sérénité de ne pas changer cette chose-là parce que je n’avais pas les moyens. Et pour me retirer je me suis tu ».
Malamine Tounkara est marié et père de deux enfants. Dans la vie il aime les personnes qui réussissent leur vie honnêtement, le travail bien fait, la franchise. Il déteste l’abus de la société et l’hypocrisie. Sa première entreprise boutique “Prénatale” avec des parents heureux dans l’attente de bébé, et le projet Tababus sont ses bons souvenirs. Aujourd’hui encore il est déçu de l’échec Tababus. Parce qu’il était animé de la seule bonne volonté de désenclaver le district de Bamako et atténuer la souffrance de la population en matière de transport.
Nous avons rencontré l’ancien président de la CCIM au moment où la situation sociopolitique était orageuse : grève de l’UNTM, arrestation du président de la Transition et de son premier ministre, la psychose des sanctions de la Cédéao. Bref, c’était la confusion totale. Ce qui veut dire que l’occasion était opportune pour lui demander son avis sur tous ces événements. Mais Malamine Tounkara n’a pas voulu les commenter.
Toutefois, il tient à exprimer sa déception en apprenant que le Mali est devenu un gâteau à partager. Il regrette aujourd’hui que l’on ne soit pas à un niveau où chacun devrait renoncer à une bonne partie de ses revenus pour faire le Mali. Et si l’on continue dans cette cacophonie, dans cinq ans le Malien ne pourra plus rattraper les autres parce que cela trouvera qu’ils ont fait leur économie à une dimension supportable par les populations.
O. Roger
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Source: Aujourd’hui-Mali